Un « prof’ », ce n’est pas un professeur ! (4) Monsieur Cours VS Madame Super et Monsieur Cool : « Le Projet #Adopte une loutre# c’est trop cool… mais en cours vous faites quoi ? ».

      Le texte dense et fin de Nora V. proposé ici à votre lecture n’est pas qu’un texte rigolo, par le ton employé, résolument comique.
Il est aussi tragique, parce qu’il pointe avec lucidité une partie des enjeux, des méthodes et de la mise en oeuvre de la destruction volontaire et consciente de l’Education nationale par l’Education nationale.

Sa conclusion opère le distinguo entre deux types d’enseignants.
Il y a d’un côté ce qu’on pourrait appeler les « profs ». Et de l’autre les « professeurs ».

D’un côté Madame Super et Monsieur Cool. De l’autre Monsieur Cours, Monsieur Option et Monsieur Sérieux.

La différence entre un « prof » et un « professeur » ? Ils ne font pas la même chose en cours. Mais qui s’en soucie encore ?

                                                                                                                    Pierre-André Dionnet

 

 

 

 

******************************************************************************************************************************************

Ci-dessous, La Fabrique des Là-pas-là, article du 27 avril 2023, Nora V. publié sur le site Lundi Matin.

https://lundi.am/La-fabrique-des-La-Pas-La

******************************************************************************************************************************************

 

 

LA FABRIQUE DES LÀ-PAS-LÀ

ou le non-présentisme comme manière de vivre
[Lettre ouverte aux parents d’élèves]

paru dans lundimatin#380, le 27 avril 2023
 

Après celui de l’absentéisme, des élèves comme des professeurs, un autre fléau s’abat sur l’Éducation Nationale : le non-présentisme, conséquence directe d’années de réformes visant à transformer l’École en Entreprise cool – la dernière en date (Blanquer) ayant drastiquement accéléré le processus déjà en cours. Le métier de professeur s’en est trouvé dénaturé, le métier d’élève détruit, redéfinis subrepticement, l’un comme l’autre, par des effets de structure. Le Lycée ainsi réagencé, vise à produire un nouveau type d’individu, et y parvient.

La différence entre les deux fléaux, le sempiternel absentéisme et le flambant neuf non-présentisme, au premier abord si semblables, est, en réalité, de taille et mérite une analyse approfondie. L’absentéisme inquiétait, le non-présentisme a plutôt tendance à plaire.

Pour que l’explication soit accessible aux non-initiés au langage et aux ressorts de l’Éducation Nationale, l’auteur fait l’effort d’expliquer la situation en s’adressant aux parents d’élèves sous la forme d’une lettre ouverte, en reformulant en français courant et en agrémentant le raisonnement d’exemples concrets.

Cher parent de collégien, parent de lycéen, parent non-prof,

Tu te plains parce que les professeurs de ton enfant sont souvent absents. Si tu n’es pas de ceux qui disent « ouais, les fonctionnaires de toute façon ça ne fout rien », tu penses que c’est parce qu’il n’y pas assez de professeurs et il n’y a pas assez de professeurs parce que l’Éducation Nationale s’emploie à rendre le métier de plus en plus pénible. Tu as raison, il y a de ça, mais tu ne sais pas tout, c’est plus subtil, tordu et compliqué que ça. C’est structurel. Ce n’est pas parce que quelque chose ne fonctionne pas bien que le professeur de ton enfant est absent. C’est justement parce que tout fonctionne parfaitement bien qu’il est absent.

Et, d’ailleurs, ton fils, n’est plus vraiment là non plus et lui, on ne pourra pas le remplacer.

Si tu as le temps et l’envie d’essayer de comprendre les choses en peu plus en profondeur, je t’explique.

(Après, à la fin, j’aurai aussi un ou deux services à te demander).

ESPACE ET TEMPS : LES LOIS DE LA PHYSIQUE

Toi, tu as fréquenté un lycée, parent. Ton enfant, le lycée, il ne connaîtra pas. Il fréquentera une boîte-à-projets, à mi-chemin entre un centre social et la salle d’attente de Pôle Emploi. Dans la boîte-à-projets, on l’occupera avec des activités plus ou moins ludiques et cool, dans une atmosphère dite bienveillante, tout en le menaçant de mort sociale en l’évaluant et en le notant sans cesse. Parcoursup rôde. Mais avec bienveillance.

Ce lieu, encore fallacieusement appelé « lycée », est régi par des lois différentes par rapport à celles qui régissent le reste de l’univers. Par lois j’entends les lois de la physique. Dans ce lieu, par exemple, le temps est extensible, si bien que chaque journée dure 43 heures et chaque semaine 9 jours. Ce qui explique qu’on arrive à faire tellement de choses, entre les cours, les projets, les sorties, les bacs blancs, le vrai bac en mars ! C’est ça, on a beaucoup plus de temps qu’ailleurs.

Ou alors ce n’est pas ça, je n’ai pas tout compris. Les journées d’école durent bien de 8h à 18h et la semaine ne fait que 7 jours dont 5 ou 6 de cours, mais les personnes peuvent se trouver à deux endroits « en même temps », ce qui est, tu en conviendras, impossible partout ailleurs. Là, c’est possible. Dans la boîte-à-projets, un professeur peut « en même temps » accompagner une sortie et faire cours. De la même manière, l’élève Kevin peut « en même temps » passer l’examen pour la certification de Cambridge et assister au cours de philosophie. « En même temps » : on ne l’avait pas vue comme ça cette expression, mais en réalité c’est à ce contexte qu’elle s’applique le mieux, avec le plus de prégnance. « En même temps ». D’où, pour que personne ne sache que ton fils perd plein d’heures de cours, la nécessité d’inventer le bonhomme-à-flèche, icône du non-présentisme.

LE BONHOMME-À-FLÈCHE

À tel point, dans la boîte-à-projets, les gens peuvent être là et pas là « en même temps » que Pronote – tu sais, le site que ton enfant consulte fébrilement pour surveiller sa moyenne trimestrielle ? – a inventé une icône pour ça : le bonhomme-à-flèche qui désigne ce que l’on appelle un « élève détaché ». Oui, parent, tu as bien lu : « élève détaché ». C’est quoi ? Pourquoi ?


Tu te rappelles, parent, quand tu étais au lycée tu étais dans une classe, disons, la Terminale 4, et la prof d’histoire organisait une sortie au musée ? Tout le monde était content parce que, pendant une journée, exceptionnellement, on ne faisait pas cours. C’est-à-dire que, les cours n’étaient pas dispensés à ta classe, la Terminale 4, ce jour-là, puisque la classe n’était pas là. Toute la classe. La prof d’histoire de ta classe vous sortait tous et donc le prof de maths de ta classe pouvait se dire ce jour-là « j’ai une heure qui saute avec les Terminales 4, ils sont en sortie ». Or, Jean-Michel Blanquer a fait éclater la classe. Ton enfant, s’il est en Première ou en Terminale, il a une partie de ses heures de cours dans sa classe d’origine (heures de tronc commun) mais aussi une grande partie de ses heures de cours dans d’autres regroupements (spécialités, invention de Blanquer, et options). Si bien que, imaginons : Kevin et Odile sont dans la même classe, la Première 3, mais Kevin a choisi allemand comme deuxième langue, « spé » physique, « spé » maths, « spé » SVT, alors qu’Odile, elle, fait espagnol, « spé » musique, « spé » HLP, « spé » HGGSP (on reparlera des sigles et acronymes). Ils ont cours ensemble une partie du temps mais, pendant leurs heures de spécialité et leurs heures d’option, ils sont dans des groupes différents. Ok. Qu’est-ce qui se passe donc, concrètement, si l’un des professeurs de « tronc commun » de la Première 3 décide d’organiser, par exemple, une sortie, ou si l’établissement décide de soumettre les élèves de Première 3 à une session de « sensibilisation à » quelque chose ? Visualise, parent. Il se passe que, comme toi à ton époque, ni Odile ni Kevin ont cours de jour-là. Mais, au lieu de juste ne pas avoir cours parce que le cours est supprimé parce que la classe n’est pas là, il y a des tas de cours qui auront lieu mais auxquels ni Odile ni Kevin pourront assister. Tous les cours de « tronc commun », en classe entière seront supprimés, mais tous les autres auront lieu et Kevin et Odile seront absents. Non, pardon, justement, ils seront non présents. Non présents : ils seront signalés par un bonhomme-à-flèche sur Pronote dans tous les cours de spécialité et d’option qu’ils louperont. Coté profs, les professeurs de matières du « tronc commun » seront libérés. Les professeurs de spécialité et d’option se retrouveront face à un groupe mutilé de tous les élèves en provenance de la Première 3. Ils feront cours au reste des élèves, ceux qui viennent d’autres premières, Kevin et Odile devront rattraper le cours… Ajoute à ça, parent, qu’une sortie s’accompagne. Seront donc supprimés aussi les cours du professeur organisateur et des professeurs qui accompagnent. Il faudrait faire le calcul du nombre d’heures de cours qui sont perdues ainsi pour les élèves. Heures perdues qui ne sont pas considérées comme des absences. Personne ne le saura jamais.

Observons donc le site d’Index éducation (les gens responsables de Pronote).

On le voit apparaître, le bonhomme-à-flèche, invention de 2022. Ils en sont fiers.

Il s’agit de l’une des quatre catégories d’élèves « non présents » :

  1. « exclu » (point d’exclamation blanc sur panneau rouge, parce que c’est grave et dangereux, un peu comme un spam),
  2. « en stage » (usine bleue, parce que, bien sûr, travail = usine),
  3. « absent » (chaise vide devant un pupitre, noirs : l’absence c’est triste),
  4. « détaché » (buste de bonhomme avec une flèche qui sort de sa tête, là aussi, on pourrait commenter…).
    L’absence n’est donc que l’un des quatre états que connaît la non présence. De telle sorte que le professeur de philosophie de Kevin qui, ne le voyant pas en cours, aurait pensé autrefois innocemment qu’il était absent, sait maintenant que Kevin est simplement non présent, ah ce n’est pas tout à fait la même chose, il n’est certes pas là, mais il est tout sauf absent : il est un « élève détaché ». Il est là-pas-là. Il est peut-être dans l’établissement, mais occupé à autre chose, peut-être en sortie. Il est présent-absent. C’est donc qu’il est soumis à des lois autres que celles qui régissent le reste de l’univers. Ce n’est que grâce à cette suspension des lois de la physique que le lycée fonctionne parfaitement et que ton enfant bénéficie à la fois de cours de qualité et d’une foultitude d’activités annexes. « En même temps ».

Les managers scolaires (certains nostalgiques les appellent encore « proviseurs ») le savent qui incitent les professeurs à multiplier initiatives innovantesprojetspartenariatsmobilitéssorties, réunions de « sensibilisation à », de « lutte contre », etc. Ils le font parce qu’ils savent que c’est possible grâce aux lois physiques spécifiques au lycée, forcément. Jamais ils ne priveraient sciemment ton enfant de cours. Le cours c’est important. Le cours c’est sacré. Bien sûr.

Ou alors…

MADAME SUPER, LA NON PRÉSENTE

Bon. Trêve de plaisanteries. Où est le problème ?

Un professeur, il fait quoi normalement ? Cours. Alors c’est grave si les professeurs sont absents parce que, s’ils sont absents, ton enfant loupe des cours ? On est d’accord ? Mais si le professeur est là et ton enfant est « détaché » il loupe des cours pareil, ton enfant. Et pourquoi ce n’est pas grave ? Pourquoi on compte scrupuleusement les vraies absences, mais on valorise les non présences ? Pourquoi un élève qui n’assiste pas à des cours parce qu’il est absent est pénalisé (privé de félicitations, par exemple) et son camarade qui a loupé le même nombre de cours mais parce qu’il était « détaché » est considéré comme exemplaire, félicité, applaudi pour son engagement  ?

Le problème ce ne sont pas les professeurs flemmards. Je te le garantis. Les professeurs travaillent énormément, de plus en plus et essayent de faire au mieux.

« Mais si ! Il y a trop de professeurs absents ! » tu me diras. Le Président l’a encore dit le 22 mars à la télé, en effet : « je veux qu’à la rentrée prochaine, on puisse remplacer, du jour au lendemain, les profs dans les classes des élèves ». (Il veut). « Et puis il y a les contractuels recrutés par job dating… » (qui, soit dit en passant, sont ceux qui vont remplacer les profs absents, sans être formés). Oui, oui, ce sont des problèmes, en effet.

Mais, parent, tu crois vraiment que, si les professeurs étaient présents, formés, titulaires, tout irait bien ? C’est que tu ne sais pas tout, parent. Ça ne marche pas comme ça. Le problème est que tout a été déstructuré, l’École a été flexibilisée, jusqu’à la liquéfaction. Or, les cours sont une entrave à la flexibilisation. Il faut faire passer l’idée qu’ils ne sont pas si importants que ça, au fond. La preuve : tu peux comprendre sans peine que si on met le baccalauréat en mars, plein de cours vont être supprimés : il faut préparer les salles, faire passer les épreuves, puis les professeurs sont absents pour corriger les copies et assister à des réunions dans lesquelles ils harmonisent les notes (passons). Avant Blanquer, tout ça on le faisait en juin et début juillet. Maintenant c’est le mois de mars qui pâtit, en plein milieu de l’année scolaire. Des dizaines d’heures de cours de perdues pour ton enfant, à cause, non pas des profs, mais des choix politiques qui régissent leur métier. Et ce n’est pas fini.

Il faut, pour comprendre ce qui ne va pas, parler du nouveau type de professeur que la réforme Blanquer a érigé en modèle indépassable d’exemplarité. On va l’appeler Madame Super, personnage fictif mais vraisemblable, condensé de skills valorisées par l’Institution, héroïne du non-présentisme. Elle travaille beaucoup Madame Super, plus que les autres, elle veut bien faire, elle a une grande conscience professionnelle, elle fait tout ce qu’on lui demande et même plus. Mais que demande l’École de Blanquer aux professeurs ? Dans quelle situation concrète les place-t-elle ? À quoi les incite-t-elle ? Qu’est-ce qu’un bon professeur dans ce système dans lequel le cours ne vaut plus grand-chose ? Un bon professeur c’est Madame Super. Si bien que, si pour l’instant il y en a une Madame ou un Monsieur Super, au moins, dans chaque établissement et, à terme, il n’y aura plus que ça.

Cher parent non-prof, moi, maintenant, je dois t’expliquer des choses un peu techniques, sans lesquelles tu ne comprendras pas que Madame Super, la prof de français (ou d’histoire ou de mathématiques…) de ton fils, est toujours absente non présente et que ce fait n’est un problème pour personne (sauf pour ton fils et ses camarades qui n’ont pas cours mais que Parcoursup attend au tournant et qui seront donc évalués sur des notions jamais étudiées et, de ce fait, notés au pif). Non seulement ce n’est pas un problème que Madame Super ne soit que rarement là, mais c’est un « plus » pour l’établissement. « Comment ça ? » me diras-tu, « ben, non ! ». Ben si, parent, patience, tu vas finir par comprendre l’entourloupe. C’est un « plus » parce que Madame Super n’est pas malade, ou absente par flemme ou maladie, non, Madame Super est « très sollicitée » pour des projets, elle a plein de partenariats et, donc, on peut dire que, grâce à elle, le lycée lui-même a ces projets et ces partenariats et ça, c’est bien. « Mais je m’en fiche, moi », me diras-tu. Parent, du calme, essaie de suivre le raisonnement. Personne n’a dit que c’est bien pour ton fils. Autant les professeurs, individuellement, se soucient, pour la plupart, de ton fils, autant la boîte-à-projets s’en fout royalement de ce qui est vraiment bien pour lui. La boîte-à-projets veut de bons scores. C’est bien pour l’affichage et, comme c’est par l’affichage qu’on renforce l’attractivité de l’établissement, c’est bien.

Le lycée affiche qu’il a un projet « Adopte une loutre » et un partenariat avec le musée de la dentelle et ça, que tu en voies l’intérêt ou non, c’est bien. Le lycée affiche plein de projets. Si tu les isoles, tu les analyses un par un, tu penses, comme moi « c’est génial ! Ils ont dû travailler comme des malades les profs pour faire ça ! Ça a l’air passionnant ! Ah, si seulement mes profs à moi avaient su inventer de tels projets, je me serai moins ennuyé à l’école ! ». Nous sommes d’accord. Mais comment on fait tenir tout ça et les cours « en même temps » ? Et en quoi, concrètement, le zèle de Madame Super bénéficie-t-il à ta fille et à ses camarades ? Les bénéfices tirés collectivement par ses projets suffisent-ils à justifier les coûts engendrés ? La réalité, dans la nouvelle structure du lycée est que ta fille sera souvent privée de cours, « détachée », là-pas-là ou, si elle n’a pas de Madame Super, elle sera face à des profs qui, parce que les élèves de Madame Super sont « détachés », feront des cours à moitié, puis referont le même cours quand les « détachés » reviendront, placeront les évaluations dans les rares créneaux où ils savent qu’ils auront tout leur groupe… Personne ne remet en question les bénéfices des projets de Madame Super et personne n’en évalue les effets sur la structure du lycée.

Alors pourquoi les Monsieur et Madame Super prolifèrent ? Pourquoi sont-ils valorisés par l’Institution au point que bientôt il n’y aura plus que des professeurs de ce genre-là, ce qui rendra la tenue des cours purement et simplement impossible ? On te répondra « c’est bien les projets » et c’est bien parce que c’est bien (ça ne va pas plus loin que ça, en général, les réponses à ce genre de question : les « projets c’est bien » est un postulat dans l’Éducation Nationale). Je ne sais pas si c’est vraiment bien, je me méfie des postulats.

En tout cas, ce qui est sûr, c’est que « ça fait bien ». Ce n’est pas tout à fait pareil.

Attends.

Regarde.

Prenons ça par un autre bout. Observons une chose que tu connais bien : les JPO. Partons de là.

LES JPO

Le moment de vérité d’un établissement scolaire, ce sont les journées portes ouvertes, les JPO pour les initiés. Tu les as « faites » les JPO, cher parent non-prof ? Tu les as mangés les scones de la section euro anglais, la linzetorte de la section euro allemand, les fajitas de la section euro espagnol ? Elle était bonne la mozza  ? Tu as fait le jeu de piste organisé par la « spé » physique et le kahoot de la « spé » LLCE, ou HLP, ou NSI ? Tu les comprends, d’ailleurs, ces acronymes, parent ? Non ? C’est fait exprès, cher ami. Ne réussiront que ceux dont les parents maîtrisent les acronymes. Les autres, ben, c’est tant pis pour eux, ils n’avaient qu’à se renseigner. Bref. Tu les as « faites » les JPO ? Bien. Tu les as vécues en tant que parent.

Un petit effort maintenant pour te mettre à la place des professeurs qui ont passé la soirée de la veille à faire les scones, de ceux qui ont dû demander aux élèves de les accompagner, déguisés en gondoliers, pour expliquer aux gens que l’« italien c’est trop cool et puis peut-être il y a un voyage à Venise ». Pourquoi ces gens font-ils ça ? Tu te l’es demandé, cher parent ? Qu’est-ce qui fait qu’un professeur qui a fait des années d’études, qui a passé des concours, qui est un fonctionnaire, dans la fonction publique – je répète : dans la fonction publique – se mue soudainement en commercial et est contraint d’imaginer des manières originales et aguicheuses pour rendre sa discipline attractive ? Ce n’est pas de l’information, tu es d’accord, c’est de la com, c’est bel et bien de la publicité. Tu ne trouves pas ça bizarre, parent ? Tu te les imagines tes profs à toi, ceux qui avaient 60 ans en 2000 et qui faisaient peur à tout le monde, en train de se déhancher déguisés en Statue de la Liberté et de tendre à ta mère, en souriant langoureux, un plateau de donuts ? (D’ailleurs, les aurais-tu respectés si tu les avais vus faire ça ?).

Le mot qu’il faut convoquer pour comprendre cet étrange phénomène qu’est la métamorphose du professeur en commercial est : « concurrence ». On n’y pense pas, comme ça, spontanément. Tu pourrais me dire « mais c’est le service public, quelle concurrence ? ». Tu es mignon, parent. Ta naïveté me bouleverse. Si tu as l’esprit un peu Éducation Nationale, tu peux comprendre que je parle de concurrence et tu peux, déjà, à juste titre, me dire d’un air entendu : « ah, oui ! La compétition privé / public ! ». Certes, mais non. Enfin. Pas que.

Il faut que tu comprennes comment ça marche. Ce qui est à l’origine de tout, c’est la pénurie.

LA CHUTE DE LA DHG

Tous les ans, le Rectorat donne des heures à chaque établissement scolaire pour fonctionner. Il pond ce qu’on appelle la Dotation Horaire Globale, la DHG. Ce phénomène se produit en janvier. C’est un peu comme une fête annuelle : Noël, DHG, Mardi Gras, Pâques… Mais c’est une fête triste. Lorsque l’administration de l’établissement scolaire reçoit ces informations du Rectorat on dit « la DHG est tombée ». C’est une chose qui tombe, la DHG, comme ça, et il faut faire avec. Quand la DHG « tombe » les profs sont toujours abattus et en colère, parce qu’il se trouve que le Rectorat donne de moins en moins d’heures aux établissements scolaires pour fonctionner. Donc les professeurs, se battent d’abord un peu tous ensemble, poliment, contre l’absurdité de la pénurie, puis ils renoncent parce que le Rectorat ne les écoute pas du tout, et ils commencent à se battre entre eux pour garder leurs heures et donc leur poste.

Tu commences à voir le rapport entre la DHG et la JPO ? (Déjà, si tu comprends cette phrase, je te félicite, tu progresses en Éd Nat).

Nous allons procéder de la façon suivante : d’abord une vision d’ensemble, puis, zoom. De la juxtaposition entre ces deux échelles d’analyse apparaîtra clairement à tes yeux de non-prof la perversité de la chose.

1) Un lycée, surtout un lycée de centre-ville, est souvent entouré d’autres lycées. Le lycée « recrute » ses élèves dans ce qu’on appelle un « bassin de recrutement » qui se trouve être parfois composé d’élèves riches et d’élèves pauvres. Pour des raisons que la sociologie se tue à expliquer depuis des décennies, les riches sont bons à l’école, les pauvres, moins. Le lycée doit donc essayer d’attirer les riches. On ne dit pas ça comme ça, on dit : « il faut que la mixité soit préservée au sein du lycée ». Mais en gros c’est ça, il faut plaire aux riches-bons-à-l’école, c’est mieux, comme ça on a de bons scores au baccalauréat et le cercle vertueux s’enclenche : d’autres riches feront confiance au lycée et ils y inscriront leur enfant riche, la mixité sera sauvée, etc. Ce serait l’idéal, mais de toute façon, en général, il en faut plein, des élèves, même des pauvres, on saura s’en contenter, à défaut d’avoir séduit les riches, on prend même les pauvres, parce que sinon on a peu d’élèves et le Rectorat donne moins d’heures au lycée, DHG catastrophique, professeurs qui perdent des heures, postes qui « sautent » (oui, la DHG « tombe » et les postes « sautent »)…

Donc, tous ensemble, on vend le lycée lors de la JPO. Objectif : chiper les riches-bons au lycée d’à-côté. Depuis la réforme Blanquer, qui incite les établissements à se différencier le plus possible les uns des autres, il faut considérer non pas un, mais deux arguments de vente :

a) l’offre de formation (options, ça c’est vieux, mais aussi spécialités, maintenant, merci Blanquer) ;

b) les trucs en plus (projets, ateliers, partenariats, labels…)

Quelqu’un a un jour décrété que le parent d’élève, le riche surtout, mais aussi le pauvre, est rassuré par un lycée qui aurait une « identité » forte, c’est-à-dire un lycée qui a une « offre de formation » cohérente. Depuis Blanquer, on produit ce genre d’énoncé : « il faut que l’offre de formation soit cohérente, ça impacte l’attractivité, l’identité du lycée doit être claire », on dit ce genre de choses, à l’École, sérieusement, on fait des réunions entières en parlant de la sorte. Donc, attention à l’identité dans l’offre de formation.

Mais ce n’est pas assez. Il faut rajouter des trucs, en plus, parce que l’enseignement, les cours, ça ne suffit plus. Il faut qu’il y ait des projets pour tous les goûts, des ateliers de ci, de ça, des centres de ressources, des interventions prévues de la part d’associations diverses, des classes à projet, un journal, une radio, un potager, un blender à pédales, un zome construit à mains nues par les élèves, quelque chose, bref. Toute sorte de gadgetsévénements et initiatives aptes à distinguer le Lycée X de son voisin Lycée Y et à le rendre plus attractif que lui.

C’est le premier niveau, et c’est déjà en totale contradiction avec l’idée-même de service public. Tu ne trouves pas, parent ?

C’est pire après.

Jusque-là tu pourrais te dire que, au moins, ça forge un esprit d’équipe, que le team Lycée X sera à jamais soudé dans le combat contre le team Lycée Y.

2) Que nenni, parent ! Parce que, au sein du Lycée X, chaque professeur doit aussi, en catimini, chiper des élèves à ses propres collègues, à cause de la pénurie d’heures, tu te rappelles ? Si bien que, c’est tout un entrechipage d’élèves, même au sein du team Lycée X. Ben oui. Avant la réforme inventée par Monsieur Blanquer, les guerres intestines n’avaient lieu qu’entre professeurs d’option, notamment entre les professeurs de langue, mais cela n’affectait pas la structure. Peu de choses étaient « au choix » dans l’ancienne formule. Et quand il y a peu de choix, il y a peu de concurrence. On comprend bien que le professeur de néerlandais, souhaitant garder son poste, essayait alors d’avoir le plus d’élèves possible et, pour ce faire, il devait bien les chiper, ces élèves, au collègue de portugais. C’était déjà stressant, pénible, chronophage et avilissant pour tous ces gens, mais cela ne concernait qu’eux. Peu de monde. Pour le reste, l’élève avait choisi une filière (L, ES, S, STMG…) et il restait là, tranquille jusqu’au baccalauréat. Monsieur Blanquer a étendu cette compétition à presque toutes les disciplines en détruisant les filières et en inventant les spécialités, qui elles, comme les options, doivent être choisies par les élèves et sont, de ce fait, en compétition.

L’EMBARRAS DU CHOIX

Ton enfant a dû choisir son orientation en fin de troisième, il a dû choisir son lycée et, au sein du lycée, ses options. Imaginons qu’il ait choisi d’aller en lycée général. En seconde, il doit choisir trois spécialités pour la première. En première, il doit choisir quelle spécialité abandonner (oups, pardon, « valider », on dit « valider »). Les élèves devant choisir trois spécialités en première, puis choisir d’en abandonner une en terminale, toutes les disciplines sont en concurrence. Tout le temps. Année après année. DHG après DHG. Inéluctablement. Donc pas de team Lycée X, au contraire : team arabe contre team russe, team « spé » maths contre team « spé » SVT, etc., mais, bien sûr, tous unis contre le Lycée Y, forever. Tous ensemble tous ensemble eh, eh !

C’est tordu, n’est-ce pas ? Tu imagines le climat, les interactions, les dialogues, les stratégies d’accaparement d’heures ? Tu les vois autrement, maintenant, les profs à Power Point avec les photos de voyages scolaires, le jour des JPO, parent ? Tu comprends ce qui les meut ? Ils ne te font pas un peu de peine, après coup, déguisés en gladiateurs-vendeurs-d’option-latin ? Ils comptent leurs élèves, ils se demandent, tout bas, en se croisant dans les escaliers, à la récréation, « t’en as combien ? », ils se répondent « j’en ai peut-être un qui va s’inscrire, mais pas sûr », en septembre ils guettent leur liste d’appel sur Pronote, qui rapetisse, qui rabougrit, qui se dégonfle et se défait comme si elle fondait… Tu les vois, parent ?

C’est à eux que tu confies ton enfant, à des professionnels de l’enseignement, bien formés, capables, mais contraints par la menace à se conduire en commerciaux. Des gens humiliés qui, au mieux, se plient à cette mascarade en la comprenant, à juste titre, comme l’aboutissement du long processus de marchandisation/privatisation de l’École (qui culminera bientôt avec la Loi Brisson) ; au pire, ils finissent par trouver ça sympa les JPO et ne voient pas le lien entre le fait que leurs élèves se comportent en « consommateurs » (ils s’en plaignent pourtant tous les jours) et le fait qu’on leur a vendu le lycée, les spécialités, les options comme si c’étaient des vacances à Tenerife ou une paire d’Adidas.

Quant à Madame Super, tu l’auras deviné, parent, pas la peine de signaler à tes représentants que toi et d’autres parents n’êtes pas contents parce qu’elle n’est jamais là. Elle ne peut pas faire cours à vos enfants. Pas le temps. Elle est retenue par de plus nobles tâches, tâches qui lui permettent d’être bien vue par la direction et donc de garder son poste : Madame Super rayonne. Elle est une arme dans la guerre contre le Lycée Y. Son rayonnement lui vaudra un salaire plus conséquent d’ailleurs, grâce au Pacte. Le Pacte. Cette autre idée brillante n’est pas de Blanquer, mais de son successeur Ndiaye, qui réalise ainsi le rêve Sarkozien du « travailler-plus-pour-gagner-plus », mais en version cheap, style fonctionnaire-loseur. Les Monsieur et Madame Super gagneront un peu plus d’argent (vraiment pas beaucoup par rapport au travail monumental qu’ils fournissent) que les professeurs qui feront juste cours, les Monsieur et Madame Cours. En général, les profs-à-projets, les profs-à-missions, gagneront plus que les autres. Quand la DHG « tombera » qui contraindra à choisir, un peu comme dans Koh-Lanta, entre les Monsieur Cours et les Monsieur Super, les Super garderont leur poste. Les Super sont de meilleurs professeurs, ce sont les préférés des managers scolaires, parce qu’ils font moins cours que les autres, certes, mais ils savent rayonner. Ce qu’ils font ont peut l’afficher, ça fait bien lors des évaluations (audits) de l’établissement, ça peut même valoir un label  ! Après, oui, ok, ton enfant est là-pas-là, « élève détaché », bonhomme-à-flèche, il loupe plein de cours, il est privé d’enseignements précieux, mais bon, on ne va pas non plus gagner la guerre contre le Lycée Y juste en disant aux gens aux JPO « au Lycée X on fait cours ». Il y a des priorités, parent. Tant qu’il y en a une par établissement, de Madame Super, ça peut encore tenir, mais quand il n’y aura plus que des profs-à-projets ? On fera comment ? On fera cours quand, et à qui ?

UN NOUVELLE FORME DE VIE : LES LÀ-PAS-LÀ

Tu auras compris ce que tout ce beau fonctionnement fait au professeur : non présence, perte de temps, chantage, compétition, réunions stratégiques sur l’attractivité et l’identité de l’établissement, continuité pédagogique piétinée (cette expression était le mantra pendant la pandémie, les professeurs recevaient trois mails par jour intitulés « continuité pédagogique », mais il faut croire que, hors pandémie, on s’en fout).

Mais ça fait quoi tout ça à ton enfant, cher parent ? À part le priver de cours, je veux dire, ça fait de lui quel genre d’individu, toutes ces exceptions aux lois de la physique ? Ça lui fait quoi d’avoir moins d’heures de cours, plus de projets, moins de régularité, plus d’événementiel, moins de rigueur, plus d’innovation pédagogique ? Le tout-extraordinaire-permanent, le message implicite « si tu loupes un cours ce n’est pas grave du tout mon petit », ça lui fait quoi ?

Surtout, ça lui fait quoi de pouvoir/devoir choisir sans cesse ?

Je ne sais pas comment te l’expliquer, parent.

Alors je vais te le montrer en te racontant l’histoire de Monsieur Option, professeur dans un lycée général. Les professeurs d’option bénéficient d’un point de vue particulier, plus lucide, sur la question de la compétition. Ils sont depuis toujours en compétition, ils sont habitués, ils voient mieux que les autres où tout ça va nous mener.

La triste histoire de MonsieurOption

Le 19 septembre 2022 à 16h10, dans une salle de cours.

Précisons que les élèves sont maintenant autorisés à arrêter les options jusqu’à la fin du mois de septembre, ou même plus tard, ça dépend des établissements, parce qu’on ne va pas non plus les obliger à suivre un cours qu’ils n’aiment pas ou à tenir leurs engagements. Ce serait horriblement violent. Ils ont des goûts, des penchants, et il faut respecter ça. Le choix. Toujours.

Monsieur Option : Bonjour  !

Élèves : Bonjour.

Monsieur Option, étonné : Qu’est-ce que tu fais là Noam ?

Noam, tout en s’affaissant sur sa table, accablé : Ils n’ont pas accepté que j’arrête l’optionMais dès que je peux, je quitte.

Monsieur Option : Bon, en attendant, tiens-toi correctement. Sors tes affaires, tant que tu es là, tu travailles comme tout le monde.

En traînant ostensiblement son sac, lentement, en pouffant à moitié, Noam s’exécute.

Monsieur Option : Alors,…

Emilie : Monsieur !

Monsieur Option : Oui, Emilie.

Emilie : Comment on arrête l’option ?

Monsieur Option : Là il est trop tard, Emiliemonsieur le proviseur a dit qu’on ne peut plus rien changer.

Téa : Non mais, Emilie, t’inquiète pas, on va se battre pour arrêter l’option, ils peuvent pas nous obliger.

Du fond de la salle, Brian, expert : Ouais t’inquiète, ils te font croire que tu peux pas arrêter, mais tu fais ce que tu veux en vrai. Moi au collège j’ai fait latin juste pour le voyage, eh ben j’ai fait le voyage et après j’ai arrêté. Le voyage était génial.

Téa : Ouais, au pire juste on vient pas. Franchement, finir à 18h c’est pas possible, nous on a des sports, d’autres trucs à faire.

Emilie : Moi j’ai eu mes horaires de sport hier et là je peux pas finir à 18h le lundi.

Monsieur Option : Oui je vous comprends, les emplois du temps sont chargés. Essayez toujours, il se peut que monsieur le proviseur accepte de vous rayer de mes listes. Mais tant que vous êtes sur mes listes, si vous ne venez pas en cours, je dois vous noter absentes.

Téa : Ben c’est pas grave.

Emilie : Ouais, de toute façon Parcoursup ne voit pas l’année de seconde.

Téa : Bah ouais.

Du premier rang, pragmatico-laconique, Ali : Madame, ça compte pour le bac l’option ?

Monsieur Option : Je ne vais pas vous mentir : pas beaucoup.

Ali : Bah alors ça ne sert à rien. Autant garder juste Euro, ça ça compte plus, non ?

Monsieur Option : Oui, je crois bien.

La décision ayant été prise (être absentes « de toute façon Parcoursup ne voit pas l’année de seconde »), Téa et Emilie sortent leurs affaires.

Monsieur Option, inhabituellement grave : Je tiens tout de même à vous faire remarquer que vous parlez de mon travail. C’est à mes cours que vous ne voulez pas assister, c’est pour ne pas y assister que vous allez vous « battre ». Mettez-vous à ma place. Ma position vous semble-t-elle agréable ?

En chœur, sincèrement peinés, comme soudainement arrachés à leur état de transe utilitariste, touchés et touchants : Non mais Monsieur, mais c’est pas contre vous ! On vous aime bien en plus ! Non mais vraiment ! Juste ça fait trop de trucs.

Monsieur Option, puisant dans ce qu’il lui reste d’amour propre, simulant l’enthousiasme, sur un ton enjoué, par souci pédagogique : BonAlorson recommence  ! Bonjour  !

Élèves : Bonjour  !

Monsieur Option est bien là, formé, expérimenté, surdiplômé, rarement absent, « excellent » si l’on en croit ses rapports d’inspection, « excellent » même selon le Rectorat, pourtant avare d’éloges. Mais il est trop tard. C’est ton enfant qui a intégré la logique du « menu » dans un contexte où, objectivement, « il y a trop de trucs ». Ton enfant choisit ses matières, il choisit les profs, il calcule des coefficients, il se faufile entre le cours et, au sein du cours, il se prend au jeu du tout-au-choix et il pense encore pouvoir choisir entre les activités, les exercices, en fonction de son humeur, de la météo, de son type d’intelligence, de sa motivation. Et même quand il garde l’option, il est très souvent « élève détaché » parce que les Monsieur et Madame Super l’ont inscrit de force à leur projet. C’est lui qui n’est plus là.

La stratégie Blanquer fonctionne : Monsieur Option et ses collègues s’adressent désormais à des personnes violentées par l’utilitarisme, rendues inaptes à jouir du savoir, mutilées de leur curiosité spontanée, privées d’insouciance, incitées à cultiver en lieu et place de la libido sciendi, une nouvelle forme de libido, bien moins émancipatrice : la libido calculandi. Est-ce encore de la libido, d’ailleurs ? Non. Plus aucun plaisir. Il s’agit de compulsion. Compulsio calculandi. D’où les questions les plus fréquemment adressées aux professeurs en 2023, après cinq ans de Blanquérisation de l’École : « Monsieur, c’est noté ? », « Madame, c’est coeff combien ? ». La question « à quoi ça sert ? », fréquemment posée jusqu’en 2017, agaçait les enseignants. Elle apparaît maintenant comme étant magnifiquement naïve et pure comparée à ces questions-là, en tant qu’elle avait le mérite de porter sur le sens de ce qu’on fait. « À quoi ça sert ? » demandaient les élèves jadis. Maintenant, le sens ayant été exclu du questionnement, on demande « ça rapporte combien ? ». Et puis c’est tout.

Ton enfant, parent, est l’une des victimes innocentes d’une logique mesquine érigée en norme, valorisée par l’institution. Une seule et unique compétence lui est enseignée durablement : « moi-ma-gueule-mon-projet ». Ok. Admettons. Mais comment savoir à quatorze ans ce qu’on sera à trente ? Comment savoir qu’il est judicieux de se priver de mathématiques parce qu’on sera professeur de lettres, ou de lettres parce qu’on sera assistant dentaire ? Et si on voulait être un assistant dentaire qui aime la littérature ? Ah ah ah ! N’importe quoi ! Non conforme. Fichier non reconnu. Non rentable. Stupide. Les assistants dentaires ça n’a pas besoin de lire. Point. Il va dire quoi Parcoursup ? Et tu n’as pas intérêt à changer d’avis en cours de route. Interdit ! On te répondra que tu as été bien informé par les nombreuses réunions sur l’orientation et puis, t’as qu’à avoir un projet clair et définitif à 12 ans. Voilà.

On leur fait ça à Noam, Téa, Emilie, Brian et tous les autres. Quand tu as lu la scène du terrible cours de Monsieur Option, parent, avoue, tu as dû te dire « oh ! mais quelle insolence ces gamins ! ». Non, parent, ils n’étaient pas insolents, ils étaient « en confiance », ils parlaient devant Monsieur Option entre eux comme s’il n’était pas là. Il a eu accès à une conversation normale entre élèves. Une conversation de stratégie ordinaire. « Mon enfant ne ferait jamais ça ! ». Si parent, si. Détrompe-toi. Ton enfant aussi, le mien aussi. Ils ne sont pas méchants, ils veulent survivre. On leur a appris ça. Ils ne font qu’obéir.

Une dernière petite histoire, tout aussi triste, pour que tu voies jusqu’où ça va.

Encore une autre fois, Monsieur Option, un vendredi à 17h, travaillait avec ses élèves de première sur leur futur métier. « Aimerais-tu travailler au contact avec la nature ? » avait-il demandé à Céline, excellente élève. « Aaah ! Noooon ! » avait été la réponse de Céline, suivie de « euh, non je ne devrais pas dire ça ! », « Ah bon ? Pourquoi ? » avait demandé Monsieur Option, pendant que les autres élèves riaient, complices. « Parce que je suis éco-déléguée » avait répondu en rougissant Céline, « normalement je devrais aimer la nature ». Rires. « Pardon Céline, mais pourquoi es-tu éco-déléguée si tu n’aimes pas la nature ? ». Et là, Alban, Lina et Marius, choqués par la candeur de la question « bah, ça rapporte des points pour Parcoursup Monsieur ! ». « Ah. C’est un peu triste, non, comme raison pour s’engager ? », avait timidement rétorqué Monsieur Option. « Mais Monsieur, même quand on est délégué de classe, tous ces trucs en plus, on les fait parce que ça fait bien ! ».

Ça fait bien. Voilà.

PARCE QUE ÇA FAIT BIEN

Parce que ça fait bien, ton enfant sera autorisé par la vie scolaire à se lever et à quitter le cours de français pour préparer le goûter de Noël, puis pour se faire prendre en photo pour Carnaval, pour assister à une réunion d’information sur les mobilités en langue. S’il est beau et bon élève, il sera non présent des journées entières pour aller faire la com pour le Lycée X dans le collège d’à-côté. Parce que ça fait bien, il sera autorisé à être là-pas-là au cours d’histoire pour participer à la sortie de SVT, au cours de SVT pour écouter un policier qui l’instruit au sujet du harcèlement, il sera non présent en cours de mathématiques pour être sensibilisé à la cause anti-raciste ou anti-homophobe. « Ben quoi ? » me diras-tu, « c’est important le harcèlement et puis le racisme et l’homophobie ce n’est pas bien ». Nous sommes d’accord, parent, parfaitement d’accord.

Mais si ton enfant est épuisé et un peu morne, ou surmené et excédé, s’il est éteint et désœuvré, s’il te semble absent, du moins, non présent, tu sais pourquoi : on en a fait un Là-pas-là. On l’a désarmé. On l’a rendu impuissant. Et ton enfant n’est pas con. Il l’a compris. Il sait qu’il n’est plus nulle part. On l’a dissout dans d’innombrables tâches, toutes éphémères. Il est, comme tout ce qu’on lui fait faire, vidé de sens, déraciné, hors-sol. Élève détaché. Littéralement. Fin prêt pour la flexibilité qui l’attend.

Parent, tout ça est un peu confus. Mais, si tu réfléchis, tout ça, c’est la même chose : plus rien n’a de sens. L’École, ayant épousé la logique de l’affichage permanent, fait les choses parce que ça fait bien, pas parce que c’est bien.

Et ton enfant finit par faire pareil.

Oh, et puis ce n’est pas grave, parent. Il trouvera bien une petite place comme commercial, ou publicitaire, ou journaliste, ou, peu importe. Et il sera bien content de faire les week-ends d’intégration, d’afficher ses photos de vacances dans la cafétéria de l’Entreprise, de passer des calls la nuit et le dimanche et de faire des happy hours le vendredi soir avec ses collègues. Burn-out de ton enfant après dix ans d’Entreprise à ne rien comprendre et à se donner des objectifs délirants parce que contradictoires ? Pas de soucis : une psychologue, formée à l’école Blanquer-Ndiaye aura pour lui des projets « relax-action » et des capsules vidéo « Graine de Yoga » réalisées en partenariat avec « Bulle de soin, la startup qui te veut du bien ». Il ne guérira pas, mais ça fait bien. Il survivra, il est (dé)formé à ça dès son plus jeune âge : fonctionner, se laisser ballotter, ne rien maîtriser, sourire.

Faire des trucs en Là-pas-là, non présent à lui-même.

Parce que ça fait bien.

PARTICIPE AU PROJET « SAUVONS LES COURS »

Alors, parent, on en vient enfin aux services que je voulais te demander. Toi seul peux sauver les cours. Le client est roi dans l’école marchandisée. Les rares profs qui manifestent leur mécontentement sont accusés de limiter la liberté pédagogique des collègues, et les élèves, quant à eux, ne sont pas lucides sur la question n’ayant connu aucune autre forme d’éducation à l’école.

Tu as la main. Sauve les cours.

Maintenant que tu sais, parent, aux JPO, demande à Madame Super, tout en sirotant le jus de papaye qu’elle aura prévu pour fidéliser ton enfant, gentiment, parce qu’elle a vraiment beaucoup travaillé et elle y tient vraiment à son projet : « oui, le projet ‘Adopte une loutre’ c’est sympa, mais en cours, vous faites quoi ? ».

Et au manager scolaire que tu croiseras affairé dans les couloirs, demande : « Monsieur, ils perdent beaucoup d’heures de cours, les élèves, pour les projets et pour le bac et les autres activités ? » et ajoute, inquiet, « j’espère que non, ce serait grave ! Dans le Lycée Y ils ne perdent aucune heure de cours, c’est mieux ! » Si tu es vraiment courageux, d’humeur à pinailler, tu peux lui dire aussi « euh, Monsieur, je vois que vous avez le Label Écolycée : les porte-clés avec le nom du lycée que vous distribuez à l’entrée, les dépliants cartonnés imprimés en couleur… ce n’est pas très écolo, non ? Et puis, ça ne fait pas très lycée non plus de distribuer des goodies, ce n’est pas sérieux ! Je suis choqué ! En plus il y a des fautes ! Ah ah ah ! ».

Parent, ne le scanne pas avec ton regard laser de parent-client, de haut en bas, Monsieur Option, quand, à la JPO, il te dira « je ne fais pas de voyage ». Ne lui demande pas, comme tu le fais tous les ans, « on n’aime pas notre lycée de secteur, est-ce que votre option est dérogatoire ? » et « est-ce que si Odile prend l’option elle doit la continuer ? Elle peut arrêter si elle n’aime pas ? ». C’est vexant pour Monsieur Option. Remercie-le, plutôt, Monsieur Option, vois en lui et en tous les Monsieur et Madame Cours, tant qu’il en reste, des professionnels de l’enseignement qui croient en ton enfant, le respectent profondément et sont prêts à défendre son droit à l’éducation, à la sérénité et à l’insouciance au prix de leur carrière. Ils défendent la structure. Ils résistent. Ils veulent qu’il soit là, ton enfant, pleinement là dans quelque chose, bien présent. Même s’il est chiant, ils sont à son service. Service public.

Ne dédaigne pas non plus ce bonhomme grisâtre qui lit un vrai livre en t’attendant au fond d’une salle de classe sans affiches ni effets spéciaux : c’est Monsieur Sérieux, bientôt à la retraite, il sait beaucoup de choses et il sait les transmettre. Sévère et juste, pendant quarante ans, pas fun pour un sous, il a transmis du vrai savoir, le sens de l’effort, il a ainsi donné à ses élèves des armes inaliénables, solides, propres, pour exister (pas juste pour se trouver un boulot), exister librement. Il a fait cours avec rigueur et passion sur des sujets qu’il maîtrise. Il a su exiger et obtenir avec patience et esprit de service (public) que ses élèves, tous, apprennent plein de choses difficiles, des choses qui ne leur plaisaient pas du tout au début, mais qui ont fini par les passionner.

Sobriété pédagogique.

C’est fini.

À sa place, l’année prochaine, un fringant Monsieur Cool, coloré et débordant d’énergie, inculte et connecté, aura prévu une super activité sur les figures de style. Il crâne un peu en salle des profs : il va utiliser Genially ! Ton enfant cliquera hébété sur « anaphore » entre un escape game sur Les liaisons dangereuses (qu’il n’aura pas lu) et un scan de QR code. Du vide festif. Fumée sans feu.

Enfin, parent, un dernier service, il ne te coûte rien celui-là et il est important : l’enquête de satisfaction à l’issue des JPO, celle avec les smileys content/neutre/pas content, qui sert au manager scolaire à mieux fliquer ses troupes à coups de camemberts statistiques multicolores, ne la remplis pas, s’il te plaît.

Boîte-à-projets, c’est déjà grave, mais alors chiottes d’une aire d’autoroute…

En te remerciant par avance du soutien que tu voudras bien apporter au projet « Sauvons les cours »,

Cordialement,

Nora V.

 

Des médias aveugles et silencieux ? (15) Entre gnan-gnan et déni du réel, entre propagande brute et désinformation crasse, quand les journalistes de Libé renforcent le #PasdeVague et l’Omerta sur les violences subies par les professeurs…

 

               

           

Quand les journalistes de Libé parlent de l’Ecole.
Quand les journalistes de Libé prétendent donner enfin la parole à des enseignants de terrain. (1)
Quand les journalistes de Libé assurent effectuer « une plongée dans le quotidien des salles de cours ».
Quand les journalistes de Libé « informent » avec rigueur et objectivité leurs lecteurs sur ce que vivent réellement les professeurs.

 

« Peut-être vont-ils expliquer comment et pourquoi depuis 30 ans nos dirigeants politiques démolissent l’Ecole et écoeurent les meilleurs enseignants, de la même manière qu’ils démolissent l’hôpital et écoeurent les meilleurs soignants ? »

 

On se dit… peut-être vont-ils expliquer comment et pourquoi depuis 30 ans nos dirigeants politiques démolissent l’Ecole et écoeurent les meilleurs enseignants, de la même manière qu’ils démolissent l’hôpital et écoeurent les meilleurs soignants ?
On se dit… peut-être vont-ils expliquer les raisons de la grève du 13 janvier dernier ? (Non, non, cette grève n’avait rien à voir avec le Covid, ni avec les masques : la gestion calamiteuse de la situation sanitaire n’a été qu’une goutte d’eau faisant déborder le vase). (2)
On se dit.. peut-être vont ils reprendre le travail d’un des lanceurs d’alerte qui leur mâchent le travail depuis des années ?
On se dit… peut-être vont-ils enquêter sur les dizaines de formes de violences subies par le personnel de l’Education nationale, qui – rappelons-le puisque Libé ne le fait pas – n’est pas composé que d’enseignants ? (3)

Peut-être vont-ils faire un pur travail d’information ?
Un bon travail de journaliste ?
Quelque chose d’objectif ? De sérieux ? De rigoureux ?
Peut-être vont-ils mener un vrai travail d’investigation sur l’impunité de fait dont jouissent de nombreux chefs d’établissements scolaires qui accumulent délits et crimes, qui violent, agressent, détruisent, poussent au suicide, pratiquent le mobbing ultra-violent, harcèlent leurs subordonnés, avec la caution, la complicité et l’aval tacite de l’appareil judiciaire français… (4)

Las… patatras !
Non, rien de tout cela.

 

« Libé produit et diffuse sur les réseaux sociaux un clip vidéo de pure propagande, si grotesquement détaché du réel qu’il semble presque émaner d’un cabinet orwellien du Ministère de l’Information d’une improbable dictature glaciale. Un de ces régimes sanglants et opaques, qui, aux termes d’années de mensonges d’Etat et de totalitarisme hyper-brutal, ne chercherait même plus à donner le change auprès de son peuple opprimé et muselé. »

 

                        Sous le titre gentillet « Pourquoi enseignez-vous ? », Libé produit et diffuse sur les réseaux sociaux un clip vidéo de pure propagande, si grotesquement détaché du réel qu’il semble presque émaner d’un cabinet orwellien du Ministère de l’Information d’une improbable dictature glaciale. Un de ces régimes sanglants et opaques, qui, aux termes d’années de mensonges d’Etat et de totalitarisme hyper-brutal, ne chercherait même plus à donner le change auprès de son peuple opprimé et muselé.
Un clip nunuche et hors-sol, dans l’esprit du fameux mot d’Agnès PANNIER RUNACHER décrivant le travail en usine : « C’est pour la magie – han ! ». (5)
Un clip à la fois bisounours et glaçant, digne des meilleures régimes totalitaires, puisqu’il évacue totalement le réel des conditions d’exercice du métier.

 

 

              Ou plutôt les conditions du non-exercice du métier : Libé ne vous le dit pas, et pour le coup Libé n’informe pas, Libé fait du bourrage de crâne, Libé désinforme : en réalité, tout est fait pour casser le cœur du métier, et pour que nous n’instruisions plus les élèves, et c’est une volonté politique affirmée – mais bien sûr jamais assumée ni expliquée aux habitants de ce pays – de septennats en quinquennats. Comme on a désindustrialisé la France, on en a dés-instruit sa jeunesse, tant il est plus facile d’exercer le pouvoir sur des cons sots mateurs mal éclairés que sur des citoyens. Depuis JOSPIN (et sa fameuse loi plaçant la subjectivité des élèves au-dessus de l’acte d’enseignement… un renversement des principes qui n’a cessé de s’accentuer, et n’a au final pas vraiment profité à Monsieur Samuel PATY) jusqu’à BLANQUER en passant par BAYROU, FERRY, FILLON, DARCOS, CHATEL, ALLEGRE, PEILLON et VALLAUD BEL KACEM (qui restera à jamais comme « la fossoyeuse du collège » ricanant ostensiblement dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, en affichant tout son mépris pour les professeurs qui bossent dur et qui en bavent), cette volonté politique de mettre à bas l’Ecole de la République et les serviteurs de cette Ecole a fait des ravages. Est-ce par idéologie que les journalistes de Libé refusent depuis toujours d’en informer honnêtement leurs lecteurs ?

 

« En réalité, tout est fait pour casser le cœur du métier, et pour que nous n’instruisions plus les élèves, et c’est une volonté politique affirmée – mais bien sûr jamais assumée ni expliquée aux habitants de ce pays – de septennats en quinquennats. Comme on a désindustrialisé la France, on en a dés-instruit sa jeunesse. »

 

Comment masquer ce qui saute aux yeux ?
La manœuvre est simple et fait parfaitement illusion. Globalement, « ça passe crème ».
Il suffit de mettre en scène 6 « ravis de la crèche » égocentrés.
6 Narcisses naïfs, gnan-gnan et niais, en quête de reconnaissance sociale et d’un quart d’heure de célébrité warholien.
6 candides frotte-manches se regardant le nombril, des idiots-utiles tout heureux qu’on pointe des projecteurs sur leurs faces extatiques.
6 « profs » – ils ne sont pas des « professeurs » – souvent déjà bien trop présents sur les réseaux sociaux, l’un d’entre eux s’exhibant régulièrement en slip dans des postures lascives, sur la toile. (6)
Pourquoi pas ?

 

« Eviter d’expliquer pourquoi et comment on met à bas l’Ecole publique et l’ascenseur social, en France, depuis 30 ans, à coup de fausse bienveillance, d’effondrement du niveau scolaire, de management néolibéral ultra-brutal, d’appauvrissement et de précarisation sociale des enseignants, de caporalisation et de francetelecomisation à bas bruit, et de la permanence de multiples formes de #PasdeVague largement nourries et relayées par l’industrie médiatique. »

 

Mettre en avant 6 idiots utiles, utiles aux partisans, aux acteurs, aux artisans de l’abaissement du statut et de la fonction d’enseignant. Pourquoi pas ?

Ce clip vidéo, cette mise en scène quasi obscène et dégoulinante de mièvrerie, est bien utile pour masquer les réalités de notre métier, et pour travestir ce qui se passe réellement dans la plupart des salles de cours.
Bien utile pour éviter d’expliquer pourquoi et comment on met à bas l’Ecole publique et l’ascenseur social, en France, depuis 30 ans, à coup de fausse bienveillance ; d’effondrement du niveau scolaire ; de management néolibéral ultra-brutal ; d’appauvrissement et de précarisation sociale des enseignants ; de caporalisation et de francetélécomisation à bas bruit ; et de la permanence de multiples formes de #PasdeVague largement nourries et relayées par l’industrie médiatique.

Précisons que les journalistes de Libé sont contactés des centaines de fois, chaque année, par des lanceurs d’alerte.
Précisons qu’il leur est régulièrement offert sur des plateaux d’argent des informations facilement vérifiables, et toute la matière permettant de publier sans trop d’efforts des articles pertinents sur la casse de l’Ecole publique.
Précisons qu’à ce jour (7), les journalistes de Libé n’ont jamais publié d’article sérieux sur les violences subies par le personnel de l’Education nationale, violences étouffées par ceux-là mêmes qui devraient en informer le grand public.
Avec plus d’un million de salariés, et des professions essentiellement féminisées, L’Education nationale est bien sûr le seul secteur en France (et dans le monde) à être totalement épargné par les scandales d’ordre sexuel (8). C’est en tout cas ce que Libé et toute l’industrie médiatique tiennent à nous faire croire le plus longtemps possible, encore. L’addition des silences criants de #PasdeVague à ceux de #MeToo produit des Omertas innervant l’Education nationale, Omertas que des journalistes sans éthique alimentent à qui mieux-mieux : tous les paravents « magiques » sont bons à exhiber, pourvu qu’on ne parle pas, qu’on ne parle jamais, mais vraiment qu’on ne parle jamais, jamais, de ces violences. Le #ProfBashing, c’est ça, aussi. C’est en tout comme cela que les journalistes de Libé y participent, à leur manière, de leur façon bien à eux.

#PourquoiEnseignezVous ? Parce que les étoiles dans les yeux d’un seul élève, une fois par trimestre, valent bien qu’on subisse en silence ici des viols, là des brutalités managériales valant celles des grandes heures de France Télécom, ailleurs la haine et le mépris, partout mille formes de violences, toujours invisibilisées : violences sanitaires, violences salariales, violences sociales, violences verbales, violences morales, violences psychologiques, violences physiques, violences symboliques, violences sexuelles, violences des élèves, violences des parents d’élèves, violences hiérarchiques, violences administratives, violences institutionnelles, violences quotidiennes…

 

« Le #ProfBashing de Libé,

pour être insidieux et pernicieux,

n’en est pas moins efficace. »

 

Mille formes de violences, mais toujours en silence.
Seuls les « profs » « passionnés  » par leur métier ont la parole. Les zautres sont des zaigris, des gens qui n’aiment pas leur métier, des dépressifs (c’est bien connu, ils se réfugient tous dans l’Education nationale), ou de minables syndicalistes animés par de basses revendications corporatistes et qui prennent leurs élèves en otage, armes à feu sur la tempe. En sous-texte, cette petite musique n’est jamais bien loin. Bien sûr, l’Enfer est pavé de bonnes intentions et soyons certains que ces journalistes consciencieux ont « cru bien faire ». Cela pourrait être crédible s’ils abordaient ne serait-ce qu’une seule fois par siècle, sérieusement, en dehors des quelques faits divers filmés par des élèves en plein cours, l’Enfer véritable que vivent trop de salariés de l’Ecole publique et de l’Ecole privée. 
En filigrane, le #ProfBashing de Libé, pour être insidieux et pernicieux, n’en est pas moins efficace. Car derrière les « petits miracles » (parfois réels, et toujours nécessaires et salvateurs) se cachent de gros mensonges (jamais gratuits).
On rêve d’un clip produit par les mêmes fins enquêteurs de Libé : « Pourquoi je travaille en EPHAD chez Orpéa ? Pour les étoiles dans les yeux d’une mamie qui fait sous elle et dont on ne changera la couche que dans 3 jours.  » (9) 

Demain, peut-être, un sursaut et un vrai travail d’information ?
Demain un clip posant les bonnes questions : « Pourquoi n’enseignez-vous plus ? Pourquoi vous empêche-t-on d’enseigner correctement ? Pourquoi ne pouvez-vous plus enseigner ? Pourquoi ne voulez plus enseigner ? Pourquoi vous oblige-t-on à faire semblant d’enseigner ? Pourquoi détruit-on le sens et le coeur de votre métier ? ».
Demain, un clip sous-titré : « Nous avons interrogé 6 lanceurs d’alerte, avec une simple question : qui a intérêt à détruire l’Ecole publique, pourquoi et comment ? Avec la participation de REMEDIUM, Daniel ARNAUD, Jacques RISSO, René CHICHE, Jadran SVDRLIN, et un représentant national des Stylos Rouges. » C’est-à-dire 6 enseignants de terrain, des enseignants de bords politiques différents et parfois opposés, mais menant chacun, bénévolement, un puissant travail de lanceur d’alerte. Un travail que Libé n’a encore jamais fait, un travail que Libé ne fait jamais, et qu’il ne relaie jamais. Entre propagande brute et désinformation crasse, derrière les paravents des témoignages nigauds de six zozos auto-centrés, le #ProfBashing méprisant de Libé est sous-jacent, discret, faux-cul, il ne s’affiche pas comme tel. Mais on conviendra qu’il est ici palpable, concret, et bien réel.

On rêve aussi d’une variante de ce clip : « Avec la participation de professeurs-twitteurs s’exprimant sous les pseudos suivants : @Maud2Nimes @1esperluette @berenyce @REBECCA27905542 @mathsRouge @sourissotte @nathounut @nhabouzite @jsvdrlin @claire3905507 @LPendanger @ViviedeParis @Maatnefer1 @feulogis @mirouet @richtig_falsch @Jo_zephina @hirondelle64 @SMissteacher @alainchristoph4 @hipaulinen @ChPopa @Printk7 @Elinh_84  …  ».  Tant de professeurs bosseurs et consciencieux, tant de professeurs conscients de ce qui se joue dans l’Education nationale, tant de professeurs à qui jamais les journalistes de Libé ne donneront la parole.

Bref, une prochaine fois, Libé, plutôt que de faire du mal et du tort aux enseignants et aux élèves, plutôt que de conforter – sans avoir l’air d’y toucher – la casse volontaire de l’Ecole et le #ProfBashing, parlez des réalités que vous ne sauriez voir. Et donnez la parole à des professeurs. Pas à des « profs ». Merci.

Pierre-André DIONNET

Nota Bene : ce billet sera prolongé par un second article basé sur les réactions d’enseignants ayant visionné le clip produit par Libé.

 

(1) Donner la parole à des enseignants de terrain, des enseignants lambda. C’est-à-dire – pour une fois ! – ne pas la donner aux habituels planqués plus ou moins corrompus qui usurpent le titre de « dirigeants syndicaux », se déclarant « satisfaits » qu’on marche sur la tête de celles et de ceux qu’ils prétendent « représenter ».

Voir cet article du 18 janvier 2022 :

L’Ecole, enjeu politique ? (3) Grève du 13 janvier 2022 : pourquoi des dirigeants syndicaux se disent « satisfaits »… de n’avoir obtenu que des miettes ?

(2) Ci-dessous, De la grève, de l’unité syndicale et de sa pertinence, article du 16 janvier 2022, Jadran SVRDLIN, blog hébergé par le site Médiapart.

https://blogs.mediapart.fr/jadran-svrdlin/blog/150122/de-la-greve-de-lunite-syndicale-et-de-sa-pertinence

(3) https://faitestairecepetitprofbonsang.wordpress.com/2019/03/09/harcelement-hierarchique-le-grand-deni-de-leducation-nationale-13-violences-faites-aux-enseignants-et-au-personnel-de-leducation-nationale-les-taire-cest-les-cautionner/

(4) Avec la complicité et l’aval tacite de l’appareil judiciaire français. Et aussi avec l’aval de… l’industrie médiatique, dont fait partie Libé. Non, visiblement, et chacun peut en juger sur pièces, Libé n’est pas du bon côté de la barrière. Et ses journalistes ne sont pas encore prêts à changer de camp… L’Eglise française a mis des siècles pour tout décoincer, et pour aboutir au rapport SAUVE, en octobre 2021, mais les journalistes de Libé restent du mauvais côté de la barrière, encore en 2022. Encore après #PasdeVague. Encore après #MeToo. Encore le silence, les contre-feux, les paravents, les enfumages… Bien sûr, la quantité des agressions sexuelles est moindre dans l’Education nationale que ce qu’elle est dans l’Eglise, mais le nombre de faits de violences de toutes sortes est encore plus conséquent, et – surtout – et c’est ce qui est ici au coeur du sujet, les Omerta y sont tout aussi immondes et délétères : on brise des humains, et les médias se taisent… Pourquoi ces journalistes continuent-ils d’entretenir, encore et encore ces Omertas ?

(5) Cette vidéo de 5 minutes de notre collègue Clément VIKTOROVITCH revient sur « la magie-han » de la ministre. 

 

(6)

Screenshot 2022-02-03 at 21-30-09 Audrey sur Twitter46 Screenshot 2022-02-03 at 13-39-23 Robert Delord sur Twitter

 

(7) A ma connaissance, du moins, aucun article de fond évoquant de façon peu ou prou exhaustive, le sujet tabou des violences infligées aux salariés de l’Education nationale. Une question directement liée à la destruction de notre système scolaire, destruction théorisée, pensée, voulue et appliquée par les décideurs politiques depuis 30 années. 

(8)

Viols et pédophilie dans l’Education Nationale (22) « Omerta » et « réseaux » au rectorat ? Pas plus qu’autour d’Olivier DUHAMEL…

(9)

https://www.midilibre.fr/2022/02/03/scandale-orpea-si-vous-navez-pas-tout-suivi-on-vous-resume-laffaire-des-ehpad-en-10-points-10085863.php

 

 

Un « prof’ », ce n’est pas un professeur ! (3) Deux sortes de « profs », toujours moins de dignité.

 

 

      La différence entre un « prof » et un « professeur » ?
Plusieurs éléments de réponse dans ce billet (1) et dans celui-ci (2).

Avant de faire, dans un prochain article, le tour complet de ce qui oppose les professeurs et les « profs », précisons qu’on peut considérer qu’il existe, très schématiquement, deux sortes de « profs ». Les usurpateurs, et les faux bienveillants.

 

LES USURPATEURS : L’INCOMPETENCE VALORISEE

 

La première catégorie de « profs » correspond aux personnes recrutées sur leur seule mine, et qui ne maîtrisent rien de la matière qu’ils sont censés enseigner.
L’Education nationale embauche des « profs » de Mathématiques fâchés avec les chiffres, avec le calcul, l’algèbre, l’arithmétique, la géométrie, les probabilités, les statistiques, l’analyse, la logique et tout le toutim.
L’Education nationale place dans des classes, au contact des élèves, des « profs » de Français qui malmènent la langue et l’orthographe, qui n’ont jamais lu – et encore moins apprécié – les auteurs classiques, n’ayant aucune aptitude pour cet enseignement spécifique, embauchés à la va-vite par petites annonces (Leboncoin, Pôle emploi, appels aux parents d’élèves qui connaitraient un âne coiffé d’un chapeau, etc.), des personnes foncièrement incapables de transmettre quoi que ce soit à des élèves, sinon du vent.
L’état du système scolaire, son opacité profonde, ses faux-semblants, son hypocrisie, et le niveau réel des élèves sont tels que ces usurpateurs peuvent parfaitement faire illusion et « faire carrière » 42 annuités durant.
En 2016, le reportage « Profs à la gomme » de l’émission Envoyé Spécial diffusée sur France 2 (3) a permis de saisir ce qu’il en était.
Donner toujours plus d’autonomie de recrutement aux chefs d’établissements scolaires permet d’embaucher sans contrôle le cousin du copain mais ne garantit rien de la qualité des cours : c’est plutôt un gage d’incompétence crasse et les professeurs (les vrais) ne manquent pas d’anecdotes consternantes à ce sujet. Silence ! #PasdeVague

 

LES FAUX BIENVEILLANTS : DE VRAIS MALTRAITANTS

 

Les bataillons toujours plus amples des « profs » se gonflent d’une seconde catégorie, constituée – c’est moins visible, mais encore plus inquiétant ! – d’enseignants ayant renoncé, sous les pressions permanentes, à exercer leur métier.
Et tout, tout, tout est fait pour que des professeurs acceptent de se comporter en « profs » : tout est fait pour qu’ils deviennent des « profs », quoi qu’il en coûte, quel qu’en soit le coût humain, social, et sociétal.

Le-chef-d’établissement-convaincu-d’être-un-grand-managementeur demande qu’on vote la suppression de 3 postes d’enseignants lors du Conseil d’Administration ?
Les « profs » votent pour la casse de leur propre outil de travail.

Monsieur-le-Proviseur-not’-bon-Maître demande de remonter les moyennes de classe de 5 points ?
Les « profs » remontent de 5 points les moyennes de leurs classes.

Madame-la-Principale-qui-a-toujours-raison-même-quand-elle-débloque-sec-et-se-ridiculise-comme-c’est-pas-permis exige la modification des appréciations des bulletins scolaires ?
Les « profs » réécrivent les appréciations des bulletins.

Des parents d’élèves font pression parce que le niveau des cours implique que leurs chères petites têtes blondes produisent un peu d’effort (4) et de travail ?
Les « profs » cèdent et abandonnent toute forme d’ambition et d’exigence.

Même la pré-rentrée de septembre s’ouvre sur un « escape game » débilitant, bêtement salué par la presse locale, au prétexte que découvrir simplement et de façon « classique » où se situent le CDI, les toilettes et le secrétariat du lycée serait trop ringard et trop « pénible ». Une « approche pédagogique [faussement] ludique » puissamment pensée par des « profs » épargne tout effort à Loana, Chloé, Noé et leurs camarades. Le symbole est implacable est le ton est donné pour la suite : la toute première journée des 3 années de « travail et d’ apprentissage » passées au lycée sera une journée de glandouille et de « jeux », auxquels ne manquent que les caméras et les zapplaudissements, pour s’amuser « comme à la télé ».

pas-de-vagues-twitter-violences-prof-eleves

Kevinou hurle lors de chaque heure de cours que Madame Dupont est une « sale pute » ?
L’enseignante en question est trop « susceptible » (authentique) s’amuse le petit chef aux manettes du bahut, un Zoubinard qui minimise, nie et étouffe tous les incidents et les accidents commis sous son toit, et qui refusera d’instaurer le moindre recadrage, et de prononcer la moindre punition ni la moindre sanction à l’encontre du délinquant en herbe (5). Et les « profs » de s’incliner.

Les « profs » sont priés de ne pas entendre les cris de détresse d’une AESH subissant les agressions sexuelles d’un CPE, dont les crimes sont connus de tous, sauf du procureur du coin ?
Ils n’entendent pas, ne voient pas, ne parlent pas : c’est « l’Omerta au rectorat ».

 

FLATTER ET BERNER LES ELEVES : UNE PERTE DE DIGNITE

 

Les injonctions sont permanentes, tout est fait pour transformer les professeurs en « profs », et pour les empêcher d’exercer leur métier.
La « fausse bienveillance » est la pierre angulaire de ces renoncements, elle constitue une vrai maltraitance pour les élèves et pour le personnel de l’Education nationale.
Ici on achète la paix sociale ; là, on soigne la réputation de façade d’un lycée de centre-ville totalement sur-coté ; partout les médiocres se préservent et mènent une belle carrière (salaire bonifié, promotions indues, conditions d’exercice privilégiées, avantages de toutes natures, hochets infantilisants…).
Partout les élèves sont leurrés, floués, bernés, flattés mais trompés, lorsque les « profs » acceptent d’abaisser, encore et encore, les exigences scolaires, aussi bien en terme de contenu, d’apprentissage, de qualité des cours, de comportement, que de dignité.

                                                                                                                                 Pierre-André Dionnet

 

(1) Un « prof’ », ce n’est pas un professeur (1) Mais vraiment pas du tout !, article du 11 décembre 2020.
https://faitestairecepetitprofbonsang.wordpress.com/2020/12/11/un-prof-ce-nest-pas-un-professeur-1-mais-vraiment-pas-du-tout/

(2) Un « prof’ », ce n’est pas un professeur (2) Kevinou et son paquet de chips, article du 18 décembre 2020.
https://faitestairecepetitprofbonsang.wordpress.com/2020/12/18/un-prof-ce-nest-pas-un-professeur-2-kevinou-et-son-paquet-de-chips/

(3) « Profs à la gomme », Envoyé Spécial, France 2, 3 novembre 2016.

Envoyé Spécial
Dans « Envoyé spécial », une plongée édifiante dans les failles du système de recrutement de l’Education nationale. En à peine quinze jours, un journaliste du magazine a été engagé comme enseignant… sans aucune qualification. De quoi se demander si les profs de vos enfants sont réellement compétents… Après ce reportage, la ministre de l’Education Najat Vallaud-Belkacem répondait aux questions d’Elise Lucet.

(4) Lettre ouverte à Monsieur Jean-Michel BLANQUER, Ministre de l’Education nationale, 30 juin 2017.
https://faitestairecepetitprofbonsang.wordpress.com/2017/06/30/lettre-ouverte-a-monsieur-jean-michel-blanquer-ministre-de-leducation-nationale/

(5) « Sur Twitter, les profs (sic) témoignent des violences qu’ils subissent en classe », article du 22 octobre 2018, Juliette GEE.
https://www.madmoizelle.com/pas-de-vague-twitter-violences-prof-eleves-962101

 

 

Un enseignant harcelé pendant 20 ans par des administratifs de l’Education nationale ? (2) « LA RECTRICE M’A SAUVER ».

 

 

       

               

       Monsieur Daniel ARNAUD, un des meilleurs spécialistes du harcèlement hiérarchique en milieu scolaire, le constate. On ne compte plus les « petits Snowden », les lanceurs d’alerte qui ont été persécutés, muselés et broyés par l’institution scolaire (1).
Victime de très lourdes violences et d’abus de pouvoir, de délits de harcèlement moral commis par une partie de ma hiérarchie, je suis devenu au fil du temps – et bien malgré moi ! – un assez bon connaisseur de ces mécanismes et des enjeux qui les sous-tendent. En 2021, je suis un des rares lanceurs d’alerte à travailler sur ces sujets et à publier régulièrement des textes sourcés proposant diverses approches de ces fléaux.

 

Lanceur d’alerte, bien avant le mouvement #metoo et le mouvement #PasdeVague

 

Bien avant l’émergence du mouvement #metoo, j’ai été le premier lanceur d’alerte à expliquer, à qui voulait l’entendre, que les failles administratives et judiciaires permettant à un proviseur de mobber et de détruire en totale impunité une vingtaine d’enseignants au cours de sa carrière, pouvaient aussi bien bénéficier à un violeur ou à un pédophile, pour peu qu’il dirige un établissement scolaire.

Bien avant l’émergence du mouvement #PasdeVague, j’exposais de façon publique à quelles violences pouvaient être soumis le personnel de l’Education nationale. Et en quoi ces violences sont systémiques, institutionnelles, cautionnées par qui de droit.
C’est ce que j‘ai appelé « la francetélécomisation de l’Education nationale », puisqu’on retrouve toutes les caractéristiques des délits pour lesquels Didier Lombard, ex-PDG de France Télécom, et une partie de sa fine équipe ont été condamnés en décembre 2019.

Jérôme VIVENZA(2) en dénombre quatre :
– le déni de réalité,
– un conflit de valeurs,
– la perte du sens du travail,
– le mépris institutionnel.

Pour Michel LALLIER (3), trois aspects sont caractéristiques des attaques subies par les salariés pris au piège de ces méthodes :
– l’invisibilité (jusque dans l’absence de statistiques),
– le déni du réel systématisé et organisé,
– les modes de violences et de maltraitances.

Gare à celui qui brise l’Omerta, la fameuse « Omerta au Rectorat ».
C’est la mort professionnelle et la mort sociale à laquelle on le condamne… à moins que…

 

LA RECTRICE M’A SAUVER

 

La rectrice m’a sauver.

Madame Valérie CABUIL, rectrice de l’académie de Lille, chancelière des universités, rectrice de la région académique des Haut de France m’a sauver.
Et Omar ne m’a pas tuer !

 

omar-m-a-tuer

 

Madame la rectrice m’a sauvé, et voilà comment.

Le 4 novembre 2020, le plus déterminé de mes défenseurs syndicaux, et moi-même, avons été reçus par Madame Christelle DERACHE, Directrice des ressources humaines du rectorat de Lille, secrétaire générale adjointe du rectorat, fraîchement en poste.
Nous lui avons exposé la situation, déjà exposée cent fois et plus à ses prédécesseurs et à mille interlocuteurs (4). Et nous avons rappelé toutes les solutions de bon sens proposées au fil des ans, qui auraient dû permettre à l’administration de sortir par le haut de ce bourbier dans lequel elle s’était elle-même envasée.
Cette audience a permis qu’in extremis soient postposées des actions radicales, dont la publication d’une Lettre Ouverte à Madame la rectrice d’académie (5), et qu’un accord soit établi. Le terrain d’entente et la solution n’étaient vraiment pas difficiles à trouver : il suffisait d’une once de bonne volonté.
Bien évidemment (la question m’a formellement été posée lors de cet entretien), je n’exigeais ni la reconnaissance officielle, ni la reconnaissance judiciaire, des multiples délits de harcèlement moral subis entre 2003 et 2020 (dont une partie tombent sous le coup de la prescription). Ce n’était pas une condition sine qua non pour tourner la page, et nous apportions tous les gages de bienveillance et de loyauté permettant la mise en œuvre rapide d’une issue. « Rapide », ou « très rapide », car déjà, l’urgence était de mise.
Du reste, il suffisait d’un instant et d’une signature pour tout résoudre.
L’engagement a été pris, les promesses faites, l’intérêt et l’image de l’administration préservés. Il n’y aurait pas de Lettre Ouverte fracassante, pas de coup d’éclat, pas de recours à la médiatisation du haut d’une grue de chantier, pas de version nordiste de « l’Affaire des 4 de Melle » (6), et pas d’exposition publique de délits pour la plupart juridiquement prescrits, commis par des chefaillons ayant trahi la confiance du rectorat.

Chacun éprouve un profond soulagement suite à l’engagement formel pris par les plus hautes instances administratives du rectorat.

 

Ouf ! Depuis cette date, chacun éprouve un profond soulagement. Tout est réglé (ou le saura très vite), « tout est bien qui finit bien », et le pire a été évité, grâce à l’attention et au travail de Madame DERACHE, Directrice des ressources humaines du rectorat de Lille, secrétaire générale adjointe du rectorat.
Certes, les choses sont un peu lentes à se mettre en place, l’administration ayant les défauts de ses qualités. A vrai dire, 6 mois plus tard, rien n’a changé. Il a même fallu encore contrer de menues erreurs commises par d’autres services de la Rue de Bavay. Oh, trois fois rien. Si peu…

Trois fois rien au regard des atrocités déjà subies sur 19 années de temps. Trois fois rien au regard de l’engagement formel pris par les plus hautes instances administratives. Lors d’un échange par visio-conférence, il y a trois semaines, Madame la Directrice des Ressources Humaines du rectorat a pleinement rassuré mon relais syndical : avant le 30 juin de cette année, les promesses seront tenues. Et on voit mal comment la Secrétaire générale adjointe du rectorat pourrait revenir sur sa parole, et « trahir » Madame la rectrice d’académie – qui s’est par ailleurs elle-même et elle aussi montrée rassurante, dans un courrier officiel daté du 15 février 2021 : ce dossier a « retenu toute [son] attention », suivant la formule consacrée.
Je vous le dis : « la rectrice m’a sauver », Madame la rectrice m’a sauvé.

ballon-de-baudruche-joyeux-anniversaire-20-ans-vert

Sans l’action de Madame la rectrice d’académie, en 2022 j’aurais pu écrire : « Un enseignant harcelé pendant 20 ans par des administratifs de l’Education nationale ! ».

 

En 2022, cela aurait fait 20 ans.
Sans l’action de Madame la rectrice d’académie, en 2022 j’aurais pu écrire : « Un enseignant harcelé pendant 20 ans par des administratifs de l’Education nationale ! ». Avec un beau point d’exclamation, cette fois. Mais cela va s’arrêter avant. J’ai confiance. J’en suis convaincu.
J’ai confiance, j’ai une confiance entière et absolue en Madame Valérie CABUIL. Il est impossible – im-pos-si-ble – qu’elle cautionne et prolonge plus avant ces ignominies, cette barbarie, cette samuelpatysation (7) à petit feu.
Il me tarde de tourner la page et de pouvoir passer à autre chose.
Harcelé pendant 19 années, oui. Harcelé et broyé pendant 20 années, non.
Merci, Madame la rectrice d’académie.

Pierre-André DIONNET

P.S. : Qu’on me comprenne bien.
Je ne demande qu’une chose : qu’on me laisse travailler en paix.
Mes bourreaux ne seront pas inquiétés – c’est une « chance » pour eux, et cela ne me concerne pas.
Qu’on me laisse travailler en paix.
Et d’autres prendront le relais de ce travail de lanceur d’alerte – j’ai assez donné.

 

(1) Article du 2 novembre 2016, Daniel ARNAUD, « Ce qu’on ne vous dit pas lors de la Journée contre le harcèlement à l’école » :
http://generation69.blogs.nouvelobs.com/archive/2016/11/02/ce-qu-on-ne-vous-dit-pas-lors-de-la-journee-contre-le-harcel-593212.html

« On ne désavoue pas un supérieur » : tel est le genre de principe qui prévaut encore aujourd’hui dans l’institution scolaire, sur lequel s’appuie l’administration afin de persécuter les lanceurs d’alerte (on ne compte plus les petits Snowden qui s’y sont essayés !) »,

Article cité dans mon billet du 9 novembre 2017 :
https://faitestairecepetitprofbonsang.wordpress.com/2017/11/09/harcelement-hierarchique-le-grand-deni-de-leducation-nationale-2-une-journee-de-lutte-contre-le-harcelement-qui-permet-dencore-mieux-proteger-les-harceleurs-qui-dirigen/

(2) Prise de parole de Monsieur Jérôme VIVENZA lors du colloque « Souffrances au travail : quelles perspectives après France Télécom ? », 20 janvier 2020, Sénat.
https://www.publicsenat.fr/article/politique/affaire-france-telecom-le-harcelement-institutionnel-mis-en-cause-149322
Jérôme VIVENZA est membre de la Commission exécutive confédérale de la CGT et négociateur de l’accord national interprofessionnel (ANI) sur la santé au travail du 9 décembre 2020.

(3) Prise de parole de Monsieur Michel LALLIER lors du colloque « Souffrances au travail : quelles perspectives après France Télécom ? », 20 janvier 2020, Sénat.
https://www.publicsenat.fr/article/politique/affaire-france-telecom-le-harcelement-institutionnel-mis-en-cause-149322
Michel LALLIER, expert syndical incontournable sur les questions du nucléaire, est le cofondateur, avec Frédérique GUILLON et Dominique HUEZ, de l’Association d’aide aux victimes et aux organisations confrontées aux suicides et aux dépressions professionnels (ASD-pro). L’association s’est notamment portée partie civile dans le procès des ex-dirigeants de France-Telecom.
https://maitron.fr/spip.php?article239733

(4) Ce billet du 30 juin 2018 en témoigne ; en réalité, de tout temps l’entourage professionnel le plus proche des recteurs d’académie successifs a été informé de l’existence de « dérives » de ce type… https://faitestairecepetitprofbonsang.wordpress.com/2018/06/30/mais-faites-taire-ce-ptit-prof-bon-sang-le-temps-des-vacances/

(5) Cette Lettre Ouverte remisée au fond d’un tiroir ne porte pas tant sur ma situation (qui indiffère tout un chacun, hormis des proches, des amis et des copains), mais sur celles de collègues et surtout sur les responsabilités des uns et des autres, qui ne manqueraient sans doute pas d’émouvoir et de faire du bruit si elles avaient dû être exposées de façon transparente…

(6) Les « 4 de Melle », enseignants menacés de sanction pour avoir protesté contre la réforme Blanquer, article de Tania KADDOUR-SEKIOU, 14 octobre 2020, Politis. https://www.politis.fr/articles/2020/10/les-4-de-melle-enseignants-menaces-de-sanctions-pour-avoir-proteste-contre-la-reforme-blanquer-42389/

(7)  Voir ce billet du 6 janvier 2021 :

Francetélécomisés et « samuelpatysés » à petit feu, les enseignants vont-ils passer une bonne année 2021 ?

Un enseignant harcelé pendant 20 ans par des administratifs de l’Education nationale ? (1) Et si la peur et la honte changeaient de camp ?

 

 

       

 

                Les causes exposées et défendues sur ce blog sont de première importance. Trop importantes pour qu’on ne s’efface pas devant elles. Les lectrices et les lecteurs de Mais faites taire ce p’tit prof’ bon sang ! savent que je me suis toujours effacé au profit d’une de mes marottes : la défense de l’Education nationale, de son « petit » personnel et de ses élèves (1).

Mais tout combat rencontre ses adversaires.
Chefs d’établissements scolaires se vantant entre eux de pratiquer la promotion canapé, de gré ou de force.
Proviseurs décorés et mis à l’honneur quoi qu’ayant acculé au suicide des enseignants pourtant solides.
Professeurs acceptant les pires compromissions dans l’espoir d’échapper aux violences de la grande francetélécomisation de l’Education nationale.
Pseudo-syndicalistes paresseux se nourrissant sur la bête, gavés de la mauvaise graisse du mammouth, entretenant durant 40 ans de décharges syndicales le déni et les Omerta sur des viols – sur des crimes ! – sur des suicides, sur des mises au placard, sur des délits caractérisés de harcèlement moral, d’abus de pouvoir hiérarchique, et de mobbing.
Fonctionnaires des rectorats œuvrant et manœuvrant pour museler les victimes, quitte à donner quitus, immunité, et protection, à leurs agresseurs et à leurs bourreaux.
Minuscules Adolf EICHMANN (2) relayant avec zèle, dans leurs bureaux, les consignes du « n + 1 », et broyant méthodiquement des femmes, des hommes, des êtres humains ramenés au rang de matricules (3).
Magistrats paralysés au moment d’ouvrir une instruction judiciaire pour le viol d’une AESH sur son lieu de travail, pour agression sexuelle commise par un proviseur, pour violences ayant entrainé la mort d’un enseignant par suicide provoqué… mais n’hésitant jamais à condamner lourdement victimes et lanceurs d’alerte « coupables » de relever la tête.
Responsables politiques renforçant les Omerta en milieu scolaire au détriment des sous-citoyens que sont – à leurs yeux – les « petits » salariés de l’Education nationale.
Journalistes et médias inféodés aux bonnes âmes, et refusant d’informer en toute transparence sur ces sujets d’actualité.
Ils sont nombreux. Ils sont puissants. Ils ont des relais là où il est bon d’en avoir. Et quand il le faut, ils s’épaulent, au-delà des divergences idéologiques et des antagonismes politiques. Mobiliser en les détournant à leur profit les services de la police ; dévoyer l’institution judiciaire ; manipuler les faits et les opinions : tout est bon pour une partie de l’Etat, afin de détruire l’Etat.

Tout est bon, pour une partie de l’institution scolaire, pour détruire l’institution scolaire. Tout est bon pour mettre à bas l’Ecole de la République.

Tout est bon, pour une partie de l’institution scolaire, pour détruire l’institution scolaire. Tout est bon pour mettre à bas l’Ecole de la République. Tout est bon pour renoncer à former des citoyens, renoncer à faire vivre l’esprit critique, renoncer et tourner le dos aux principes démocratiques et républicains.
Une Ecole qui moulerait des cons sots mateurs et qui substituerait aux enseignements des visio-conférences par « tuyaux » informatiques interposés ? Voilà un projet « moderne », innovant, techniquement « avancé », masqué sous l’appellation « virage numérique ». Mais qui constitue un recul social, et qui peut se lire comme une attaque contre la démocratie, contre la République, contre les citoyens, contre le peuple.
Expurger l’humain ici ; là, le briser.

Quoi qu’il puisse en être…
Porter publiquement une parole venant heurter de plein front les multiples Omerta qui innervent l’institution scolaire, cela irrite et cela agace les tenants et les bénéficiaires directs ou indirects de ces Lois du Silence sanglantes, de ces logiques répressives, de ces dérives ultra-violentes, anti-démocratiques et anti-républicaines.
Un lanceur d’alerte, par définition, n’a pas que des sympathisants et des amis. Et il doit se protéger.
Paradoxalement, jusqu’ici j’ai toujours été un lanceur d’alerte « très discret » : ne pas ternir l’image de l’institution scolaire, voilà un souci que tous partagent dans cette grande maison ô combien fraternelle.
Pendant des années, c’est uniquement aux services du rectorat de Lille et du ministère de l’Education nationale que je me suis adressé, ma voix s’exprimant auprès de l’institution « en interne », en sourdine, fort discrètement.
Face aux coups bas des minuscules Harvey WEINSTEIN de l’Education nationale et de leurs amis, de leurs copains, et des copains de ces coquins, il semblerait que le moment soit venu, pour me défendre, pour me protéger, pour me préserver, de parler un peu de ce que j’ai vécu en 2003 et par la suite, voire de ce qu’on me fait subir, encore en 2021, sur le plan professionnel.

C’est pourquoi j’ouvre aujourd’hui une nouvelle rubrique sur ce blog, une rubrique dont le titre s’achève sur un point d’interrogation, tant elle soulève de questions, Un enseignant harcelé pendant 20 ans par des administratifs de l’Education nationale ?

 

texte-anniversaire-20-ans

 

20 ans ? Ou 19 ans ?
Cela fait 19 années que je subis des délits de harcèlement moral, des délits répétés, des délits constitués, sans qu’aucune instruction judiciaire n’ait été ouverte pour aucun de ces faits. Il faut croire que les informations ne sont pas passées, qu’elles ne seraient pas parvenues à qui de droit… la bonne blague !

On pourrait, et cela sera fait si nécessaire, reprendre chronologiquement les faits. Par exemple en listant le nom de chacun de mes chefs d’établissement, le nom de chacun de leurs adjoints, depuis 1998, et lister, preuves matérielles à l’appui, qui a fait quoi.

Des chefs d’établissement ?
Il y en eût d’irréprochables. D’exemplaires. De très vertueux.
Je pense par exemple à Madame Anne-Marie TERNISIEN, adjointe au collège Joliot-Curie de Calonne-Ricouart, puis principale au Collège Liberté d’Annezin.
Elle demandât à être reçue et entendue par les services du rectorat de Lille, pour prendre ma défense. « On » le lui refusa.
Elle a témoigné en ma faveur, par écrit, en juillet 2005.

 

Des chefs d‘établissement ?
Il y en eût d’irréprochables. D’exemplaires. De très vertueux.
Et il y en eût d’autres.

 

Il y en eût d’irréprochables. D’exemplaires. De très vertueux.
Et il y en eût d’autres.
Chiche de tout étaler au grand jour ?
La « honte » changerait de camp.
Voilà 19 années que j’ai honte de ce qu’ont fait et de ce que font encore certains de mes supérieurs hiérarchiques.
J’ai honte pour eux, de ce qu’ils ont fait, de ce qu’ils font.

Il y en eût d’irréprochables. D’exemplaires. De très vertueux.
Et il y en eût d’autres. Qui ont détruit plusieurs enseignantes. Qui ont détruit plusieurs enseignants. Qui ont détruit quantité de salariés de l’Education nationale. Détruit profondément.
Silence ! Pas de vagues…

Détruites, elles ne peuvent pas parler.
Détruits, ils n’osent pas parler.
« Pierre-André… quand on voit ce que tu subis depuis 2003, malgré toutes tes démarches pour te faire entendre… et pour quels résultats ? … Si je parlais j’aurais les pires ennuis, tu le sais bien… »
« Comment je paierais l’avocat, les amendes, les dommages pour les prétendues diffamations publiques ? »
« On sait comment cela fonctionne. Et comment ils se protègent.
Si je parle, mes enfants seront à la rue. Je n’aurais plus qu’à me suicider : c’est ce qu’ils veulent et ils auront gagné ».
« Ils sont trop puissants. C’est l’Omerta. C’est l’Omerta au rectorat ».
Pas de vagues ! Silence…

20 ans 1

« Le harcèlement moral, si vous n’en parlez pas, on ne peut rien faire pour vous ! »

« Le harcèlement moral, si vous n’en parlez pas, on ne peut rien faire pour vous ! » nous apprend Madame Brigitte MACRON (4).
Est-ce qu’il s’arrête ?
Est-ce qu’il s’arrête avant la 20ème année de calvaire ? Ou est-ce que je dois parler un peu plus fort ?

                                                                                                                                   Pierre-André DIONNET

 

(1) Ces causes et ces enjeux sont clarifiés dans divers billets de ce blog, par exemple celui du 23 octobre 2018 :
https://faitestairecepetitprofbonsang.wordpress.com/2018/10/23/mais-faites-taire-ce-ptit-prof-bon-sang-moins-darticles-mais-pas-moins-dactivites/

(2) Lors de son procès, le criminel nazi a eu comme seule ligne de défense le fait d’avoir « simplement » obéi aux ordres, comme tout « bon » fonctionnaire. Selon Wikipedia, la philosophe Hanna ARENDT qui couvrit le procès pour The New Yorker « reprend sa théorie du rouage du système et conclut qu’EICHMANN n’a montré ni antisémitisme ni troubles psychiques, et qu’il n’avait agi de la sorte durant la guerre que pour « faire carrière ». Elle le décrit comme étant la personnification même de la « banalité du mal », se fondant sur le fait qu’au procès il n’a semblé ressentir ni culpabilité ni haine et présenté une personnalité tout ce qu’il y a de plus ordinaire ». Si la position d’Hanna ARENDT reste controversée, il est vrai que certains fonctionnaires de l’Education nationale considèrent et « traitent » des professeurs non pas comme des êtres humains, mais comme de la « vermine » (voir à ce sujet ce billet du 3 octobre 2020 : https://faitestairecepetitprofbonsang.wordpress.com/2020/10/03/la-parole-aux-victimes-3-le-sang-des-vermines-et-autres-eclaboussements-a-eviter/

(3) Le NUMEN est un numéro d’identification ou matricule attribué à tout salarié de l’Education nationale. Il n’implique pas que les rapports entre les uns et les autres de ces fonctionnaires soient déshumanisés, et pourtant…

(4) Déclaration publique faite le 4 juin 2019 par Madame Brigitte MACRON :
https://www.bfmtv.com/societe/education/si-vous-ne-parlez-pas-on-ne-peut-rien-faire-pour-vous-contre-le-harcelement-scolaire-brigitte-macron-appelle-les-eleves-a-s-exprimer_VN-201906030219.html

Voir également mon billet du 8 mars 2018, ainsi que mes courriers adressés à qui de droit :
https://faitestairecepetitprofbonsang.wordpress.com/2018/03/08/viols-et-pedophilie-dans-leducation-nationale-14-courriers-a-madame-brigitte-macron-et-a-madame-marlene-schiappa-a-loccasion-de-la-journee-des-droits-de-la-femme/

 

Des médias aveugles et silencieux ? (14) « Pourquoi les professeurs n’en peuvent plus ! » Sara SAIDI, première journaliste à évoquer les violences subies par les enseignants, et la francetélécomisation de l’Ecole.

 

                           

 

                   La qualité du travail journalistique de Madame Sara SAIDI a déjà été relevée ici, dans un précédent billet, concernant son article remarqué sur la réalité de la crise sanitaire du Covid dans les établissements scolaires. (1) 
Cette excellente professionnelle de l’information est également la première à accoler les termes « francetélécomisation » et « Ecole », dans une enquête consacrée aux violences subies par les enseignants dans l’exercice de leur métier (2) . Où l’on découvre que ces violences ne sont pas seulement commises par quelques élèves ou leurs parents mais par… une partie de la hiérarchie locale, l’administration, et l’institution scolaire elle-même.

Sara SAIDI est la toute première journaliste à s’emparer de l’expression « francetélécomisation de l’Education nationale », la toute première à l’employer, et la seule journaliste à la relayer dans l’espace public.

 

 Sara SAIDI est la toute première journaliste
à s’emparer de l’expression
« francetélécomisation de l’Education nationale »,
la toute première à l’employer,
et la seule journaliste
à la relayer dans l’espace public. 

 

La « francetélécomisation de l’Ecole » ?
Les médias de grande diffusion snobent cette formule, et refusent d’informer l’opinion sur les violences que vivent, dans leur quotidien et dans leur vie réelle, la plupart des salariés de l’Education nationale. Quitte à se focaliser, ensuite, avec un étonnement feint, sur les faits divers les plus violents de notre société, et à monter en épingle le thème de « l’insécurité », comme si on voulait oublier – et faire oublier à la population – qu’ouvrir une Ecole et renforcer la légitimité des enseignants, c’est fermer une prison et favoriser les comportements civiques et respectueux de la loi et d’autrui.
Les journalistes de télévision, de radio, de la presse papier ou numérique inféodés à la lourde industrie médiatique ont quelques longueurs de retard : le degré extrême de violence auxquels sont confrontés de plus en plus d’enseignants – de la part de leur propre administration et souvent de leur propre hiérarchie – est un « non-sujet » d’information. Par ailleurs, la « francetélécomisation de l’Education nationale » est une expression totalement taboue, bannie dans les médias. Sans doute parce qu’elle est trop « dangereuse », trop explicite, trop parlante, pour ne pas heurter le pouvoir en place, et pour ne pas renvoyer à leurs responsabilités les ministres de l’Education nationale qui se sont succédés depuis trente ans.

La journaliste Sara SAIDI est donc pionnière dans ce domaine. Elle a d’autant plus de mérite qu’elle n’est pas une de ces professionnelles confortablement installées et « spécialisées » depuis vingt ans ou plus dans la rubrique « éducation » d’un titre de presse rémunérant assez grassement ses collaborateurs pour qu’ils répercutent sans le moindre esprit critique les éléments de langage et le « nudging » des cellules de communication des rectorats et des attachés de presse de la rue de Grenelle.
Le travail, la rigueur, l’objectivité, la curiosité, l’écoute, l’intérêt pour autrui ont fait toute la différence. Chacune des enseignantes, chacun des enseignants qu’elle a interrogés lors de son enquête et lors la préparation de la rédaction de son article a été entendu pendant plus d’une heure. Au final, tous ne sont pas cités, mais c’est bien ce travail de fond qui donne à son reportage la richesse, l’épaisseur, l’authenticité, la valeur informative qui manquent ailleurs. Seule la limite du nombre de signes a empêché que soient étoffées les réalités vécues et évoquées par Laurence, Eric, Mélissa, Claire, Manon, Pierre RACHET, et les autres professeurs de terrain : les différentes formes de violences au travail ; la caporalisation la plus malsaine ; la casse quasi systématique des meilleurs enseignants au profit de carpettes ; la psychiatrisation des éléments jugés trop « rebelles » ; la mise en compétition absurde des professeurs au sein des établissements ; un management francetélécomien au prétexte de réaliser des économies à court terme ; la soumission à des chefaillons effroyablement nuisibles qui détruisent l’institution de l’intérieur ; la transformation d’une Ecole publique de qualité en un système pervers dont ne tirent avantage que les managementeurs hyper-brutaux placés à la tête des établissements scolaires ; l’hypocrisie et le mépris – parfois jusqu’à haine larvée ? – de l’institution scolaire et des pouvoirs politiques envers les serviteurs les plus humbles de l’Education nationale… tous éléments qui accélèrent la disparition programmée et volontaire du service public éducatif.

La « francetélécomisation de l’Education nationale » ?
Demain, l’expression sera popularisée.
Elle le sera quand il sera « trop tard ».
Quand auront été mis à bas, définitivement, l’Ecole de la République et ses meilleurs serviteurs.
Qui se souviendra alors du travail pionnier de Sara SAIDI ?

                                                                                                                          Pierre-André DIONNET

N.B. : l’article ci-dessous est offert par FILD dans le but de vous faire découvrir la qualité du travail d’information de ses journalistes, reporters, correspondants, chroniqueurs, et autres intervenants, ainsi que les formules d’abonnement à ce site. S’abonner au magazine en ligne indépendant FILD, c’est soutenir un journalisme qui ne se contente pas de relayer les dépêches AFP et une désinformation en continu, comme le font trop de médias de masse. Si vous en avez les moyens, abonnez-vous !

 

 

(1)  https://faitestairecepetitprofbonsang.wordpress.com/2021/03/05/des-medias-aveugles-et-silencieux-13-sara-saidi-donne-la-parole-aux-enseignants-de-terrain-qui-decrivent-le-cauchemar-de-la-crise-sanitaire-du-covid19-dans-leducation-nationale/

(2) https://fildmedia.com/article/education-nationale-pourquoi-les-profs-n-en-peuvent-plus

 

%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%

Ci-dessous, article de Sara SAIDI, « Pourquoi les profs n’en peuvent plus ! », 16 mars 2021, FILD.

https://fildmedia.com/article/education-nationale-pourquoi-les-profs-n-en-peuvent-plus

%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%

Violence psychologique, institutionnelle ou encore administrative… Les enseignants français subissent de plus en plus de pression dans l’exercice de leur fonction. Que ce soit de la part des élèves, de leurs parents ou encore de leur hiérarchie, ces violences entraînent un mal-être qui n’a fait que de s’accentuer avec la crise sanitaire. Inquiets pour l’avenir de l’Éducation Nationale, certains dénoncent un système dont l’objectif est de réduire au maximum les coûts aux dépens des élèves et de la profession.

                                                    Enquête de Sara Saidi

 

« Nous sommes France-télécomisés », affirme Pierre-André Dionnet, professeur de lettres modernes. Une référence à l’entreprise française condamnée en 2019 – dix ans après les faits – pour harcèlement moral, suite au suicide de plusieurs de ses salariés.
Nombreux sont en effet les enseignants qui dénoncent un management épuisant au sein de l’Éducation Nationale. Le suicide de Christine Renon, directrice d’une école maternelle en Seine Saint-Denis, en 2019, a marqué les esprits. Le ministère de l’Éducation Nationale annonçait alors compter 58 suicides parmi ses agents pendant l’année scolaire 2018-2019.
Dévalorisation des conditions salariales, difficultés croissantes, empilement des réformes et violences en interne… Le métier n’attire plus et depuis une dizaine d’années, les candidatures sont en baisse. Certains professeurs pensent également à se reconvertir : « Pendant les réunions sur la santé des enseignants – organisées par le syndicat CGT
Educ’action – on constate qu’il y a un stress important voire des burn-out chez les collègues. », affirme Laurence, professeure dans un lycée de la région des Hauts-de France.
Elle dénonce des pratiques qui visent à faire craquer les enseignants : « On fait pression sur l’enseignant pour qu’il ait un “enseignement académique”. Si ce n’est pas le cas, on fait tout pour se débarrasser de lui. Si on ne peut pas, on va l’inciter à changer d’établissement » regrette-t-elle.
C’est notamment ce qui arrive à Éric*, professeur d’SVT de 29 ans en arrêt maladie depuis plusieurs mois. Depuis quatre ans, sa hiérarchie exerce sur lui une pression, comme lui reprocher ses pratiques pédagogiques et ce, malgré des inspections aux bilans positifs. Sa participation au mouvement des Stylos Rouges en 2019 lui a également été reprochée. « Je suis sportif, j’ai une hygiène de vie respectable, je n’ai jamais eu de problème de santé. Mais l’institution ne veut pas reconnaître que ce qui m’arrive est une conséquence de la situation que je vis depuis quatre ans », explique-t-il. « Beaucoup de collègues en arrêt maladie ne reçoivent pas de soutien, on ne les voit plus, personne ne les aide », regrette Mélissa* professeure d’arts appliqués en lycée professionnel.

Un sentiment d’abandon

Pierre Rachet regrette cette indifférence de la part de l’Institution : « Ce n’est même pas de la colère, c’est surtout une forme de lassitude. Si encore ils nous disaient : ‘on entend mais on a des contraintes budgétaires’, à la limite on comprendrait. Là, vous avez des personnes en difficulté qui demandent des moyens avec un discours construit et, en face, on nous dit qu’on peut changer de métier ou on nous conseille d’aller voir un psy », affirme le professeur d’histoire-géographie.
En janvier dernier, suite à une série d’agressions physiques de la part d’élèves au collège Lucie Aubrac de Givors, classé REP, Pierre Rachet et l’une de ses collègues ont entamé une grève de la faim : « On a fait un mouvement collectif pour dire qu’on refuse ces violences et pour obtenir les moyens éducatifs alloués aux REP+. On ne voulait pas de réponse policière mais une réponse éducative », explique-t-il. La grève de la faim a duré trois semaines avant que le rectorat accède à certaines demandes : « Nous avons obtenu un encadrement renforcé et un meilleur ratio heures supp/heures poste » affirme Pierre Rachet. « Mais en revanche, nous n’avons toujours pas obtenu de dédoublement en grande section maternelle ni d’heure de concertation au collège… », précise-t-il.
Face aux violences, les professeurs dénoncent également l’hypocrisie des politiques, notamment suite à l’assassinat de Samuel Paty en octobre 2020 : « On a tous été menacés de mort, (…) ça fait 20 ans que ça se passe mal mais il n’y a aucune réponse de l’institution.
Après l’assassinat de Samuel Paty, ils ont accroché La Marseillaise dans toutes les salles de classe. Voilà comment ils dépensent l’argent. On se fout de nous ! Ils nous demandent notre avis mais rien n’en ressort parce qu’ils ont déjà décidé de ce qu’ils allaient faire », déclare Melissa*, en colère.
Si, en octobre dernier, lors des questions d’actualité au gouvernement du Sénat, le ministre de l’Éducation Nationale Jean-Michel Blanquer a affirmé que la logique « du pas de vague n’est pas ou n’est plus (…) la logique de l’Éducation Nationale », les professeurs eux, continuent d’affirmer qu’ils ne sont pas entendus : « L’Éducation Nationale, c’est l’autre Grande muette », affirment ainsi plusieurs d’entre eux.

Détruire de l’intérieur

Insultes fréquentes des élèves, violences physiques, ou pression de la part de certains parents d’élèves… Les enseignants ont de plus en plus la sensation de sauter dans le vide sans aucun filet de sécurité. C’est le cas de Claire* qui a été menacée par la mère d’une de ses élèves : « C’était en 2017, la mère est entrée dans ma classe malgré le plan Vigipirate et m’a insultée. Heureusement que j’avais 30 élèves autour de moi, je suis descendue chez la CPE avec eux. J’étais comme un robot et les élèves étaient tétanisés. Au départ, le proviseur voulait que je porte plainte à titre personnel. Tout ce qui nous arrive de négatif est considéré comme un problème personnel. Au final, il a été forcé à déposer plainte, grâce à la grève massive des collègues le lendemain, qui l’ont exigé de lui au nom d’eux tous. Il a même fallu se battre pour que l’élève soit expulsée », se rappelle-t-elle.
Selon certains enseignants, des parents d’élèves vont parfois jusqu’à se plaindre directement au chef d’établissement sans passer par le professeur. Ce manque de dialogue et de confiance est une pression supplémentaire pour les enseignants qui doivent généralement se justifier devant leur chef d’établissement. Une infantilisation difficile à
supporter. Selon Laurence, certains chefs d’établissement cherchent à tout prix à éviter le conflit pour garder une bonne image de leur établissement : « Ils ont tendance à privilégier la parole des parents d’élèves », affirme-t-elle. Pour Pierre-André Dionnet, qui travaille sur ces questions depuis plusieurs années, le constat est nettement plus alarmant : selon lui, des équipes de direction dépassées par leurs responsabilités seraient de plus en plus tentées de manipuler et d’instrumentaliser élèves et parents d’élèves afin de déstabiliser des professeurs jugés comme trop indociles.
Par conséquent, les enseignants s’inquiètent également de la mesure prévue par le décret du 11 août 2020, qui, pour faire face à la baisse des candidatures, ouvre la direction des collèges et lycées aux personnes issues du privé ou du secteur associatif : « Cela va entrainer un management de plus en plus dur où ce qu’on demande c’est d’être rentable, et performant. », regrette Laurence.

Libéralisation de l’institution

« J’ai perdu la moitié de mes heures de cours » regrette Melissa. D’année en année l’enseignante a vu certaines de ses classes fermer, notamment suite à la réforme de la voie professionnelle en 2007. De nombreux enseignants alertent également sur l’augmentation des heures supplémentaires aux dépens des heures fixes (dites « heures postes »). Ils regrettent que cela mette en compétition les professeurs entre eux. Manon*, aujourd’hui à la retraite, parle même de « jungle » où les professeurs « dans leurs courses aux heures sup’ cherchent à satisfaire les désirs du proviseur ». « Tout le monde se bat pour des miettes », ajoute Mélissa. Ceux qui refusent les heures supplémentaires pour lutter contre la
suppression des heures postes, se le voient reprocher : « J’avais refusé (…) on a le droit de ne pas accepter. Mon proviseur a menacé de le dire à mon inspecteur. Il faut beaucoup de force de caractère voire du culot pour ne pas se laisser faire dans ces situations », explique Laurence.
Finalement, cette ambiance délétère, les pressions et surtout le manque de moyens ont également des conséquences sur l’éducation des élèves : « Lorsqu’un élève m’insulte, ce qui est fréquent, si j’avais la latitude nécessaire, c’est-à-dire le temps et les moyens, je pourrais reprendre avec lui pendant une demi-heure dans la semaine avec une tierce personne en médiateur. (….) Un enfant qui insulte doit progresser. Mais comme je n’ai pas les moyens, c’est impossible. Alors je fais une fiche d’incident, et la direction du collège décide d’une sanction (…) : blâme ou deux jours d’exclusion. Au final, le gamin n’a rien appris, sa colère est toujours là. Il a donc subi, lui aussi, la violence du système », regrette Pierre Rachet.
En pleine crise sanitaire, les professeurs interrogés dénoncent une course à l’économie et font le parallèle avec la dégradation des conditions de travail dans les hôpitaux : « On est considérés comme une source d’endettement. La question principale c’est comment réduire les coûts. Mais, l’enseignement, ce n’est pas un coût c’est un investissement pour l’avenir », conclut Melissa.

Sara Saïdi

* certains prénoms ont été modifiés.

11 / 03 / 2021

13 février : sensibiliser les élèves à la lutte contre le harcèlement moral, en mémoire de Marion, 14 ans. Hommage.

 

 

                  13 février. Il y a 8 années, Marion, 13 ans, s’en allait. Aujourd’hui ou la semaine prochaine (dès la rentrée pour les professeurs des zones A et C, qui sont enfin en vacances), chaque enseignante, chaque enseignant, peut sensibiliser ses élèves à la lutte contre le harcèlement en milieu scolaire. C’est plus simple qu’on pourrait l’imaginer et les élèves sont très réceptifs à cette question, pour peu qu’on l’amène avec le bon sens et la sensibilité nécessaires.

Lire une affiche sur le mur d’un couloir glacé ou le panneau d’un C.D.I. bruyant n’a pas le même impact que d’aborder à pleins bras le sujet, avec ses camarades, en présence d’un professionnel de l’éducation avec qui on nourrit une relation de confiance. Cela n’a pas du tout le même effet ni les mêmes résultats, de poser les bonnes questions. D’y réfléchir ensemble, tous, chaque élève, avec prise de parole de chacun sans exception, en prenant le temps nécessaire, dans un climat apaisé et constructif. Cela permet d’apporter les réponses adéquates, d’amorcer les bonnes pratiques et les bons réflexes. C’est tout le sens d’une prévention qui ne se contente pas de se payer de mots via une communication creuse.

Je salue Madame Nora FRAISSE qui mène avec persévérance et dignité un combat essentiel. Essentiel parce qu’il a déjà permis d’épargner plusieurs vies, et qu’il a rendu plus souriant et plus léger le quotidien de milliers d’élèves, de collégiens, de lycéens et d’étudiants… et de leur famille et entourage. Qu’elle en soit remerciée (je sais que des amis enseignants lui transmettront directement ce message de sympathie, dès aujourd’hui).

 

                                                                                                                    Pierre-André DIONNET

P.S. : dans mon prochain billet, une fois n’est pas coutume, j’évoquerai mes pratiques de classe : comment, tout au long de cette semaine, j’ai à la fois mené ce travail de sensibilisation auprès de mes élèves de Seconde et de Première, tout en rendant hommage à mon collègue Monsieur Jean WILLOT.

 

Viols et pédophilie dans l’Education Nationale (27) #SciencesPorcs : à Sciences Po comme dans un petit collège de province…

 

                  Il n’est pas étonnant que la parole se libère d’abord dans des universités, des facultés, des grandes écoles, des IEP ( Sciences Po, depuis le 23 janvier dernier (1) ) plutôt que dans des écoles, collèges et lycées.

Il est indéniable – bien que leur administration cultive et s’enfonce dans le déni du réel – il est indéniable, que des affaires de moeurs ont été étouffées et sont encore étouffées en 2021, dans à peu près tous les rectorats, avec la complaisance des personnes-mêmes censées, au sein de l’institution scolaire, faire barrage et constituer des garde-fous contre ces délits et ces crimes.

Pour être chronologiquement le premier lanceur d’alerte à avoir abordé ce sujet, je mesure bien l’ampleur des pressions qui pèsent sur celles et ceux qui voudraient parler. Simplement parler. Je mesure les moyens mis en oeuvre pour tuer socialement, discréditer, écraser et museler les victimes et les rares personnes qui leur viennent en aide. Je mesure bien le progrès de ces dernières années, le chemin parcouru depuis octobre 2017 (l’éclosion de #metoo), et le chemin qui reste à parcourir pour que Messieurs X, Y, Z et autres Zoubinard – parfaitement identifiés par les pontes des rectorats – soient pour les uns tenus de rendre des comptes, et pour les autres empêchés de poursuivre leurs méfaits sur leur lieu de travail.

 

« Victimes, on vous croit », conclut Lina FKH, au terme de son article publié ce jour sur Stalk ! .

Mais croire une femme, victime de ces mêmes crimes ou de ces mêmes délits, survenus, eux, dans une petite structure scolaire isolée, en province… cela demandera encore beaucoup de temps.

Quant à prendre en compte la parole des victimes de mobbing ou de harcèlement hiérarchique ne comportant pas de dimension sexuelle… cela sera bien plus long encore, ou ne se fera peut-être jamais.

                                                                                                                    Pierre-André DIONNET

(1) https://www.20minutes.fr/societe/2972775-20210209-hashtag-sciencesporcs-denonce-viols-agressions-sexuelles-instituts-etudes-politiques

%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%

Ci-dessous, article de Lina FHK, Stalk !, 8 février 2021.

#Sciencesporc : les témoignages de viols dans les IEP.

%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%

 

#Sciencesporc : les témoignages de viols dans les IEP.

Lundi 8 février, un nouvel hashtag Twitter, #SciencesPorc, est apparu pour dénoncer les agressions sexuelles et les viols commis par des hommes étudiant au sein des différentes écoles Sciences Po.

Une lettre ouverte d’une étudiante de Sciences Po Toulouse dénonçant les viols ainsi que les pressions psychologiques subis, a fait réagir la toile. Après les violences sexuelles produites par les professeurs, c’est le milieu malsain et anormal des étudiants qui est enfin révélé. En effet, plusieurs étudiantes des différents IEP de France témoignent des viols subis et des humiliations incessantes de leurs camarades où sexisme, perversion et violence sont au rendez-vous.

Comment l’égalité femme/homme peut-elle être envisagée dans une société quand sa plus jeune génération se retrouve confrontée dès les études supérieures à la suprématie patriarcale ? Ces hommes violeurs, agresseurs qui se retrouveront à la tête de nos prochaines institutions demeureront toujours dans le même schéma que leurs anciens. Celui où l’homme peut effectuer n’importe quel acte illégal et immoral sans être puni par la justice. Car là est tout le drame des témoignages #Sciencesporc. Malgré la dénonciation des viols commis sur ces jeunes femmes auprès des différentes administrations, aucune n’a eu l’initiative de condamner les étudiants accusés. Elles ont uniquement proposé un accompagnement psychologique aux victimes en laissant les bourreaux vagabonder et chercher leurs nouvelles proies.

La parole est le remède aux maux ; elle seule pourra changer les choses. Le courage de ces femmes à parler alors même qu’elles sont menacées à coup de « si tu t’éloignes, je te défonce » est admirable et absolument nécessaire. Il ne faut plus avoir peur. Mais comment donner l’exemple alors même que notre propre ministre de l’intérieur est jugé pour viol et harcèlement ? Lorsque le politologue Olivier Duhamel, longuement adulé et prof à Sciences Po, est accusé d’inceste ? Quand jour par jour, nous découvrons que le monde politique grouille d’hommes au passé sombre et que toute une nouvelle génération de futurs hauts fonctionnaires s’apprête à prendre la même trajectoire. Le seul moyen reste d’éduquer nos prochains et de punir les actuels violeurs et agresseurs en appliquant des solutions législatives concrètes. Le traumatisme psychique est trop lourd à porter pour se permettre de fermer les yeux.

L’heure est à la dénonciation. Une génération de femmes ose prendre la parole et écrire noir sur blanc les horreurs qu’elles ont vécu. Le mouvement #MeToo connaît une renaissance certaine et une troisième vague féministe se consolide. La violence sexuelle n’a sa place dans aucun domaine, aucune frange de la société. Elle doit cesser d’être démocratisée et doit être considérée, peut importe sa forme, comme répréhensible pénalement. Victimes, on vous croît.

Cette « bienveillance » qui fait des dégâts sur les enfants… (15) Trois dessins valent parfois mieux qu’un long discours…

Merci à l’illustrateur CHAUNU

pour avoir cerné il y a plus de 10 ans comment le pouvoir symbolique et réel avait glissé dans les mains des parents et des élèves… en toute « bienveillance » !

Un « prof’ », ce n’est pas un professeur ! (2) Kevinou et son paquet de chips.

 

           Aujourd’hui comme chaque jour les enseignants ont bossé dur et ils ont fait travailler leurs élèves.
Les « profs », eux, ont demandé aux gamins d’apporter des chips et des bouteilles de soda. Et ils ont fait des jeux, se sont livrés aux affres et aux délices de la malbouffe, ont papoté, ont passé le temps, jusqu’à la sonnerie suivante.
Comme à chaque veille de vacances scolaires. Qu’il s’agisse de « petites vacances » ou des « grandes vacances » d’été.
Les « profs » ne s’en cachent pas : régulièrement, on peut les entendre, roublards et rigolards, qui se vantent, en salle des professeurs, à la cantine ou ailleurs, d’acheter la paix sociale et d’éviter les préparations de cours et autres corrections, en substituant à chaque fois que cela leur est possible, des cours solides par de la parlotte et du copinage avec des pré-adolescents.

 

On me demande parfois si les « profs » qui se bornent par définition à être présents dans une salle de classe, sont payés autant que les professeurs qui se donnent bien du mal pour dispenser des cours exigeants, dans l’intérêt de leurs élèves. Sont-ils rémunérés de la même façon, pour glandouiller, ou pour se donner corps et âme à leur dur métier ?
Et bien non, mais… rarement dans le sens attendu !
Globalement, les « profs » sont bien mieux payés que les professeurs, et ces « profs » bénéficient de conditions de travail qui sont à tous points de vue parmi les plus confortables.

C’est le monde à l’envers, et les principes les plus élémentaires sont souvent renversés dans l’Education nationale, qui considère, remercie, et « récompense » ses salariés en dépit du bon sens. La démagogie paye davantage que l’attention réelle aux élèves et à leur devenir.
Oui, les « profs » sont globalement nettement mieux payés que les professeurs.
C’est que ces fameux « profs » sont bien vus par le système, par la hiérarchie, par leur direction, et par la masse des parents se comportant en « clients », ces parents qui exigent avant tout que les diplômes du DNB et du baccalauréat soient systématiquement offerts à leurs enfants.
Plus ces diplômes en carton-pâte sont donnés à tout un chacun et dévalorisés, plus papa et maman trouveront logique que mon-Kevinou-chéri, lui aussi – comme tous les élèves de toutes les classes – reçoive ces médailles en chocolat.

A propos de sucreries… Il n’y a pas si longtemps, en fin d’année, quelques enfants apportaient parfois des chocolats à leur professeur.
En 2020, souvent les choses se sont inversées : ce sont les « profs » qui offrent des boîtes de chocolat aux marmots, et gare au « méssant professeur » qui ne se plierait pas à ces nouveaux us et coutumes, à ces sacrifices « odieux » aux-dieux-enfants-rois, à ces usages des temps modernes !
C’est que le pouvoir symbolique – comme le pouvoir réel – est depuis longtemps passé aux mains des enfants et de leurs parents.
Ce n’est plus le savoir qui est au faîte et au centre du système éducatif.
C’est Kévinou et son paquet de chips.

Bonnes vacances à tous les professeurs, à mes lectrices et à mes lecteurs !

Pierre-André DIONNET

N.B. : offrir des chocolats à une classe d’élèves ne fait pas d’un professeur un « prof » ; en revanche, pratiquer constamment le nivellement par le bas et la fausse bienveillance est clairement une des marques de tous les « profs ». 

P.S. : je remercie la collège qui m’a aimablement transmis les copies des deux tweets inclus ci-dessus. Cela vaut bien une boîte de chocolats !

 

Harcèlement hiérarchique : le grand Déni de l’Education Nationale (21) « Cas d’Ecole » de REMEDIUM : la bande dessinée à glisser sous les sapins, cette année !

          
               

                            Il y a longtemps que ce blog aurait dû vous parler du dessinateur et scénariste de bande dessinée REMEDIUM, et vous présenter en détail son travail sur les violences institutionnelles de l’Education nationale. Bien avant que ne paraisse enfin en album les 14 histoires, lues ici et là sur le net depuis mars 2019, et récemment regroupées à l’initiative des éditions de l’Equateur. Ce sera chose faite en 2021. En attendant, la critique qu’en fait l’excellente journaliste belge Lucie CAUWE sur son blog Lu Cie & Co Livres utiles, vous incitera certainement à commander cette bande dessinée chez votre libraire préféré, et à en offrir à vos amis enseignants, pour Noël. De quoi les aider à surmonter les difficultés du métier : une des premières choses est de s’informer et de comprendre le pourquoi du comment des mécanismes insidieux et terrifiants qui peuvent miner pas-à-pas ou brusquement leur vie de professeur.

Offrir cet album à vos proches s’ils travaillent dans l’enseignement, c’est montrer et prouver que vous les aimez.

Pierre-André DIONNET

%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%

Ci-dessous, article de Lucie CAUWE, 9 septembre 2020.

https://lu-cieandco.blogspot.com/2020/09/la-violence-de-lecole-publique-francaise.html

%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%

 

 
 
 

mercredi 9 septembre 2020

La violence de l’école publique française

 
« Cas d’école » (c) Editions des Equateurs.
 
 
 
 
Les habitués de ce blog connaissent déjà les « Cas d’école » de Remedium, pseudo littéraire de Christophe Tardieux, professeur des écoles en Seine-Saint-Denis depuis 2005. Des bandes dessinées dénonciatrices de la violence faite aux enseignants par l’Education nationale française, sobres et percutantes, qui jouent sur les cadrages et sur l’alternance textes-images. Remedium les a d’abord publiées sur sa page Facebook tant il était révolté par la violence de l’Education nationale de son pays. Egalement en hommage à ces enseignants broyés par une machine sourde à l’humain. J’en ai relayé plusieurs, l’histoire de Jean (ici), celle de Laurent (ici), celle de Christine (ici) Il y en a eu d’autres, hélas, bien sûr, sept sont actuellement toujours visibles sur le site de Remedium et quelques-unes sur le blog que Mediapart lui a proposé au printemps.

Ces bandes dessinées sociales et engagées ont aussi éveillé l’attention d’une maison d’édition française qui a décidé d’en faire un album papier. « Les Editions des Equateurs », m’explique Remedium, « avaient entendu parler du projet après le suicide de Christine Renon (NDLR: en septembre 2019) et l’histoire que j’avais faite sur elle. Elles ont eu dans l’idée d’en faire un album avant que je ne l’envisage réellement moi-même. »

 
 
Cet album, le voici, « Cas d’école – Histoires d’enseignants ordinaires » (Éditions des Équateurs, 100 pages), tout juste arrivé en librairie. Et le moins qu’on puisse en dire est qu’il secoue son lecteur! Impossible de ne pas avoir l’estomac retourné après avoir lu ces quatorze histoires. Ou plutôt ces treize histoires d’enseignants plus celle de leur ministre, aussi estomaquante mais pour d’autres raisons. C’est que Remedium fait ici un terrible inventaire de drames humains causés par l’école de la République française. « La moitié des histoires ont été publiées sur Facebook », précise-t-il, « et n’ont pas été modifiées (à part celle sur Blanquer complétée d’une page). L’autre moitié, la plus longue en terme de pages, est inédite. »

Ce qui frappe surtout, c’est combien les bonnes volontés des enseignant(e)s sont balayées par des esprits jaloux qui savent comment opérer pour jeter l’opprobre sur des instituteurs dynamiques, motivés, efficaces, aimés des enfants comme des parents. Mensonges, harcèlement, rien n’est inutile pour venir à bout de ces belles âmes. Le pire est de découvrir le soutien de la hiérarchie, l’aveuglement de l’inspection plus prompte à couvrir les méfaits qu’à encourager les initiatives louables. Ce qui est terrible, révoltant, c’est le mépris pour l’humain au nom de.., au nom de rien finalement. Ce qui est dramatique, ce sont les vies humaines perdues ou irrémédiablement gâchées en vertu de règlements idiots, au profit de quelques minables. L’espèce humaine n’en est pas dépourvue, on le sait, mais quand il est question d’enseignement et d’éducation des enfants, cela ne passe plus du tout.

L’histoire de Jean-Pascal. (c) Editions des Equateurs.

On saluera la bonne idée de Christophe Tardieux d’avoir choisi « Cas d’école » comme nom générique à ses dénonciations salutaires et nécessaires, et maintenant comme titre de son album, l’expression signifiant « cas correspondant au modèle théorique enseigné ». Les quatorze histoires qu’il consigne dans son « Cas d’école » doivent être connues maintenant qu’elles sont dites. Elles sont le tombeau de ces enseignants et des ces enseignantes qui n’ont plus eu foi en l’école publique, en leur école, et n’ont trouvé d’autre issue que de s’effacer. Par la dépression ou même le suicide.

L’histoire de Christine Renon. (c) Editions des Equateurs.

Effroyables destins que ceux de Jean, Laurent, Sabrena, Manal, Chloé, Christine, Jacques, Annie, Fatima, Rachida, Jean-Pascal, Christophe et Cécile, pleins d’idéal et d’enthousiasme, broyés par la machine administrative orchestrée par le ministre Jean-Michel, avant-dernier des portraits. Christophe car Remedium raconte aussi l’histoire terrible à laquelle il a été confronté. Comme ceux qu’il sort de l’ombre, de ses mots qui s’attachent à la réalité et de ses dessins bien pensés, il a vécu la violence hiérarchique qui cache, enterre, ignore, blesse et met en colère. Si la colère et la révolte contre un système qui écrase relie les récits de celui qui enseigne le jour et dessine le soir, elles passent immédiatement chez le lecteur. Certes la profession d’enseignant est en crise mais ces morts ne peuvent pas êtres vaines. Elles ne le seront pas grâce au travail de mémoire de Remedium qui rompt courageusement le silence officiel.





 

 

La commission disciplinaire montée de toutes pièces : marque des recteurs qui perdent pied ? (3) Manipuler des lycéens et des collégiens… tant que les médias regardent ailleurs. Du syndicat « Avenir Lycéen » aux minables manoeuvres locales.

 

                       La communauté éducative se désole, depuis des lustres : les médias l’ont abandonnée. Triomphe des chiens de garde, de la propagande d’Etat, de la novlangue, et de la post-vérité. Quand il s’agit de donner la parole à un ministre de l’Education nationale, aucune erreur, aucun mensonge factuel, aucun chiffre truqué n’est jamais relevé par un journaliste. Aucune question qui dérange, aucune contradiction, aucun retour au réel.

Lorsqu’un journaliste travaille un peu son sujet, cela donne une très rare Une qui détonne, comme celle du Libé de ce jour.

Des lycéens mineurs manipulés par de hauts fonctionnaires du ministère, dans un but bassement politicien ? Comment s’en étonner dès lors que dans plusieurs rectorats, à certaines époques, on n’a jamais hésité à manipuler des lycéens – et pis – des collégiens, par exemple dans le cadre d’opérations de mobbing débouchant sur des Commissions Disciplinaires dignes de procès staliniens ? J’ai entendu et vu, de mes yeux vus, un principal de collège, dans son bureau bien confortable et feutré, s’acharner sur un élève a-scolaire et en mal de soutiens familiaux, pour essayer de lui faire dire que ses piteux résultats scolaires étaient dûs au harcèlement d’un de ses enseignants – enseignant que l’on savait pourtant irréprochable ! Pressé de répéter mot pour mot ce que ce Zoubinard lui soufflait à l’oreille, le gamin refusait d’entrer dans ce jeu tordu, et il dédouanait totalement le professeur en question. Non ce brave homme n’était pas « toujours sur son dos » ; non, il ne lui « parlait pas mal  » ; non, il ne « l’embêtait pas », non, il ne le prenait pas « à partie pour rien » ; non, il ne l’humiliait jamais en classe ; non, il n’affichait aucune hostilité à son encontre ; non, il ne le considérait pas et ne le traitait pas différemment de ses camarades ; non il ne le sanctionnait pas sans motif valable ; non il n’était pas « méchant » ; non, non, non. Le chef d’établissement bégayait, s’énervait, et n’arrivait à rien : le gosse n’était pas pervers, ni pourri, ni malsain, lui. Quant au voisin de la famille de l’élève, qui l’accompagnait dans le bureau du chefaillon, il ne comprenait rien à ce qui se déroulait, et n’était venu que sur convocation du Zoubinard, puisque les géniteurs du collégien ne pouvaient faire face à leurs obligations parentales. Je me contenterai aujourd’hui de cette seule anecdote, mais préciserai qu’à l’aide de quelques autres tordus endurcis, le principal de collège  parvint bel et bien, quelques mois plus tard, à traîner cet enseignant – pourtant impeccable ! – devant un invraisemblable Conseil de Discipline, cousu d’un grossier fil blanc. Aussi ne suis-je aucunement surpris que là-haut – comme en bas, dans tel collège et dans tel lycée – on puisse sans vergogne instrumentaliser et manipuler des mineurs.

Pierre-André DIONNET

   

Post Scriptum : des années plus tard, les acteurs de ce type d’ignominies et leurs copains-coquins rêvent de me museler et de m’abattre, puisque j’ose sur ce blog fissurer plusieurs des Omerta de l’Education nationale. En ce moment même, de bonnes âmes tentent de lancer à mon encontre une énième procédure disciplinaire, sous des prétextes toujours plus creux, dérisoires et fallacieux. Ce faisant, s’ils parvenaient réellement à donner corps à leur délire, ces irresponsables manipulateurs aguerris prendraient alors en otage la rectrice d’académie elle-même, Madame Valérie CABUIL, une personne très respectable, éloignée de ces marigots, qui ignore tout de mon existence et de mon travail de lanceur d’alerte, mais qui serait mécaniquement « contrainte » à son corps défendant de cautionner – sur un plan purement administratif – la démarche de ces mobbeurs haineux et revanchards. Gare ! Une prise d’otage ne finit pas toujours bien, et on en sort systématiquement avec des dommages ou des séquelles. Pour me faire taire, il sera bien plus simple, rapide, facile, raisonnable et sain, de se contenter de conforter mon avenir professionnel, sans plus faire de vagues.

 

5 octobre, Journée française des sous-citoyens de l’Education nationale !

 

 

5 octobre, Journée mondiale

des enseignants.

 

 

 

     En France, le personnel de l’Education nationale a un statut de sous-citoyen, privé dans les faits de la plupart de ses droits, soumis à des violences (salariales, verbales, morales, psychologiques, physiques, symboliques, sexistes, sexuelles, administratives, hiérarchiques, institutionnelles et institutionnalisées, quotidiennes, banales, banalisées), des brutalités, des abus de pouvoir et diverses formes de francetelecomisation le poussant à toujours plus d’inconfort et au renoncement à apprendre quoi que ce soit de solide aux élèves. Notre propre administration oeuvre à truquer les chiffres et à masquer l’effondrement du niveau scolaire réel.

Casser du prof’, détruire de l’humain, harceler, humilier, frapper à terre, démolir. Mettre à bas le service public éducatif et privatiser tout ce qui peut l’être, voilà le projet politique et sociétal qui semble en place depuis une trentaine d’années. Ne surtout plus former de citoyens. Trop souvent, le projet dit de l’Ecole de la confiance brise les enseignants de valeur, ramenés au rang d’animateurs de jeux, et de sous-citoyens : des femmes et des hommes qu’il faut mépriser sinon haïr, des parasites plombant le budget du pays, des inutiles, dont les droits sont bafoués dans l’indifférence de l’opinion publique.

 

5 octobre, Journée française

des sous-citoyens.

 

 

La parole aux victimes (2) Témoignage d’Isabelle LE FOLL-REMOUE, enseignante de philosophie : « Les profs aussi sont harcelés ».

C’est aujourd’hui que sort en librairie cet ouvrage, publié par Jean-Claude Lattès, dans lequel  Isabelle LE FOLL-REMOUE témoigne du calvaire qu’elle a vécu, dans un lycée, en France, au 21ème siècle.

 

Les profs aussi sont harcelés

/ Trois ans de pression dans un lycée.

 

 

Egdkse5XsAIKCdZ

EgdksuzXsAE0jHPEgdktw8WoAMR4kOEgdktRZXgAEhO16

Un sujet que je connais bien, et pour cause. Les détails des situations de harcèlement subies par le personnel de l’Education nationale sont souvent parfaitement connus de qui de droit, dans divers services des rectorats. Voir un harceleur, un chefaillon-soudard, un mobbeur-assassin, un agresseur sexuel, un violeur, mener carrière sans jamais être inquiété… être félicité publiquement et honoré du glorieux titre-hochet d’Officier des Palmes Académique… être confortablement rétribué par l’Etat malgré (je n’ose écrire « pour ») ses délits, voire ses  crimes… c’est quelque chose qui ne devrait pas être accepté en silence. Aussi je comprends ce qui a amené cette collègue à publier son témoignage – décision rarissime dans l’Education nationale, tant les mesures de répression de l’institution scolaire sont féroces, suivant la logique ultra-violente dite de « l’Omerta au rectorat ».

Pierre-André DIONNET

 

 

Des médias aveugles et silencieux ? (7) Laëtitia MONSACRE et Jim le Pariser osent briser l’Omerta sur le mobbing dans l’Education nationale.

Elle a osé. Briser l’Omerta sur le mobbing dans l’Education nationale. Fissurer la loi du silence, du moins.

En 2019 la journaliste Laëtitia MONSACRE m’a donné carte blanche pour publier dans le média Jim le Pariser un article sur l’enfer du décor de l’Education nationale. J’aurais aimé évoquer l’Omerta pesant sur les violences sexuelles infligées en toute impunité, ici et là, à de jeunes enseignantes vacataires, livrées à la merci et à la libido détraquée de supérieurs hiérarchiques abusant de leur autorité. Ainsi que les mécanismes précis par lesquels leurs agresseurs bénéficient, encore en 2020, d’une très efficace « culture de la complicité à vaste échelle » (pour reprendre l’expression forgée par les médias américains analysant à froid l’affaire Harvey WEINSTEIN et la naissance du mouvement #metoo).

Parmi les rares observateurs des violences faites au personnel de l’Education nationale, étant le premier à avoir travaillé sur ce sujet tabou, j’avais déjà abondamment abordé ce thème, aussi bien dans des courriers d’alerte internes à l’institution scolaire, que publiquement, sur ce blog. Préférant laisser aux hauts fonctionnaires de l’Education nationale et à chaque maillon de la chaîne hiérarchique la possibilité de prendre le temps, et la responsabilité, d’agir ou de continuer à fermer les yeux sur ces fléaux dénoncés par les mouvements #metoo et #moiaussi, j’ai opté pour un thème encore moins « connu » du citoyen lambda, un thème encore moins présent à la conscience collective, un thème encore plus étouffé, mais tout aussi dévastateur. Dévastateur en termes de traumas pour les victimes, comme en termes d’éthique, pour l’institution scolaire et pour la société.

C’est donc du mobbing dont j’ai souhaité parler. Et plus précisément d’une des dizaines de techniques de mobbing employées en toute décontraction depuis des années par des chefs d’établissements scolaires, en France.

L’article s’intitulait initialement « L’ultra-violence du mobbing, juste avant les vacances scolaires ». Laëtitia MONSACRE lui a préféré un titre plus générique et plus frappant : « L’Education nationale m’a tuer ».

Une précision : ce texte est un texte de pure fiction. Mais il a été écrit à partir de cas concrets, bien réels, et sourcés. Les dates, les lieux, les circonstances, les noms des victimes, les noms des bourreaux… Les louanges officielles, les honneurs, les décorations, les promotions, les primes financières et autres avancées de carrière obtenues par ces bourreaux. Tout cela est parfaitement connu des rectorats et du ministère de l’Education nationale. Et parfois, de la Justice. Les magistrats regardent ailleurs, alors que comme pour le cas Gabriel MATZNEFF, « tout est caché » mais « rien n’est caché », loin de là.

Merci à Laëtitia MONSACRE et au média Jim le Pariser d’avoir permis la publication de ce texte.

Pierre-André DIONNET

Ci-dessous : lien vers l’article de Jim le Pariser, 3 décembre 2019.

L’éducation Nationale m’a tuer

 

3 décembre 2019

C’est le dernier jour avant les vacances, la dernière heure de cours, même. On frappe à la porte de votre classe – Grand Fichtre ! – voici dans l’encadrement de la porte Monsieur le principal en personne (Madame la proviseure adjointe, si vous travaillez en lycée), qui s’est déplacé jusqu’à vous. Vous êtes prié de le suivre jusqu’à son bureau sans broncher, pendant qu’un surveillant va s’asseoir à votre place. Accessoirement, les élèves ne travailleront pas pendant une heure ; mais qu’ils n’apprennent que peu de choses en réalité, vraiment, cela n’a aucune importance pour votre hiérarchie : de ce côté-là, rien de neuf sous le soleil.

Une fois dans le bureau du grand chef, on vous accuse et vous accable car vous êtes par essence coupable. Inutile de chercher à rendre les accusations crédibles ou un peu épaisses : un simple battement de cil, avoir mis un pied devant l’autre, le fait d’avoir respiré un peu d’air va suffire à faire de vous un paria de cet établissement scolaire. Ne cherchez pas plus loin, il est inutile de répondre, et encore plus vain d’essayer de dialoguer, c’est un procès purement moscovite et votre supérieur hiérarchique est d’une mauvaise foi à couper au couteau. Là, vous sentez son haleine puant l’alcool à quelques centimètres de votre visage : il s’est mis à hurler sans aucune raison, et c’est normal : il joue et surjoue, uniquement pour que dans les pièces adjacentes (secrétariats, bureaux, couloirs…) chacun sache bien que vous êtes désormais sur « liste noire ». Vous êtes un très mauvais enseignant, le pire qu’on ait jamais vu dans l’académie et sur terre, c’est aussi saugrenu qu’incongru, et pourtant c’est une évidence, c’est la vérité, c’est officiel et l’information se répandra très vite dans tout l’établissement, aussi bien auprès des élèves et de leurs parents qu’auprès de vos collègues et de toutes les personnes qui gravitent autour de ce lieu. Votre chefaillon vous passe à tabac, vous matraque et vous assomme de reproches infondés et il ne cache plus qu’il fait de son mieux depuis quelques temps déjà pour briser le lien de confiance naturel entre les élèves et vous, entre les parents d’élèves et vous, entre les autres enseignants et vous ; et, comme de rares collègues vous en avaient aimablement mis en garde, c’est bien lui qui est à l’origine des diffamations, des calomnies et des rumeurs les plus répugnantes qui circulent sur votre compte en salle des professeurs. 

C’est là le seul point « positif » de cette situation des plus violentes et des plus traumatisantes : désormais, vous savez que votre propre administration travaille contre vous, elle qui – selon les textes officiels – devrait au contraire s’assurer de garantir votre santé et votre sécurité.  

Il n’y avait bien sûr aucun caractère d’urgence, aucune raison d’empêcher vos élèves de bénéficier de votre cours. L’instant est délicatement choisi : votre bourreau abat ses cartes maintenant, lors du dernier jour de classe, à la veille des vacances, avec l’espoir de gâcher salement les vôtres, et surtout de vous empêcher de recharger vos batteries pendant cette période qui devrait être consacrée au repos et à tout ce qui pourrait vous permettre de vous ressourcer. Plus d’une enseignante, plus d’un enseignant ne s’en est jamais remis. Par tradition, au beau Pays des Droits de l’Homme, dans les innombrables situations de suicides d’enseignants, la responsabilité pénale directe des chefs d’établissements scolaires et leur éventuelle culpabilité judiciaire ne sont pour ainsi dire jamais l’affaire de la Justice : alors pourquoi se gêner quand on a l’âme d’un tortionnaire ? 

Comme des dizaines de milliers d’enseignants en France, vous êtes la cible de mobbing

En mode Kasshogi version « sans effusions de sang », vous êtes réduit à l’état d’objet, votre vis-à-vis ne vous considère plus comme un être humain, mais comme une vermine, un parasite, un insecte nuisible qu’il faut écraser. Vous n’êtes plus un homme, vous n’êtes plus une femme, vous êtes un objet à broyer, à détruire, à éliminer. Suivant les mêmes logiques de déshumanisation que celles mises en oeuvre lors des exterminations ethniques, des purges politiques, et des génocides, votre bourreau est bel et bien un assassin. Il a prémédité et mûrement réfléchi ses actes. Pour perpétrer son crime, il  se retranche derrière sa position d’autorité et son statut de supérieur hiérarchique : jamais la pyramide décisionnelle ne le désavouera. C’est un principe intangible : toujours on couvrira ses manœuvres, ses manipulations, ses mensonges – et cet énième meurtre social, plutôt que d’écorner l’image de l’institution scolaire. L’assassinat peut s’accomplir en toute impunité, dans l’opacité absolue de cette nouvelle Grande Muette à côté de laquelle l’armée fait figure de forteresse de verre, ouverte à tous les vents. Crime commis avec l’aval d’une structure administrative, crime commis avec l’appui d’une organisation étatique, crime commis avec l’assentiment et la puissance du cadre d’une administration d’Etat. Sous son vernis de respectabilité, l’Education nationale  facilite et cautionne le meurtre social de milliers d’enseignants, chaque année, en France. Ni les grosses centrales syndicales, ni les médiateurs de l’Education nationale, ni les tribunaux administratifs ou pénaux, ni les journalistes « spécialisés » sur les questions d’éducation ne feront bouger les lignes. Seule une volonté du pouvoir politique pourrait demain ébranler les choses, mais de volonté politique, dans ce domaine, il n’y en a pas plus que de beurre en broche. L’arbre du harcèlement entre élèves cache la forêt des violences faites au « petit » personnel du service public éducatif, et c’est un arbre sur lequel il est bien commode de se focaliser.    

Vous êtes victime de mobbing : « l’extermination concertée d’une cible humaine », selon la définition établie par Madame Eve SEGUIN (1), universitaire et chercheuse, qui a consacré d’importants travaux à ce fléau aussi répandu que méconnu et effroyable, et qui constitue « le secret le mieux gardé des universités » mais aussi des lycées et des collèges.

Vous êtes pris au piège et encaissez l’extrême brutalité de cette technique adoptée et adorée par ces managementeurs portés à la tête des établissements scolaires, avec comme seules missions de casser le service public éducatif, d’écœurer ses agents les plus consciencieux, et de mettre à bas la valeur du savoir et l’autorité des enseignants.

Vous subissez l’ultra-violence de ce procédé classique et imparable qui a fait ses preuves et les fera longtemps encore, tant que l’administration centrale de l’Education nationale – jusqu’à ses plus hautes sphères de décision – et tant que magistrats, procureurs et juges de ce pays feront en sorte de tolérer l’intolérable, et de cautionner cette barbarie francetelecomesque.

Taisez-vous ! La voilà, l’Ecole de la Confiance. Vous êtes moins qu’un sous-citoyen et vous devez crever, sous les coups de votre supérieur hiérarchique. Vous devez crever, oui, mais en silence.

Par Pierre-André DIONNET

N.B. : toute ressemblance avec des personnes réelles serait purement fortuite etc. 

1-Eve SEGUIN est une universitaire canadienne, chercheuse au département des Sciences Politiques de l’UQAM, Université du Québec à Montréal. Son travail sur le mobbing (mené en mémoire de Madame Justine SERGENT, chercheuse et neuro-psychologue réputée de l’Université Mc Gill) est une référence absolue dans le domaine. L’article qu’elle publie en 2017 dans The Conversation constitue une excellente approche de ce qu’est le mobbing :

https://theconversation.com/mobbing-en-milieu-de-travail-ou-le-terrorisme-organisationnel-79378

Harcèlement hiérarchique : le grand Déni de l’Education Nationale (18) « La francetelecomisation de l’Education nationale » : une expression qui DOIT faire florès !

 

            La francetelecomisation de l’Education nationale se déroule tranquillement, depuis plus de vingt années, pas-à-pas et à bas bruit.

« La francetelecomisation de l’Education nationale »… l’expression fera peut-être un jour florès.
Ce serait une des meilleures choses qui puisse arriver à l’institution scolaire, aux élèves, aux enseignants et autres salariés de l’Education nationale. Car une fois opérée la dés-invisibilisation de ce fléau, de ses mécanismes, et de ses bourreaux, ne resterait alors « que » la seconde moitié du travail à réaliser, pour remettre sur pied une Ecole du savoir, du bon sens et du respect.

« La francetelecomisation de l’Education nationale »… Je ne suis ni le dépositaire ni le propriétaire exclusif de cette expression. Mais (puisque la question m’a été posée) je crois bien qu’on peut m’en attribuer la paternité, à moins que son usage ait été antérieur à 2011. Peu importe d’ailleurs que j’en sois le créateur, l’auteur, l’initiateur, et le premier à l’avoir employée dans l’espace public, et à l’avoir fait résonner auprès de qui veut bien l’entendre – jusqu’à l’intérieur du Sénat, lors d’un colloque sur les violences au travail tenu cette semaine, le 20 janvier. Ce qui importe, c’est que l’expression se propage, pour que régresse ce qu’elle désigne.

« La francetelecomisation de l’Education nationale »… Ce n’est pas seulement une expression, c’est surtout une réalité et un ensemble de pratiques aussi méconnues que violentes. J’aurai bientôt l’occasion de détailler le sens de cette formule, et de décrire différents aspects des réalités qu’elle recoupe.

« La francetelecomisation de l’Ecole publique », « la francetelecomisation de l’institution scolaire », « la francetelecomisation de l’Education nationale »… non, je ne toucherai pas même un seul millième de centime d’Euro chaque fois qu’on emploiera ces mots. Et je n’en demande pas tant. Mais si l’on veut que Pierre JACQUE, Jean WILLOT, Christine RENON et les milliers d’autres victimes de cette machine à broyer soient un jour reconnues comme ayant déclenché une prise de conscience collective de l’ampleur sanglante des brutalités et des violences institutionnalisées que subissent les travailleurs en milieu scolaire, alors ce sont des expressions qui devront être popularisées. Le plus vite sera le mieux. Il y a urgence. Il y a urgence maintenant.

Pierre-André DIONNET

Marlène SCHIAPPA : les enseignantes considérées comme des sous-citoyennes ? (1) Une Secrétaire d’Etat nommée depuis 20 mois.

Par bien des aspects, les enseignantes sont considérées en France comme des « sous-citoyennes ». Il n’est pas excessif de l’écrire.

Je ne pense pas seulement ici à leur traitement salarial étique ; ni à la différence de rémunération et d’avancée de carrière entre femmes et hommes ; ni au décalage entre le niveau de recrutement et de responsabilité des enseignantes, et celui de fonctionnaires exerçant dans d’autres ministères et bénéficiant d’un salaire très largement supérieur.

Je ne pense pas seulement au mépris qui s’exerce tout autant envers les enseignants qu’envers les enseignantes. Mépris qui, parfois sous couvert d’humour, se diffuse aussi bien au comptoir du Café du Commerce, que parmi ceux qu’on nomme les « élites », en passant par toutes les strates de la population, sans exception aucune. Mépris généralisé. Mépris bien commode pour que se défoulent les uns, et pour que les autres ciblent de parfaits bouc-émissaires : les professeurs seraient responsables  de tous les maux sociaux et financiers qui épuisent un pays en son entier (« ce sont ces fonctionnaires paresseux qui sont à l’origine de la « dette » de la France, l’évasion fiscale n’y est pour rien », selon une petite musique aussi répandue que pernicieuse et efficace).

Je pense d’abord à leurs Droits. Je pense aux Droits. Aux Droits dont chaque humain dispose, selon les Lois, les textes souverains, les règles d’équité, les Chartes, les Conventions, les normes juridiques, les principes internationaux, le bon sens débonnaire qui considèrent comme égaux tous les êtres vivants identifiés comme appartenant au genre et au groupe des humains.

Oui, du point de vue du Droit, en pratique, les enseignantes sont considérées en France comme des « sous-citoyennes ».

Les lectrices et les lecteurs de ce site le savent. Celles et ceux qui lisent les (rares) ouvrages, les (rares) articles de presse, les (quelques) autres blogs traitant plus ou moins du sujet ou – plus souvent – de sujets connexes, le constatent comme moi. Et la démonstration n’est plus à faire. La Grande Muette ? Ce n’est plus l’armée, qui depuis la publication en 2014 par Leila MINANO et Julia PASCUAL de La Guerre invisible. Révélations sur les Violences sexuelles dans l’Armée française travaille (trop) lentement à libérer la parole et à agir concrètement. La Grande Muette, depuis longtemps déjà, c’est d’abord l’Education Nationale. Celle que dirige le Ministre Monsieur Jean-Michel BLANQUER. Celle qu’a dirigée avant lui Madame Najat VALLAUD BELKACEM, et bien d’autres avant eux.

Chance. Le 25 novembre 2017, notre Président de la République a choisi de déclarer Grande Cause Nationale de son quinquenat l’Egalité entre les femmes et les hommes. Auparavant, le 17 mai 2017, Madame Marlène SCHIAPPA a été nommée Secrétaire d’Etat auprès du premier Ministre – ce n’est pas rien, et il n’est pas possible que rien n’en sorte, il n’est pas possible qu’il n’en sorte rien, ni trois fois rien. Les choses ne peuvent que bouger, dès lors. Cela ne peut se faire d’un claquement de doigts, mais des mesures fortes, concrètes, de terrain, efficaces, efficientes, visibles, novatrices, innovantes, vont venir modifier pas-à-pas le réel.

Par exemple, il ne sera plus possible, pour un chef d’établissement scolaire, d’agresser sexuellement une enseignante, ou – au choix, selon son bon vouloir et la vulnérabilité de ses victimes – « sa » secrétaire, « ses » collaboratrices, « son » personnel chargé de l’entretien, le personnel de cantine, l’infirmière, les surveillantes, les A.E.D., les A.V.S., « son » adjointe, « sa » C.P.E., « sa » gestionnaire, « son » intendante… Du moins, le « grand patron » au-dessus des lois n’aura plus l’assurance que tout sera fait pour étouffer les faits ; pour minimiser l’affaire ; pour éviter le scandale ; et « au pire », pour inverser les rôles des victimes et de l’agresseur ; pour que les victimes doivent rendre compte judiciairement de prétendues diffamations ; pour que les juges se montrent très magnanimes, très tolérants, fort bienveillants et très à l’écoute des théories fumeuses du supérieur hiérarchique coupable de viols mais jamais condamné.

Cela ne se fera plus dans l’impunité, une impunité de fait. Dans une totale impunité pénale. Dans l’opacité. Dans une ombre entretenue par l’administration elle-même. Dans un brouillard voulu et entretenu par l’institution, par chaque pan de cette institution, puissants syndicats compris; et relayé par l’institution judiciaire. Par exemple, on assistera à quelques procès pénaux forts, symboliques, édifiants. Des procès  dont le verdict, le retentissement et la portée « éducative » dissuaderont une fois pour toutes les minuscules Harvey WEINSTEIN sévissant dans l’Education Nationale.

Par exemple, le harcèlement moral hiérarchique sera lui aussi éradiqué, lui qui produit les mêmes dégâts, les mêmes effets, les mêmes gâchis humains que les agressions sexuelles : je parle bien du vrai harcèlement moral, ultra-violent et prolongé dans le temps – 5 ans, 10 ans , 15 ans et plus de calvaire sans répit ! – et par rapport auquel il n’existe aucun garde-fou, aucune issue, aucune échappatoire : qu’on lise ou relise Daniel ARNAUD, Paul VILLACH, Guy LANDEL, Roland VEUILLET, le trio Marie Jeanne et Philippe, Pierre-Yves CHEREUIL, Samuel FRANCOIS, ou les articles de ce blog.

Le 8 mars 2018, Journée internationale des Droits des femmes, j’ai pris l’initiative d’écrire à Madame Marlène SCHIAPPA, Secrétaire d’Etat auprès du Premier Ministre (ou si l’on préfère, j’ai alerté sans détour et sans fard l’équipe de travail qui l’entoure, sa Directrice de Cabinet, son Directeur de Cabinet adjoint, et sa Cheffe de Cabinet). Et je ne me suis pas arrêté là. Que croyez-vous qu’il se soit passé, depuis lors ? De prochains billets le préciseront si cela devient nécessaire.

suspense.jpg

shutterstock_100448047.jpg

     

Ce soir, 25 janvier 2019, à partir de 22h00, Madame la Secrétaire d’Etat en personne co-animera l’émission de Cyril HANOUNA Balance ton Post sur la chaîne de télévision C 8. Il se murmure que sous une très relative pression « médiatique » (on se demande bien qui aurait pu agir en ce sens, et par quels biais…) un moment d’échange pourrait être consacré aux violences faites aux enseignantes, ou plutôt à un vague « mal-être enseignant » – l’équipe de la Secrétaire d’Etat aurait préparé une petite fiche permettant, le cas échéant, de répondre avec assurance à toute question sur le sujet.

Wait and see…

picmonkey-collage-tpmp-d831fb-0@1x

         

            Une chose est claire. Au cas où le « malaise enseignant » serait abordé, il sera tentant et facile de se contenter de vagues et bonnes intentions. Ou de promesses creuses. Ou de renvoyer à l’existence d’un énième numéro vert d’ « écoute » ou d’un « tchat’ en ligne » qui ne résolvent rien de la situation particulière des enseignantes piégées et contraintes par leur propre administration, par leur propre employeur, par les dysfonctionnements de l’Education Nationale, cet Etat en roue libre dans l’Etat.

Pas plus que ne convaincront la possibilité de missionner un quantième Comité Théodule,  ou de se référer aux médiateurs de l’Education Nationale (l’académie de Lille en compte pas moins de 3, dont je puis assurer que pas un seul – pas un seul de ces trois fonctionnaires – n’agit efficacement dans ce domaine précis, je puis l’affirmer et en parler d’expérience, documents à l’appui).

Il faudra – il faudrait – autre chose que de la communication. Autre chose que la comm’. Autre chose que du blablablabla. Autre chose que de l’enfumage. Il faudra – il faudrait – des actes forts. A la fois concrets et symboliques, qui marquent les esprits, qui marquent un tournant, qui marquent un virage à 180 ° de la politique publique de notre pays.

Seul le pouvoir politique peut nettoyer les écuries d’Augias de l’Education Nationale.

Seul le pouvoir politique peut décider de mettre un terme à l’aveuglement institutionnalisé, au déni, au tabou, à l’Omerta.

Seul le pouvoir politique peut changer le sort des enseignantes.

Que de « sous-citoyennes », elles puissent demain jouir de leurs Droits, plutôt que d’être, ici et là, malgré elles, le réceptacle déshumanisé des basses jouissances de ces chefaillons criminels que sont leurs agresseurs et leurs violeurs.

Que de « sous-citoyennes », elles puissent demain relever la tête, et commencer à se reconstruire, plutôt que d’être, ici et là, « au mieux », figées ad vitam aeternam dans un statut de victimes d’abus d’autorité, d’excès de pouvoir, de délits patents de harcèlement moral les détruisant au coeur de leur humanité, sans que cela jamais ne soit reconnu. Seul le pouvoir politique possède la clef de ce grand changement, une clef qu’il est seul à pouvoir actionner. Mais en a-t-il la volonté ?

Pierre-André DIONNET, 25 janvier 2019, 22h00.

La commission disciplinaire montée de toutes pièces : marque des recteurs qui perdent pied ? (1) Responsabilité politique des ministres de l’Education Nationale.

Il y a plus de deux mois j’annonçais ici la création d’une nouvelle catégorie d’articles sur le thème de la commission disciplinaire dans l’Education Nationale.

Une décision aussi récente que stupide d’une chef de service (qui se reconnaîtra ou non) m’amène à ne pas postposer plus longtemps l’écriture du premier article de cette rubrique.

Disons-le : la commission disciplinaire (communément appelée « conseil de discipline ») est fréquemment employée dans l’Education Nationale pour briser d’excellents fonctionnaires considérés – par tels ou tels chefs de service d’un rectorat – comme « gênants ». Autrement dit, il arrive souvent que cette procédure disciplinaire soit détournée de ses fonctions, dans un but politique ou une volonté de protéger l’une ou l’autre personne, voire d’étouffer un scandale potentiel. Dans quelles limites ? Pédophilie ? Détournements d’argent public ? Affaires de moeurs ? Favoritisme ? Promotion canapé ? Magouilles et chantages de syndicats dits « majoritaires » ? Viols collectifs sur personnes vulnérables ? Délits pénaux ? Crimes sexuels ? A des journalistes, à des fonctionnaires dont c’est le rôle, à des citoyens soucieux d’équité et de transparence d’ « enquêter » et de répondre – ou non – à cette question.

Un constat : un million de personnes sont employées par l’Education Nationale, dans divers corps de profession fortement féminisés, or, aucun chef d’établissement n’a jamais été condamné, en France, pour violences sexuelles ni pour délits de harcèlement moral envers « son » « petit » personnel. Statistiquement, ce point aveugle de la Justice française est des plus troublants, mais aussi des plus éclairants : l’Education Nationale fonctionne comme un Etat dans l’Etat, où les mieux placés évoluent au-dessus des lois et des principes de notre République. La démonstration en a été faite aussi bien par Paul VILLACH, Daniel ARNAUD, que par les rédacteurs des sites Omerta au Rectorat et Transparency Education Nationale.

L’emploi abusif et déviant des commissions disciplinaires est un des axes forts des conditions permettant de conforter et de perpétuer cette faille judiciaire. Si on peut blâmer le manque de lucidité, de courage ou d’éthique de plusieurs magistrats, il faut aussi pointer du doigt ces déviances organisées institutionnellement au sein de nombreux rectorats. La responsabilité personnelle et individuelle de certains  recteurs, de rectrices, de directions des pôles académiques des affaires juridiques, de Directeurs des Ressources Humaines est à soulever. Celle – politique – des ministres successifs de l’Education Nationale est également à interroger. Elle sera interrogée demain, dans telle ou telle affaire, dans un jour, dans un mois, dans un an ou dix ans. Wait and see… Comme pour le mouvement #PasdeVague, pas bien difficile de prédire que l’insupportable ne sera éternellement supporté.

Pierre-André DIONNET

La commission disciplinaire montée de toutes pièces : marque des recteurs qui perdent pied ? (0)

 

Très bientôt sur ce site, une rubrique, des articles, et des témoignages sourcés, consacrés à ce fléau qu’on croyait éradiqué : les commissions disciplinaires montées de toutes pièces, par tel et tel rectorat. En attendant, pour vous faire patienter, lisez le blog-frère Transparency Education Nationale.

http://www.transparencyen.fr/

Pierre-André DIONNET

P.S. : bien reçu le courrier recommandé, ce matin. Dommage d’oeuvrer pour déclencher toujours davantage de vagues : au bout du bout du bout, ça ne va pas forcément plaire tout là-haut. Wait and see… 😉  

Harcèlement hiérarchique : le grand Déni de l’Education Nationale (10) La CGT-FERC en pointe de la lutte contre le harcèlement sexuel.

Contre le harcèlement hiérarchique la CGT FERC est sans doute un des rares syndicats enseignants à agir réellement, là où d’autres instances se payent de mots et laissent faire. Un communiqué diffusé il y a moins d’une heure par la CGT FERC vient le rappeler.

Reste à agir concrètement de façon plus efficace et plus visible, pas seulement en matière de harcèlement sexuel mais aussi et surtout en matière de harcèlement hiérarchique moral et d’abus de pouvoir banalisés. Dans les lycées. Dans les collèges. Dans les écoles. Là où pour le moment rien ne bouge vraiment.

La violence – les violences – exercée par certains proviseurs, certaines principales adjointes, certaines directrices d’école reste en 2018 un sujet tabou, et les harceleurs bénéficient, dans les faits, d’une indulgence et d’une impunité absolues. L’administration de l’Education Nationale ferme les yeux. Les procureurs et les juges ont mieux à faire qu’à demander des comptes aux Zoubinards. Les syndicats enseignants peinent à traduire concrètement les bonnes intentions, qui du reste sont très rarement affichées (raison de plus pour relayer le communiqué ci-dessous 😉 ).    

Pierre-André DIONNET 

 

*********************************************************************

*********************************************************************

Ci-dessous, communiqué de la CGT FERC, 20 juin 2018.

http://www.ferc-cgt.org/communique-lutte-contre-le-harcelement-sexuel-une-sanction-exemplaire-qui-doit

*********************************************************************

*********************************************************************

 

Voir cette Infolettre dans votre navigateur.

Communiqué – Lutte contre le harcèlement sexuel : une sanction exemplaire qui doit en appeler d’autres !

La CGT FERC Sup se félicite d’une toute récente décision (voir en annexe) de la section disciplinaire de l’université Lyon 2 qui a reconnu le harcèlement sexuel et l’emprise exercés par un directeur de thèse sur une doctorante.

La sanction prononcée est de 12 mois d’interdiction d’exercer toute fonction d’enseignement et de recherche, avec privation du salaire. Décision qui met en évidence des situations d’abus de pouvoir.

Cette décision est exemplaire, en comparaison aux nombreux dysfonctionnements des procédures disciplinaires.

Les faits se sont déroulés dans un laboratoire de recherche (UMR) hébergé par l’ENS Lyon, mais l’enseignant-chercheur et la victime relèvent de l’université Lyon 2.

L’Union Nationale CGT FERC Sup salue le courage de la victime, le soutien inconditionnel des doctorants qui l’entouraient, mais aussi l’accompagnement et les conseils tout au long de la procédure du syndicat CGT FERC Sup de l’ENS Lyon, dont les mandatés au CHSCT avaient parallèlement déposé un droit d’alerte qui était resté lettre morte, contrairement à l’obligation d’enquête qui pesait sur la direction de l’ENS Lyon.

La CGT FERC Sup se mobilise pour que cessent ces violences sexuelles dans les établissements d’enseignement supérieur et de recherche (ESR) et qu’enfin nos chefs d’établissements prennent les mesures qui s’imposent dans l’organisation du travail. Nous rappelons aux employeurs publics leur obligation de protection des agents et des usagers de leurs établissements. (Voir la Directive européenne du 12 juin 1989 et plus précisément les prescriptions faites dans la circulaire du 9 mars 2018 relative à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans la fonction publique)

Montreuil, le 20 juin 2018

Donne-moi le bac d’abord ! (8) Beaucoup de « bienveillance » envers les candidats…

La « bienveillance » envers les candidats au baccalauréat est inversement proportionnelle au respect et à la bienveillance de l’institution scolaire envers son petit personnel. Mais ne demandez pas aux syndicats enseignants de s’emparer de ce sujet et de le porter au devant de leurs préoccupations. Surtout pas ! 😉

Pierre-André DIONNET

 

*********************************************************************

*********************************************************************

Ci-dessous, article d’Emilie TREVERT, Le Point,  18 juin 2018.

http://www.lepoint.fr/bac/bac-2018-consignes-pressions-menaces-comment-on-gonfle-les-notes-du-bac-18-06-2018-2228044_3585.php?boc=1706455&m_i=V5aeP251rdKacjLv1zr2imtXJVrg_wH3R6zRMHvW_obRbjJaZK2DQoDHo5f9eMvyDey%2BfSGE%2BrLr1hG42s_qIhhznsaVVk&M_BT=1246277091415#xtor=EPR-6-%5BNewsletter-Matinale%5D-20180618

*********************************************************************

*********************************************************************

Actualité Education Baccalauréat

Bac 2018 – Consignes, pressions, menaces : comment on gonfle les notes du bac

Pour éviter la subjectivité, la notation est « harmonisée ». Derrière ce mot, des enseignants dénoncent une incitation à surévaluer les copies. Enquête.

Par Émilie Trevert

Modifié le – Publié le | Le Point.fr
Depuis 2014, le taux de réussite au baccalauréat est remarquablement stable, autour de 88 %. Tout est fait pour lisser les moyennes des correcteurs autour de... la moyenne.

Depuis 2014, le taux de réussite au baccalauréat est remarquablement stable, autour de 88 %. Tout est fait pour lisser les moyennes des correcteurs autour de… la moyenne.

© Nicolas TAVERNIER/REA

Harcèlement hiérarchique : le grand Déni de l’Education Nationale (9) Une trop lente libération de la parole sur le harcèlement sexuel. Pendant que le harcèlement moral reste librement pratiqué par une partie des personnels de direction.

            Au collège international de Noisy-le-Grand on ne rigole plus comme avant. C’était pourtant tellement simple, tellement facile, depuis toujours – comme dans tous les collèges et lycées de France. On se savait intouchable et au-dessus des lois. On savait que l’administration de l’Education Nationale laisserait faire. Et que la Justice avait d’autres chats à fouetter, ou qu’elle renverrait vers l’institution scolaire qui étoufferait tout, comme d’habitude. On rigolait bien car on avait les mains libres. Et les mains baladeuses. Et on se persuadait d’être de grands séducteurs. En plus d’être de grands chefs, de grands hommes de pouvoir. Ça, c’était avant. Plus maintenant. Maintenant, on ose porter plainte. Et maintenant, les plaintes ne sont plus systématiquement mises sous le tapis. Maintenant, la honte commence tout doucement, trop timidement, mais progressivement, à changer de camp. 

Il y a encore quelques temps, l’affaire aurait été étouffée et aurait causé de grands éclats de rire dans les couloirs et les bureaux d’un rectorat, quel qu’il soit. Y compris dans les bureaux des fonctionnaires payés pour protéger le personnel de ce type d’agressions (chefs et employés des pôles juridiques, médiateurs académiques, etc.). Et gare aux deux victimes si elles avaient osé protester. Il n’était même pas imaginable qu’elles puisent un jour – même quarante ans après – dire publiquement quoi que ce soit. Pis : les choses n’en seraient peut-être pas restées-là et on sait que dans tels et tels établissements, tel principal et tel adjoint sont ensuite allés beaucoup, beaucoup plus loin, d’autant que les rectorats, par habitude et par tradition, ont toujours fermé les yeux et toléré ces pratiques archaïques.

affiche_ctreviol_10

Pourquoi ce changement ? #metoo et #balancetonporc n’y sont pas étrangers. Et des lanceurs d’alerte comme Jeanne, Marie et Philippe du site Omerta au Rectorat ont beaucoup travaillé pour que l’Educ’Nat’ ne soit plus La Grande Muette (L’armée française, elle, a depuis longtemps produit un Livre Blanc sur ces questions, à une époque où la merveilleuse ministre Najat VALAUD BELKACEM regardait obstinément ailleurs).

Un changement commence à s’opérer, enfin. Néanmoins, il reste beaucoup à faire. Si dans la société à peine 1 femme sur 10 ose porte plainte pour viol, dans l’Education Nationale l’invibilisation explose et ce chiffre serait de moins de 0,5 pour 100 selon l’estimation (au doigt mouillé, mais significative) d’une ancienne responsable syndicale aujourd’hui retraitée, repentie, et souhaitant préserver son anonymat.

Pour le dire autrement, en 2018 la parole se libère bien plus lentement et timidement dans l’Education Nationale que partout ailleurs en France. Cela concerne pourtant plus d’un million d’agents de la fonction publique…   

 

images.jpg

 

Pis : concernant le harcèlement moral, l’institution scolaire continue de nier le réel : les chefaillons harceleurs commettent leurs délits dans une impunité absolue et ne cherchent même pas à cacher que l’administration du rectorat, comme la Justice, s’en tamponnent le coquillard. L’ex ministre Najat VALAUD BELKACEM a toujours utilisé le harcèlement entre élèves comme un paravent bien commode : c’est l’arbre qui cache la forêt de ce que subit le petit personnel. Quant aux Eric DEBARBIEUX ou aux Philippe TOURNIER (ancien patron du S.P.D.E.N. ce Syndicat qui protège les Personnels de Direction de l’Education Nationale) … … comment dire ? J’y reviendrai à l’occasion. 😉

 

ministre-leducation-nationale-Jean-Michel-Blanquer_0_729_486

Reste à notre Ministre Jean-Michel BLANQUER à saisir l’opportunité qui lui a été donnée depuis plusieurs mois de devenir le premier des Hommes d’Etat français à dire : « STOP ! MAINTENANT, ÇA SUFFIT. PLUS DE ÇA DANS L’EDUCATION NATIONALE. » Ma foi, l’évolution précise de ma situation personnelle au sein de l’Educ’ Nat’ dans les trois mois à venir sera un très discret mais excellent baromètre, à ce sujet.

Pierre-André DIONNET

 

*********************************************************************

*********************************************************************

Ci-dessous, article de 20 Minutes, 2 juin 2018 : http://actualite.20minutes.fr/Interstitial/TwentyMinutes/2018/06/02/5b125e4852334.html#xtor=EPR-182-%5Bwelcomemedia%5D–%5Barticle_politique%5D–

*********************************************************************

*********************************************************************

Seine-Saint-Denis: Le principal d’un collège et son adjoint visés par une plainte pour agression sexuelle

Une enquête a été ouverte pour « violation de domicile » et agression sexuelle. Deux surveillantes de l’internat du collège international de Noisy-le-Grand ( Seine-Saint-Denis) ont porté plainte contre le principal et un autre membre de l’encadrement pour agression sexuelle, a-t-on appris ce samedi de source judiciaire.

D’après les premiers éléments de l’enquête, révélée par Le Parisien et France Bleu, l’incident s’est produit dans la nuit du 24 au 25 mai. En état d’ébriété, le chef d’établissement et son adjoint gestionnaire se sont introduits dans la chambre de l’une des deux assistantes d’ éducation, affectée à la surveillance de nuit dans l’internat, et ont eu des gestes déplacés à son encontre. Auparavant, ils avaient tenté de pénétrer de force dans la chambre de la première.

Les deux personnes mises en cause actuellement en arrêt maladie

Les surveillantes ont porté plainte le lendemain et une enquête a été ouverte pour violation de domicile et agression sexuelle, a indiqué le parquet de Bobigny.

Le principal adjoint a adressé jeudi un courrier aux parents pour les informer qu’un « incident sérieux » s’était produit dans l’enceinte de l’établissement. « Il ne concerne que des personnels et aucun élève n’a été mis en danger, à aucun moment », a assuré le responsable dans le courrier.

Le rectorat a indiqué que les deux mis en cause étaient actuellement en arrêt maladie et que les deux surveillantes bénéficiaient de la protection fonctionnelle et d’un accompagnement.

Des médias aveugles et silencieux (1) Jean-Jacques BOURDIN ne s’intéresse pas aux petits Harvey WEINSTEIN de l’Education Nationale.

Ce matin, sur BFMTV, Jean-Jacques BOURDIN reçoit une fois de plus le Ministre de l’Education Nationale Monsieur Jean-Michel BLANQUER. Tout en vaquant à mes activités, j’écoute avec plus ou moins d’attention les échanges, connaissant bien l’écart énorme entre les beaux discours et la réalité du terrain.

L’émission télé s’achève mais le journaliste invite les téléspectateurs à suivre à la radio, sur RMC, la suite de l’entretien. Et à poser des questions au Ministre.

Chiche ? 9h00, je cherche le site me permettant d’écouter RMC en direct. Un numéro de téléphone : le 32 16. Je le compose et un standardiste me demande d’exposer ma question. Il prend note de mes coordonnées et me dit qu’on me rappellera peut-être avant 9h30. « Peut-être »… Mouais… 

 

es.jpg

9h05 mon réflexe est de noter par écrit la meilleure façon de poser ma question. Cela donne ceci :

« Bonjour Monsieur le Ministre, bonjour Monsieur Bourdin,

Ma question porte sur les violences faites aux enseignants par leurs supérieurs hiérarchiques.

20 % des enseignants déclarent avoir subi du harcèlement moral au cours de leur carrière, or aucun enseignant n’a jamais gagné un procès contre son supérieur hiérarchique pour des faits de harcèlement moral. Alors que nous sommes 950 000 enseignants.

Il y a un point aveugle de la Justice. Et les textes officiels, les bulletins officiels ne sont jamais appliqués. Dans l’Education nationale, les délits de harcèlement hiérarchique sont systématiquement étouffés, par tradition, que ce soit du harcèlement moral ou sexuel.

Ma question : quand allez-vous briser l’omerta qui règne sur cette question ? (La question des violences faites aux enseignant par leur propre hiérarchie).

Merci Monsieur le Ministre.  »

Pour augmenter les chances que ma question soit sélectionnée, je rappelle le standard. Le standardiste est très professionnel et méthodique. Puisque de suite il m’appelle par mon prénom, avant même que j’ouvre la bouche (grâce à l’affichage de mon numéro de téléphone, bien sûr). Je lis donc la question mot pour mot. « On va essayer de vous rappeler avant 9h30 ». Je n’y crois guère mais au moins j’aurais une fois de plus tenté de faire bouger les choses. Bien sûr dans mon interpellation je n’entre pas dans les détails et ne précise pas que j’ai déjà écrit au Ministre et à ses prédécesseurs à ce sujet. Sans jamais que cette question des violences faites aux enseignantes et aux enseignants n’ait suscité le moindre intérêt de ces responsables politiques… Najat VALLAUD BELKACEM, dans ce domaine, s’est vraiment montrée en dessous de tout, au vu des éléments détaillés dont étaient parfaitement informés chaque membre de son équipe, chaque membre de son cabinet ministériel et chaque membre de son secrétariat.

naja

 

Vers 9h25 Jean-Jacques BOURDIN pose lui-même la question de l’intérêt des écrans avant l’âge de 7 ans. Très bonne initiative de ce journaliste. Le travail du COSE finit par payer ! Mais je comprends que ce n’est toujours pas aujourd’hui qu’un journaliste mettra la lumière sur ce sujet tabou des violences faites aux enseignants et aux divers personnels de l’Educ’Nat’. Ah là là ma pauvre Lucette…

Je rappelle donc le standard en demandant de faire remonter ma déception à l’équipe qui choisit les questions de Jean-Jacques BOURDIN, et dans la foulée j’envoie un petit mot via la messagerie interne du site de RMC afin qu’une autre fois, ce thème soit enfin abordé.

Pour que la chose soit un peu plus prise au sérieux, rien de mieux que d’ouvrir une nouvelle rubrique sur ce blog : « Des médias aveugles et silencieux ». Et puisque l’équipe de travail entourant Jean-Jacques BOURDIN aime les titres accrocheurs qui font « vendre », allons-y dans la recherche de l’accroche et de l’émotion : « Jean-Jacques BOURDIN ne s’intéresse pas aux petits Harvey WEINSTEIN de l’Education Nationale ».

1507507172564.jpg

 

A suivre…

Pierre-André DIONNET

Viols et pédophilie dans l’Education Nationale (17) Plus de 100 accusatrices ont brisé l’Omerta protégeant Harvey WEINSTEIN … pendant qu’en France, les rectorats continuent de faire taire victimes, témoins, et lanceurs d’alerte.

                Aujourd’hui les médias bruissent du nouvel épisode de l’Affaire Harvey WEINSTEIN. Le fameux producteur de cinéma s’est rendu de lui-même au Commissariat de Police de Manhattan. Il en est ressorti après dépôt d’une caution d’un million de dollars.

En France, l’Education Nationale a parfaitement pris la mesure des effets de #metoo et #balancetonporc. Les cellules juridiques de chaque rectorat sont prêtes à réagir au plus vite, en muselant la plupart des victimes, les témoins et les lanceurs d’alerte qui auraient l’idée saugrenue de fissurer l’Omerta concernant tel pédophile dans telle école, tel violeur dans tel lycée, tel principal qui dans son collège cumule harcèlement sexuel et harcèlement moral. Des plaintes pour diffamation, des mises à pied et de lourdes sanctions administratives pour des fautes imaginaires devraient permettre de mettre au pas tout ces idéalistes et ces irresponsables. Il ne s’agirait pas de ternir l’image de l’institution scolaire, ni celle de ses dévoués Barbarin.

Même si les magistrats n’acceptent pas tous de se laisser instrumentaliser, et encore moins de consolider la Culture de la Complicité à l’oeuvre depuis des décennies dans l’institution scolaire, on arrivera bien à briser les fortes têtes et à faire des exemples. Silence, dans les rangs ! « L’Ecole de la Confiance » est en marche !  

S’il fallait demander des comptes à toutes les personnes qui, dans les Inspections Académiques, dans les Rectorats, et au Ministère de l’Education Nationale, ont toléré, voire indirectement facilité, le comportement de prédateur sexuel de tel instituteur ou les délits de harcèlement de tel Zoubinar, il faudrait tripler le budget de la Justice en France. Et il y aurait au passage pas mal de mandats syndicaux à pourvoir du jour au lendemain. 

Est-ce une raison, pour autant, pour s’acharner sur les lanceurs d’alerte ? Tiens, cela me fait penser que je n’ai pas reçu de réponse à mes derniers courriers adressés ici et là… Je ne la voyais pas comme cela, « L’Ecole de la Confiance »

A suivre…

Pierre-André DIONNET

 

 

*********************************************************************

*********************************************************************

Ci-dessous : article du Nouvel Obs, 25 mai 2018.

https://agir.carefrance.org/petition-violencezero-m/?idMbz=4873036&md5=d863c38c7811e2e7f9a84e2ce575d595&idcampagne=2

*********************************************************************

*********************************************************************

 

Harvey Weinstein inculpé d’un viol et d’une agression sexuelle

Harvey Weinstein inculpé d'un viol et d'une agression sexuelle
Le producteur déchu Harvey Weinstein, accusé par des dizaines de femmes d’agressions sexuelles, s’est présenté vendredi à un commissariat du sud de Manhattan. (SPENCER PLATT / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

L’ex-producteur, qui plaidera « non coupable », a été relâché contre une caution d’un million de dollars cash.

Par L’Obs

Il a été accueilli par des dizaines de caméras : sept mois après les premières accusations d’abus sexuels contre lui, l’ancien producteur de cinéma Harvey Weinstein s’est présenté ce vendredi 25 mai dans le commissariat de Manhattan. Longtemps vénéré dans le monde du cinéma,  l’ex-producteur a dans la foulée été inculpé pour un viol et une agression sexuelle, sur deux femmes distinctes, selon la police new-yorkaise, qui n’a pas donné plus de détails.

Le nom de la victime du viol, en 2013, n’a pas été révélé. Les faits ayant entraîné l’inculpation pour agression sexuelle remontent quant à eux à 2004. Le producteur avait alors forcé une jeune actrice, Lucia Evans, à lui faire une fellation.

Le producteur déchu a été remis en liberté quelques minutes après son inculpation, moyennant une caution d’un million de dollars cash, le port d’un bracelet électronique et la remise de son passeport aux autorités. Les conditions de sa remise en liberté ont été définies lors d’une brève audience devant un juge de Manhattan, conformément à un accord trouvé au préalable entre le procureur de Manhattan et son avocat, Ben Brafman.

Son avocat a par ailleurs précisé qui plaiderait « non coupable ».

Plus d’une centaine de femmes, dont les actrices Angelina Jolie, Gwyneth Paltrow, Rose McGowan ou Asia Argento, ont affirmé qu’il avait abusé d’elles sexuellement, des accusations qui vont du harcèlement au viol. Pour elles, sa présentation devant la justice new-yorkaise est une première victoire. « J’avais perdu espoir de voir notre violeur rendre des comptes devant les tribunaux », a réagi Rose McGowan jeudi soir. Elle est l’une des premières femmes a avoir accusé Harvey Weinstein. Sur Instagram, elle écrit :

« Aujourd’hui, nous avons fait un pas de plus vers la justice. »

« Que son arrestation donne de l’espoir à toutes les victimes et les survivants qui, partout, disent la vérité », ajoute-t-elle.

https://www.instagram.com/p/BjLRgGRAzuJ/embed/captioned/?cr=1&v=8&wp=571&rd=www.nouvelobs.com#%7B%22ci%22%3A0%2C%22os%22%3A40631.1%7D

« Les autres victimes et moi-même nous réjouissons et prions pour que personne ne sous-estime jamais le pouvoir des femmes lorsqu’elles se lèvent ensemble et crient la vérité », a aussi réagi la journaliste américaine Lauren Sivan. Elle avait raconté avoir été agressée par le producteur au début de sa carrière.

L’actrice Asia Argento a simplement écrit « BOOM ». « En 1997, j’ai été violée par Harvey Weinstein ici à Cannes », avait-elle déclaré lors de la cérémonie du clôture du dernier Festival de Cannes, le 19 mai.

« Justice », a aussi tweeté l’actrice Mira Sorvino, harcelée par Harvey Weinstein dans les années 1990.

« C’est super cathartique pour beaucoup de victimes », a réagi Tarana Burke, fondatrice du #MeToo :

« Nous assistons peut-être à un changement dans la façon dont les affaires de violences sexuelles sont traitées. »

Si la bataille judiciaire ne fait que commencer, Weinstein est depuis longtemps déchu. The Weinstein Company, le studio cofondé avec son frère Bob, a été attaqué en justice pour avoir toléré, voire facilité, le comportement de prédateur sexuel du producteur. Il a été mis en liquidation judiciaire.

Quant à sa femme, Georgina Chapman, une styliste britannique ayant cofondé la maison Marchesa et avec laquelle il a deux enfants, elle l’a quitté dès les premières révélations. Leur divorce est censé être imminent.

(Avec AFP)

L'Obs

L’Obs

La parole aux victimes (0) Bientôt une nouvelle rubrique : Témoignages de victimes de la « Culture de la Complicité » dans l’Education Nationale.

 

                   Bientôt une nouvelle rubrique sur ce site. Avec la publication de témoignages de victimes de la Culture de la Complicité à l’oeuvre dans l’Education Nationale. Actes pédophiles ; viols ; violences ; harcèlement hiérarchique sexuel ou moral ; propos discriminants, sexistes, racistes ou homophobes ; etc. : quand l’administration et l’institution scolaire ferment les yeux et couvrent criminels et délinquants…

Les témoignages postés seront anonymisés. C’est-à-dire qu’on ne donnera pas ici le nom des Zoubinards ( = les chefaillons violeurs, canapé-promoteurs, tripoteurs, harceleurs, déconneurs sans honneur, et autres supérieurs-hiérarchiques-pas-à-la-hauteur…). On ne donnera pas non plus l’identité des bienveillants barbarins qui accompagnent et protègent les Zoubinards. Ni celles de leurs victimes. Par contre, les faits seront assez sourcés et précis pour que puissent être éventuellement dévoilés, ultérieurement et en dehors de ce site, les informations permettant – par exemple – de prouver que tel fonctionnaire SAVAIT mais qu’il n’a rien fait, sinon menacer telles victimes et leur faire perdre leur emploi.

Le premier témoignage publié ici dans quelques jours prendra le contre-pied des idées véhiculées par les imbéciles qui aimeraient que ce site soit contraint de disparaître. A suivre…

Pierre-André DIONNET

 

ba8d541c-phpinihrp

COSE toujours ! (10) « Avec l’école numérique, nous allons élever nos enfants « hors-sol », comme des tomates » : Philippe BIHOUIX en 2016…

Septembre 2016, Philippe BIHOUIX publie Le Désastre de l’Ecole numérique. Les responsables politiques; les décideurs du Ministère de l’Education Nationale, des rectorats et des inspections académiques; les chefs d’établissement ébaubis; les professeurs-moutons fâchés avec les livres et avec le savoir ne pourront pas dire demain : « On ne savait pas… ». 🙂

Pierre-André DIONNET

*********************************************************************

*********************************************************************

Ci-dessous, entretien réalisé par Noémie ROUSSEAU, Libé, 2 septembre 2016.

*********************************************************************

*********************************************************************

Interview

Philippe Bihouix : «Avec l’école numérique, nous allons élever nos enfants « hors-sol », comme des tomates»

Par Noémie Rousseau, Dessin Sylvie Serprix
 

L’ingénieur et essayiste jette un pavé dans la cour de l’école. Non, le numérique ne permet ni d’apprendre mieux, ni de lutter contre les inégalités. Il est même nuisible à l’acquisition des fondamentaux, fait perdre le goût de l’effort et met en péril le métier d’enseignant.

Conformément au plan numérique pour l’éducation, lancé en mai 2015 par François Hollande, 175 000 collégiens et écoliers ont fait leur rentrée avec une tablette. Grâce à des «méthodes d’apprentissage innovantes», il promet de «favoriser la réussite scolaire», de «former des citoyens responsables et autonomes», de «préparer aux emplois digitaux de demain». Voilà un siècle que des technologies toujours plus en pointe se succèdent dans les classes, promettant inlassablement de révolutionner l’école. Mais le miracle n’a pas eu lieu. Et il ne se produira pas, prévient d’emblée Philippe Bihouix dans son nouvel essai le Désastre de l’école numérique (Seuil). Les résultats douchent systématiquement les espérances, et pourtant la course à l’équipement continue, onéreuse et nocive. Avec l’enseignante Karine Mauvilly, l’ingénieur et essayiste veut «jeter un pavé dans la mare», «ouvrir le débat», à l’heure où l’autre défi de la rentrée, c’est de laisser les Pokémon au portail des établissements scolaires.

En quoi l’école numérique est-elle un «désastre» ?

Elle est née sous une «mauvaise étoile» (de l’italien disastro), celle du besoin compulsif d’innover à tout prix, de la fascination naïve pour la technique et la nouveauté. Elle est une défaite, celle du «combat» pour une école plus juste : la fuite en avant numérique est d’abord le signe de l’échec de décennies de réformes du système scolaire. On n’a plus que ça à proposer, la technologie pour panser toutes les plaies du système scolaire.

Le plan numérique pour l’école serait d’abord idéologique…

Il s’inscrit dans cent cinquante ans d’utopies technopédagogiques. A chaque problème, sa promesse. Professeurs, vos élèves sont dissipés ? Les outils vont permettre d’augmenter la motivation, l’envie d’apprendre, la concentration. Le niveau baisse ? Le numérique transformera vos élèves en premiers de la classe, bosseurs, persévérants, collaboratifs, meilleurs aux examens. Certains sont en décrochage scolaire ? Une pédagogie interactive et ludique leur redonnera confiance, à leur rythme. Sans compter qu’en fournissant à tous les équipements et des ressources pédagogiques enrichies, on luttera contre les inégalités.

Le débat a déjà eu lieu, il y a eu une concertation en amont…

Oui mais elle a été conduite au pas de charge, avec un questionnaire en ligne et 150 rencontres dans les académies, le tout plié en à peine sept semaines début 2015. Pour «mobiliser les acteurs locaux», pas pour discuter la pertinence du numérique à l’école. Il y a eu une phase pilote menée sur quelques centaines d’établissements. Comment prétendre, en un an, sans étude comparative sérieuse, que l’orientation est la bonne ?

Les élèves apprennent-ils mieux avec le numérique ?

Aucune étude ne le démontre. Les rapports officiels eux, s’enchaînent, et ne reculent devant aucune simplification outrancière du type : «Le Danemark réussit à l’école, le Danemark intègre le numérique, donc le numérique permet de réussir.» Et tant pis si l’on sait depuis les Grecs anciens que ce genre de syllogisme est une erreur de raisonnement ; et tant pis s’il y a d’autres facteurs explicatifs dans le système éducatif danois, comme la pédagogie active : quand l’élève ne fait pas que recevoir mais produit son propre contenu, réutilise, remâche. Mais ce n’est pas nouveau, cela date de Freinet, des années 20. Même le rapport Pisa 2015, produit par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui est très pro-numérique, révèle que plus on est exposé aux écrans et moins on comprend les textes écrits.

Au moins permet-il de réduire les inégalités…

La fracture numérique s’est inversée. Le taux d’équipement est supérieur chez les enfants de milieux défavorisés. Ils sont équipés plus jeunes, et ont plus souvent l’ordinateur ou la télévision dans leur chambre, alors que dans les milieux plus aisés, les parents limitent le temps d’écran, retardent l’arrivée du portable. L’école numérique exige aussi un suivi parental plus appliqué, comme avec la «classe inversée», où il s’agit de visionner une vidéo à la maison, puis de consacrer le cours lui-même à des approfondissements ou des exercices. Tous les élèves ne regarderont pas la vidéo de la même façon : certains seront concentrés, accompagnés par leurs parents ; d’autres la regarderont d’un œil, en surfant en parallèle sur les réseaux sociaux. La pédagogie sur écran ne fera pas reculer le phénomène de reproduction sociale. Lutter vraiment contre les inégalités, ce n’est pas fournir des tablettes mais offrir des cours de violon, de théâtre…

La technologie elle-même n’est jamais remise en question, c’est toujours la faute de son environnement.

Une technologie chasse l’autre, les lanternes magiques d’Alfred Molteni, le cinématographe et les «machines à enseigner», etc. Les excuses sont toujours les mêmes : c’est parce qu’on n’a pas déployé assez vite, assez fort, que les profs n’ont pas été assez formés, qu’on n’a pas mis assez de contenu à disposition… Aujourd’hui, on est convaincu que cela marchera puisque les ressources numériques sont illimitées, comme si l’échec scolaire pouvait être associé à la pauvreté des manuels ! La voie de l’équipement en matériel est toujours privilégiée. Mais cette approche, qui consiste à installer voire imposer une technologie, puis à chercher ensuite à quels problèmes d’éducation elle pourrait bien servir, a systématiquement échoué.

Quels citoyens l’école numérique forme-t-elle?

On n’apprend plus de leçons par cœur, mais on accepte de sous-traiter sa connaissance et sa culture aux moteurs de recherche. Les promoteurs du numérique parlent de «faire tomber les murs de l’école», d’«habiter le monde». Mais avant, il faut peut-être partir d’une base stable, d’une connaissance solide, commencer par comprendre son territoire. L’école numérique, c’est un projet de déconnexion toujours plus grande de l’homme d’avec son milieu naturel. Nous allons élever des enfants «hors-sol», comme nos tomates insipides! Avec le numérique, on ne promeut plus l’effort : face au découragement, l’école doit devenir ludique, gamifiée, l’enseignement doit être fun, les profs sympas. On ne laisse plus de place au hasard, à l’ennui, à l’apprentissage de la patience, de la lenteur, de la réflexion : tout doit devenir rapide, efficace, on veut tout, et tout de suite. L’école doit se consommer, comme le reste. Et tant pis pour les futurs poètes que l’ennui guidait parfois vers le ballet des feuilles d’automne. L’école moderne doit former des managers ou des chauffeurs «uberisés», pas des poètes.

L’école deviendrait même nocive…

La surconsommation d’écrans entraîne une addiction, des troubles du sommeil, de l’hyperactivité, un sentiment de mal-être. Les enfants sont déjà hyperconnectés, dans une sursollicitation permanente, et l’Education nationale veut encore ajouter du temps d’écran ? L’école valide, alors pourquoi les parents s’inquiéteraient ? Cela crée même un besoin. Par crainte que leur enfant ne soit pénalisé, les parents achètent des ordinateurs, imprimantes, tablettes… La prescription technologique est très forte.

C’est un juteux marché…

Derrière ce siècle de technologies à l’école, il y a toujours les fabricants. Aujourd’hui c’est Microsoft et ses logiciels. L’équipement en tablettes pour tous les lycéens et collégiens, cela représente jusqu’à 13 % du marché français. L’élite politique, en proie à la tyrannie du benchmark et des comparaisons internationales, craignant de paraître ronchonne ou grincheuse, ne s’oppose pas, par définition, à la modernité, à l’école du XXIe siècle. Mais d’un côté, on éduque nos enfants au développement durable et de l’autre, on leur met entre les mains des objets qui deviendront des déchets électroniques ingérables dans trois ans. Car l’empreinte écologique du numérique est forte, loin de l’illusion d’immatérialité. Avec les milliards d’euros du plan numérique, on pourrait créer des postes d’enseignant, ou augmenter leur salaire, acheter des instruments de musique, du matériel artistique…

Il faut aussi comprendre les parents, angoissés par le chômage des jeunes.

Oui, mais est-ce en leur donnant des cours de programmation en primaire qu’on inscrira mieux les jeunes dans le monde de demain, numérisé, globalisé, précarisé ? Qui est capable de dire à quoi ressemblera le numérique dans quinze ans ? Je sais utiliser un ordinateur et Internet alors que je n’en avais pas au collège. Ce n’est pas très compliqué d’apprendre tout ça sur le tard. C’est beaucoup plus difficile pour l’orthographe et la grammaire. Ne pas savoir lire correctement avant 25 ans risque de faire rater un certain nombre d’opportunités. Et la prise de notes manuscrites permet de consigner des idées, de mémoriser, de reformuler avec ses propres mots quand le clavier incite à la paraphrase.

Le métier d’enseignant a-t-il changé avec le numérique ?

Les profs doivent trouver des vidéos sur Internet et les télécharger, installer le matériel, le faire marcher, remplir le cahier de texte électronique, enregistrer les cours pour les vidéos de «classes inversées». Ils deviennent des robots qui cochent des items sur des logiciels. Leurs outils de travail se sont dématérialisés, leur vie professionnelle jargonisée. Et encore, ce n’est que le début. Bientôt les élèves auront accès au cours de n’importe où et pourront communiquer en temps réel avec leur enseignant. L’horizon, c’est de ne plus jamais débrancher. La question de la productivité des professeurs a toujours été sous-jacente au déploiement de la technologie à l’école. Dès les années 1910, aux Etats-Unis, les disciples de Frederick Taylor sont envoyés dans les classes, chronomètre en main, tandis que de son côté, Thomas Edison promet de passer à «100 % d’efficacité» avec les films éducatifs, contre 2 % pour les livres… Les textes officiels, prudents aujourd’hui, soulignent le rôle formidable des profs, devenus «catalyseurs d’intelligence collective», transformés en ingénieurs pédagogiques. Mais il est déjà envisagé, à terme, de rééquilibrer e-learning et présentiel, c’est-à-dire de mettre moins de profs et des cours sur ordinateur. Dans les pensionnats huppés de Suisse, aux Etats-Unis ou en Angleterre, c’est le contraire : il y a plus de profs par élève que dans nos écoles de la République.

L’école est tout de même utile pour apprendre aux élèves à déjouer les manipulations du Web, le complotisme…

Nous ne contestons pas qu’il faille éduquer AU numérique. Mais là, il est question d’éduquer PAR le numérique, la pédagogie est bousculée dans l’ensemble des matières.

Il faudrait revenir en arrière ?

Non, il s’agit de découpler numérique et innovation, réinventer une école libérée des écrans. Les enseignants doivent reprendre confiance dans leur supériorité sur la machine. Ce sont eux, les vraies «ressources illimitées», pas les logiciels de Microsoft et Google !

A quoi ressemble votre école sans écran ?

Elle assure les fondamentaux au lieu de proposer une scolarité papillonnante – à l’image de notre société du «multitâches». C’est une école où l’on retrouve le goût de l’effort, lieu d’apprentissage de savoirs parfois barbants, et pas seulement un lieu magique de découverte. Parfois même, on s’ennuie un peu, on lit des livres en papier et l’informatique est une matière comme une autre, pas un vecteur pédagogique, enseignée à partir du lycée seulement. Cette école re-missionnerait les familles sur l’éducation. Nos enfants ne sont pas des digital natives : ils n’ont pas un portable à l’oreille en naissant et ne parlent pas naturellement le langage SMS. On ne naît pas digital, on le devient ! C’est nous, les parents, et bientôt l’institution scolaire, qui leur transmettons notre addiction. 

Photo Hermance Triay

Noémie Rousseau Dessin Sylvie Serprix

LE DÉSASTRE DE L’ÉCOLE NUMÉRIQUE de PHILIPPE BIHOUIX et KARINE MAUVILLY Seuil, 240 pp., 17€.

Donne-moi le bac d’abord ! (5) Et donne-moi une licence, dans la foulée ? Plus de 400 enseignants-chercheurs dénoncent la réforme de l’accès à l’Université.

               Une tribune fort intéressante, signée de 400 enseignants-chercheurs et publiée sur France Info, permet de (re)situer avec pertinence une partie des débats et des enjeux qui font l’actualité ces jours-ci. L’éclairage est précieux. Rien de surprenant à cela, il est impossible que la qualité de la prise de parole d’un aussi important groupe d’universitaires français ne relève pas la hauteur des discussions.

Oui, les enseignants ont pour rôle, entre autres, de hisser les élèves, d’ « élever » le plus haut possible les étudiants, de permettre que soient atteints par le plus grand nombre les plus grands niveaux d’instruction. Faire en sorte que se développent et s’expriment au mieux les potentialités de ceux qu’un verbiage meyrieusien pédagogolisant nomme pompeusement les « apprenants ». Donc, c’est entendu, et c’est une évidence qu’il est bon – aussi – de rappeler, la faculté ne doit pas recevoir uniquement des profils dont on est à peu près certain qu’ils réussiront. Et il est tout à fait exact qu’un des plus grands bonheurs, une des plus grandes joies, une des plus grandes satisfactions d’un professeur est de permettre à ses élèves d’atteindre les degrés les plus élevés possibles d’instruction, d’éducation, de formation, de pratiques et de connaissances.

Ceci posé, un des présupposés exprimé dans cette tribune peut laisser perplexe…  Le baccalauréat est ici présenté comme «  le degré minimum  » pour réussir des études supérieures. Qu’en est-il, sans langue de bois ? Dans les faits, l’obtention du bac’ est exigée pour toute inscription en faculté ou en I.U.T. Techniquement, administrativement, concrètement, cela reste un seuil à franchir. Mais, en 2018, ce diplôme garantit-il encore que potentiellement son détenteur soit armé pour réussir en licence ? Bien sûr que non, c’est de moins en moins vrai, hélas… La question peut-elle être aussi radicalement évacuée, au motif qu’un élève aujourd’hui en jachère puisse demain se révéler en fac’, et que la figure du lycéen-glandeur-pouvant-se-révéler-un-excellent-étudiant-une-fois-plongé-dans-le-supérieur doive être préservée ? Oui, donner sa chance à chacun est un principe à défendre, mais armer en amont les futurs étudiants reste incontournable, essentiel, primordial, et le nier serait verser dans un profond démagogisme. Puisque le baccalauréat n’est plus un élément « filtrant », faut-il cruellement attendre la fin d’un cursus universitaire pour opérer une sélection refusant de dire son nom ?

Impossible de perdre de vue qu’il serait malvenu et peu délicat dans une telle tribune de rejeter la faute de l’échec massif en première année de faculté sur… le lycée – donc sur la médiocrité des exigences réelles, sur l’insuffisance des conditions réelles d’obtention du baccalauréat. De même que les professeurs du lycée auraient facilité à fustiger leurs collèges de collège, et ces derniers de prendre comme boucs-émissaires les professeurs des écoles et autres instituteurs. L’ultime « maillon faible » responsable réellement de l’échec scolaire serait la famille, dans cette perspective. Botter en touche, toujours plus loin… L’Ecole n’a jamais aussi mal joué son rôle d’ascenseur social, depuis un siècle. Pourquoi ? La massification de l’enseignement est une excellente chose, tant qu’elle n’entraîne pas un nivellement massif par le bas. Or le niveau global de recrutement des enseignants du primaire et du secondaire a chuté ces dernières années, c’est une réalité. Et ce n’est là qu’une des moindres raisons pour lesquelles, de fait, le niveau réel des bacheliers est en baisse constante depuis presque quatre décennies, n’en déplaise aux hypocrites de tous poils dénonçant à tout-va de prétendues visions « déclinistes ». Ceux qui nient ce réel, ceux qui nient à quoi correspond le piètre classement de la France dans les études PISA sont bien souvent (mais est-ce un hasard ?) les responsables de l’effondrement – de l’intérieur – de notre système scolaire. Plutôt que de plastronner et pérorer dans les médias, Eric DEBARBIEUX et ses arrogants copains pédagoliens chantres de la fausse « bienveillance » devraient piteusement se cacher au fin fond d’une masure perdue dans les bois, trop heureux de ne pas avoir à rendre de comptes sur les calamités dont ils sont fautifs et dont le pays n’est pas près de se relever. Mais revenons à un fil de pensée d’une toute autre hauteur de vue que l’évocation de ces irresponsables Diafoirus payés par un Etat aveuglé qu’ils minent méthodiquement et dont ils plombent dangereusement l’avenir.

Les signataires de cette tribune se gardent bien d’évoquer les réalités de l’enseignement secondaire et peut-on le leur reprocher ? Ils ont bien assez, dans le cadre de cette courte tribune, de contextualiser quelques enjeux des débats actuels sur l’enseignement supérieur. Mais n’aurait-ce pas été faire preuve de « solidarité » avec les professeurs de lycée, de rappeler – par exemple – que grandit chaque année le fossé entre les exigences scolaires  lors de l’année de Terminale, et les critères réels de sélection et de réussite au baccalauréat ? Ceci alors qu’est étouffée la voix des correcteurs qui protestent et peinent à faire savoir auprès des futurs étudiants à quel point les barèmes de notation du bac’ peuvent désormais être remontés, truqués, falsifiés, bidonnés ? Je le répète, la massification de l’enseignement est une excellente chose, tant qu’elle n’entraîne pas un nivellement massif par le bas. Est-il toujours possible, sur le tard, de rattraper ou compenser réellement ce qui aurait dû s’imprégner dès le plus jeune âge, s’ancrer dans l’enfance, puis s’affermir à l’adolescence ? Sans doute est-ce préférable, oui, après tout, de laisser au plus grand nombre la possibilité, à 20 ans ou à tout âge, de se lancer éperdument dans cette recherche du temps perdu.

Pierre-André DIONNET

 

====================================================================

====================================================================

Ci-dessous, tribune de 400 enseignants chercheurs, France Info, 10 avril 2018 : https://www.francetvinfo.fr/choix/tribune-une-selection-absurde-plus-de-400-enseignants-chercheurs-denoncent-la-reforme-de-l-acces-a-l-universite_2693044.html

====================================================================

====================================================================

 

 

TRIBUNE. « Une sélection absurde » : plus de 400 enseignants dénoncent la réforme de l’accès à l’université

Sélection qui ne dit pas son nom, manque de places dans les facs… Des enseignants dénoncent sur franceinfo la réforme de l’université.

Des étudiants empêchent l\'accès au site de Tolbiac de l\'université Paris-I Panthéon-Sorbonne, dans le 13e arrondissement parisien, le 29 mars 2018.
Des étudiants empêchent l’accès au site de Tolbiac de l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, dans le 13e arrondissement parisien, le 29 mars 2018. (JEROME CHOBEAUX / CROWDSPARK)

A Paris, Lille, Rouen… Ils ne sont plus étudiants, mais eux aussi appellent au retrait de la loi Orientation et réussite des étudiants (ORE), et de sa fameuse plateforme Parcoursup. Lundi 9 avril, certains enseignants de Paris 1 Panthéon-Sorbonne ont reconduit la grève votée jeudi, apportant leur soutien aux étudiants qui bloquent depuis plusieurs jours le site de Tolbiac. Leurs collègues de Lille menacent, quant à eux, de ne pas examiner les candidatures des futurs bacheliers souhaitant intégrer une filière universitaire. Dans une tribune à franceinfo, 425 enseignants dénoncent une « réforme absurde » et expliquent pourquoi ils soutiennent les étudiants contestataires. Ils s’expriment ici librement. 


Nous, enseignants à l’université, soutenons et accompagnons les étudiants dans leur contestation de la loi Orientation et réussite des étudiants (ORE) et de Parcoursup depuis le début de leur mouvement.

Notre prise de position s’explique d’abord par notre rejet de toute forme de sélection à l’entrée de l’université. Or, la nouvelle loi instaure une sélection hypocrite. D’un côté, les responsables gouvernementaux refusent catégoriquement d’utiliser ce mot. Mais, de l’autre, on nous demande de classer les candidatures de sorte qu’un couperet tombera une fois les capacités d’accueil des filières saturées. Parcoursup est en effet conçu de telle façon qu’on ne peut y introduire des ex æquo, sauf à déployer des trésors d’ingéniosité informatique.

« Un mode de sélection se substitue à un autre »

Le gouvernement défend sa loi en invoquant une politique d’orientation destinée à pallier les échecs en premier cycle. Mais il ne donne aucun moyen pour mettre en place les cours de mise à niveau, dont il annonce unilatéralement la mise en place.

L’affirmation récente de Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, qui évoque un milliard d’euros destiné à la refonte du premier cycle est une « fake news » – c’est-à-dire, en réalité et en français, de la propagande.

Des enseignants d’université à franceinfo

Un milliard d’euros représente 7,5% du budget total 2018 de l’Enseignement supérieur (13,4 milliards d’euros). Une dotation supplémentaire d’un milliard d’euros, rien que pour le premier cycle, devrait être largement visible, ce qui n’est pas le cas. Et, à notre connaissance, aucune loi rectificative du budget n’est annoncée.

Autre argument utilisé par le gouvernement : rien ne serait pire que le tirage au sort pratiqué l’année dernière via le logiciel admission post-bac (APB) pour 1% des bacheliers dans les filières en tension. En réalité, le système APB a révélé l’impossibilité d’accueillir tous les étudiants, faute de place et de moyens. En juillet 2017, le ministère a reconnu que 87 000 demandes d’inscription n’étaient pas satisfaites, soit plus du quart du total des nouveaux entrants à l’université en 2016 ! Le fait qu’un mode de sélection (sur dossier, pour tous les bacheliers) se substitue à un autre a pour objectif presque avoué de différer, sinon d’écarter dans l’immédiat, un certain nombre de candidats.

Le problème posé par le nombre de candidatures n’a pas disparu. Au contraire, on sait, pour des raisons démographiques, qu’il va se tendre davantage. L’année 2018-2019 correspond au baby boom de l’an 2000 et se traduit par une explosion démographique prévisible depuis longtemps.

Le gouvernement préfère la sélection au financement des universités à la hauteur des besoins.

Des enseignants d’universitéà franceinfo

Or, toute la politique du gouvernement est fondée sur la volonté de ne pas donner davantage de moyens à l’Enseignement supérieur, malgré les difficultés auxquelles il est confronté depuis des années.

« Elever le niveau de ceux qui ne l’ont pas encore »

Si nous soutenons les étudiants, c’est enfin parce que nous assistons, impuissants, à une inexorable dégradation de l’enseignement supérieur depuis une vingtaine d’années. Les dix dernières années ont été marquées par la réduction drastique des budgets et le gel des créations de postes à l’université. N’oublions pas que la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) de 2007 a donné lieu en 2009 à une grève de plusieurs semaines dans l’enseignement supérieur, la plus longue jamais enregistrée. Depuis, la situation n’a cessé d’empirer.

Le service public de l’enseignement supérieur se dégrade autant, sinon plus, que celui du transport ferroviaire ou des hôpitaux.

Des enseignants d’université à franceinfo

Il serait vain, nous dit-on, d’accueillir davantage d’étudiants à l’université dès lors qu’ils n’ont pas le niveau. Ce serait un gaspillage des deniers publics ! Mais la finalité de l’Education nationale n’est-elle pas d’éduquer et de former ? Ce qui fait la noblesse de notre métier n’est-il pas d’élever le niveau de ceux qui ne l’ont pas, c’est-à-dire pas encore ? Quel serait notre rôle s’il s’agissait seulement de dispenser des cours à ceux qui n’ont aucun problème et qui ont la chance d’avoir le niveau et d’être doués pour les études supérieures ?

Qui prétendrait avoir trouvé son chemin à 16 ans ou 18 ans comme l’imposent Parcoursup et la loi ORE ?

Des enseignants d’université à franceinfo

L’université est un formidable révélateur de talents, un lieu où s’expérimente l’autonomie, où se développe l’esprit critique. Bon nombre d’étudiants qui ont fait des études brillantes à l’université n’étaient pas des élèves remarquables dans le secondaire et n’ont pas eu une bonne mention au baccalauréat. Auraient-ils été retenus si la sélection s’était appliquée alors ? Pourquoi devrions-nous abandonner ce vivier et renoncer, par une sélection absurde, à donner leur chance à tous ceux qui ont le degré minimum, à savoir le baccalauréat ? La France est-elle riche à ce point de talents avérés pour que les enseignants renoncent à leur vocation première : former, éduquer et faire progresser vers les meilleurs niveaux ?

Signataires : Lyu Abe, Université de Nice Sophia-Antipolis (06), Catherine Adloff, Université Savoie Mont Blanc (74), Thomas Alam, Université de Lille (59), Florence Alazard, Université de Tours (37), Sophie Albert, Université Paris-Sorbonne (75) , Christèle Allès, Université de Nantes (44)   Eric Alliez, Université Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis (93)   Virginie Althaus, Université de Rouen (76)   Charles Alunni, Université Paris 8 (93) / École Normale Supérieure (75)   Maxime Amblard, Université de Lorraine (54)   Virginie André, Université de Lorraine (54)   Armelle Andro, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Saverio Ansaldi, Université de Reims Champagne- Ardenne (51)   Dominique Archambault, Université Paris 8-Vincennes-Saint-Denis (93)   Chantal Aspe, Aix-Marseille Université (13)   Isabelle Aubert, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Marc Bailly-Bechet, Université Nice Sophia-Antipolis (06)   Mohammed Bachir, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Marie-Hélène Bacqué, Université Paris Nanterre (92)   Ludivine Bantigny, Université de Rouen (76)   Sabine Barles, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Christophe Baticle, Université de Picardie Jules Verne (80) Dominique Batoux, Aix-Marseille Université (13) Jauffrey Berthier, Université de Bordeaux Montaigne (33)   Cécile Bianchi, Aix-Marseille Université (13)   Hervé Billard , Université Bretagne occidentale (29) Vincent Béal, Université de Strasbourg (67)   Véronique Beaulande-Barraud, Université de Reims (51)   Eric Beaumatin, Université Paris 3 (75)   Emmanuelle Bénicourt, Université Picardie Jules Verne (80)   Jocelyn Benoist, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, (75)   Christophe Benzitoun, Université de Lorraine (54) Sylvie Bepoix, Université de Franche-Comté (25)   Christian Berner, Université Paris Nanterre (92)   Sandrine Berroir, Université Paris Diderot (75)   Jerôme Berthaut, Université de Bourgogne (21)   Christine Bertrand, Sorbonne Université (75)   Magali Bessone, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, (75)   Bertrand Binoche, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Élodie Blestel, Université Paris 3 (75)   Brigitte Blondet, Université Paris Est Créteil (94)   Géraldine Bois, Université de Lorraine Nancy (54)   Christian Bonnet, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, (75)   Stéphane Bonnéry, Université Paris 8 (93)   Yann Boniface, Université de Lorraine (54)   Yannick Bosc, Université de Rouen (76)   Martine Boudet, Université Toulouse Jean Jaurés (31)    Marion Boudier, Université d’Amiens (80)   Antoine Boulangé, Sorbonne Université (75)   Joël Boulier, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Nicolas Bourgeois, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Chahira Boutayeb, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Vincent Bonnecase, Science po Bordeaux (33)   Corine Bonningue, Université Toulouse 3 (31)   Sylvain Bordiec, Université de Bordeaux (33)   Anne Bory, Université de Lille (59)   Senouci Boucif, Université Haute Normandie (76)   Vanina Bouté, Université de Picardie (80)   Nicolas Bourgoin, Université de Franche-Comté (25)   ​​​Raphaëlle Branche, Université de Rouen (76)   Jean-Baptiste Brenet, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, (75)   Serge Bresson, Université Picardie Jules Verne (80)   Guillaume Bridet, Université de Bourgogne (21)   Olga Bronnikova, Université Grenoble Alpes (38)   Cédric Brun, Université Bordeaux-Montaigne (33)   Mathieu Brunet, Aix Marseille Université  (13)   Isabelle Bruno, Université de Lille (59)   Fanny Bugeja-Bloch, universelle Paris Nanterre (92)   Didier Busca, Université Toulouse Jean Jaurès (31)   Marie Buscatto, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (75)   Mireille Cabané, Université de Lorraine (54)   Florence Cabaret, Université de Rouen (76)   Patricia Caillé, Université de Strasbourg (67)   Ronan de Calan, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Silvia Capanema, Université Paris 13 (93)   Marcel Carbillet, Université de Nice Sophia-Antipolis (06)   Mathilde Carrive, Université de Poitiers (86)   Florent Castagnino, Université Paris Est Marne-la-Vallée (77)   Nicolas Castel, Université de Lorraine (54)   Peggy Cénac, Université de Bourgogne (21)   Olivia Chambard, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (75)   Pierre Chantelot, Université Paris-Est Marne-la-Vallée (77)   Cécile Chapon, Aix-Marseille Université (13)   Sébastien Charbonnier, Université de Lille (59)   Christophe Charle, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (75)   Marie-Claude Charpentier, Université de Franche-Comté (25)   Marie Charvet, Université de Nantes (44)   Rudy Chaulet, Université de Franche-Comté (21)   Nathalie Chauvac, Université Toulouse Jean Jaurès (31)   Gilda Charrier, Université de Bretagne Occidentale (29)   Marie Chenet, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Marion Chottin, IHRIM CNRS (69)   Verene Chevalier, Université Paris Est Créteil (94)   Pierre Clement, Université de Rouen (76)   Mickaël Clévenot, Université de Bourgogne-Franche-Comté (21)   Robert Coale, Université de Rouen-Normandie (76)    Deborah Cohen, Université de Rouen (76)   Michèle Cohen-Halimi, Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis (93)   Beate Collet, Sorbonne Université (75) Jean-Baptiste Comby, Université Paris 2 (75)   Hadrien Commenges, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Carlos Conde Romero, Université de Lorraine (54)   Laurence Corbel, Université Rennes 2 (35)   Paula Cossart, Université de Lille (59)   Sandrine Costamagno, Université Toulouse Jean Jaurès (31)   Christel Coton, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Marie Cottrell, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Laurent Coudroy de Lille, Université Paris Est Creteil (94)   Saskia Cousin, Université Paris Descartes (75)   Nathalie Coutinet, Université Paris 13 – Villetaneuse (93)   Natacha Coquery, Université Lumière Lyon (69)   Geneviève Cresson, Université Lille 1 (59)   Hervé Christofol, Université d’Angers (49)   Marie Cuillerai, Université Paris 7-Diderot (75) / Université Paris 8 (93)     Kim Sang Ong Van Cung, Université Bordeaux Montaigne ( 33)   Fanny Darbus, Université de Nantes (44)   Bruno Dauvier, Aix-Marseille Université (13)   Augustin David, Université Paris 8 (93)   Mary David,  Université de Nantes (44)   Eva Debray, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne  (75)   Estelle Deléage, Université de Caen (14)   Christophe Demarque, Aix-Marseille Université (13)   Steeves Demazeux, Université de Bordeaux Montaigne (33)   Marie-Aude Depuiset, Université de Lille (59) Marie-Laure Déroff, Université de Bretagne Occidentale (29)   Elodie Djordjevic, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Université Paris II Panthéon-Assas (75)   Laurence de Cock, Université Paris-Diderot (75)    Hervé Defalvard, Université Paris Est Marne la Vallée (77)   Pierre Deffontaines, Université de Bourgogne Franche-Comté (21)   Delphine Dellacherie, Université de Lille SHS (59)   Fabien Desage, Université Lille 2 (59)   Stéphane Desvignes, Sorbonne Université (75)   Catherine Deville Cavellin, Université Paris Est Créteil (94)   Estelle d’Halluin, Université de Nantes (44)   Petros Diatsentos, Aix-Marseille Université (13)   Sophie Didier, Université Paris-Est Marne-la-Vallée (77)   Stéphane Douailler, Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis (93)   Blaise Douglas, Université de Rouen-Normandie (76)   Milena Doytcheva, Université Lille SHS (59)   Matthias Dressler-Bredsdorff, Sorbonne Université (75)   Isabelle Dubost, Université des Antilles (972)   Pascale Dubus, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Julien Dufour, Université de Lorraine (54)   Stéphane Dufoix, Université Paris Nanterre (92)   Delphine Dulong, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Natalie Depraz, Université de Rouen (76)   Frédéric Dufaux, Université Paris Nanterre (92)  Jean-François Dupeyron, Université de Bordeaux (33)   Pascal Dupuy, Université de Rouen (76)   Florence Eloy, Université Paris 8 (93)   Philippe Enclos, Université de Lille (59) Léo Exibard, Aix-Marseille Université (13)   Corine Eyraud, Aix-Marseille Université (13)   Jean Fabbri, Universite de Tours (37)   Eric Fassin, Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis (93)   Emmanuel Faye, Université de Rouen Normandie (76)   Caroline Fayolle Université de Montpellier (34)   Jocelyne Fernandez-Vest, CNRS / Université Sorbonne-Nouvelle – Paris 3 (75)   Benjamin Ferron, Université Paris-Est Créteil (94)   Etienne Fieux, Université de Toulouse 3 (31)   ​​​​​Catherine Filippi-Deswelle, Université de Rouen (76)   Jérémie Foa, Université Aix-Marseille (13)   Sylvie Fol, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Didier Forcioli, Université de Nice Sophia Antipolis (06)   Sabine Fortino, Université de Paris Nanterre (92)   Eric Fournier, Université Paris-1 (75)   Karine François, Université de Lorraine (54)   Jérémy Freixas, Université de Nantes  (44)   Anne Fretel, Université de Lille 1 (59)   Julien Fretel, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Frédéric Fruteau de Laclos, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, (75)   Muriel Froment-Meurice, Université Paris-Est (94)   Christian Gadchaux, Aix-Marseille Université (13)   Philippe Gajewski Université Paris 8 (93)   Fanny Gallot, Université Paris Est Créteil (94)   Cyril Gallut, Sorbonne Université (75) Edith Galy, Université Nice Sophia-Antipolis (06)   Aline Garnier, Université Paris Est Créteil (94)   Marie Garrau, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   François Gaudin, Université de Rouen (76)   Pierre Gautreau, Université Panthéon Sorbonne (75)   Marie-Dominique Garnier, Université Paris 8 (93)   Nadia Garnoussi, Université de Lille (59)   Jean-Luc Gautero, Université de Nice Sophia Antipolis (06)   Emmanuèle Gautier-Costard, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Katia Genel, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, (75)   Julie Gervais, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne  (75)   Laurence Giavarini, Université de Bourgogne (21)   Pierre Gilbert, Université Paris 8 (93)   Pascal Gillot, Université de Tours (37)   Frédéric Gob, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Mónica González, Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3 (75)   Sylvie Grand’Eury-Buron, Université de Lorraine (54)   Christophe Giudicelli, Université de Rennes (35)   Nicolas Gregori, Université de Lorraine (54) Christophe Grellard, École Pratique des Hautes Études (75)   Tatiana Gründler, Université Paris Nanterre (92)   Florent Guénard, Université de Nantes (44)   Nacira Guénif, Université Paris 8 (93)   Sophie Guérard de Latour, Université Paris-Sorbonne   Bertrand Guillarme, Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis (93)    Michèle Guillemont, Université de Lille (59) Fabien Guillot, Université de Caen Normandie (14)   Didier Guy, Université de Strasbourg (67)   Emilie Hache, Université Paris Nanterre (92)   Hamza Hajji, Université Paris 8 (93)   Berenice Hamidi Kim, Université Lyon 2 et Institut Universitaire de France (69)   Claire Hancock, Université Paris-Est Créteil (94)   Matthieu Hély, Université de Versailles St Quentin en Yvelines (78)   Philippe Henry, Université de Franche-Comté (25)   Céline Hervet, Université de Picardie (80)   Isabelle Hirtzlin, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Jennifer Houdiard, Université de Nantes (44)    Myriam Houssay-Holzschuch, Université Grenoble Alpes (38)   Nicolas Hubé, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Sophie Jallais, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Richard Jacquemond, Aix-Marseille Université (13)   Lionel Jacquot, Université de Lorraine (54)   Chantal Jaquet, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Fançois Jarrige, Université de Bourgogne (21)   Julie Jarty, Université Toulouse Jean Jaurès (31)   Fanny Jedlicki, Université du Havre (76)   Nicolas Jouandeau, Université Paris 8-Vincennes-Saint Denis (93)   Nathalie Jourdan, Sorbonne-Université (75)   Marianne Jover, Université d’Aix-Marseille (13)   Octave Julien, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Tiphaine Karsenti Université Paris-Nanterre (92) Aurélie Knüfer, Université Paul Valéry – Montpellier (34)   Jean-Luc Kop, Université de Lorraine – Nancy (54)   Mustapha Krazem, Université de Bourgogne (21)   Émilie Kurdziel, Université de Poitiers (86)   Gaëlle Lacaze, Sorbonne Université (75)   Jean-Marc Lachaud, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Laurent C.-Labonnote, Université de Lille (59)   Claire Lacour, Université Paris Sud (91)   Fabien Laffont, Université Toulouse 2 (31)   Stéphanie Laguérodie, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Xavier Lambert, Université Toulouse 2 Jean Jaurès (31)   Jean Pierre Lanfrey, Université Aix-Marseille (13)   David Lapoujade, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, (75)   Mathilde Larrere, Université de Paris Est Marne la Vallée (77)   Annie Lacroix-Riz, Université Paris 7 (75)   Nathalie Lebrun, Université de Lille (59)   Amélie Leconte, Aix-Marseille Université (13) Christian Lavault, Université Paris 13 (93)   Sandra Laugier, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Christian Lazzeri, Université Paris Nanterre (92)   Daniel Lebaud, Université de Franche-Comté (25)   Frédérique Leblanc, Université Paris Nanterre (92)   Guillaume Leblanc, Université Paris Est (94)   Eric Lecerf, Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis (93)   Gabienne Leconte, Université de Rouen (76)   Laurence Le Douarin, Université de Lille (59)   Philippe Légé, Université Picardie Jules Verne (80)   Vincent Lhuillier, Université de lorraine (54) Thibault Le Corre, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (75)   Laurent Lemarchand, Université de Rouen (76)   Claire Lemêtre, Université Paris 8 (93)   Emeric Lendjel, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Yann Leredde, Université de Montpellier (34)   Benoît Leroux,  Université de Poitiers (86)   Marie Leroy-Collombel, Université Paris Descartes (75)   Marie-Pierre Lefeuvre, Université de Tours (37)   Enora Le Quere, Université de Rouen-Normandie (76)   Marie Lesclingand, Université de Nice (06)   Clément Lescloupé, Université Paris I Panthéon-Sorbonne (75)   Laurent Lespez, Université de Paris-Est Créteil (94)   Cécile Lefèvre, Université Paris Descartes (75)   Yann Leredde, Université de Montpellier  (34)   Brigitte Lion, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Dany Lionel,  Université d’Aix-Marseille (13)   Olivier Long, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Jean-François Louette, Sorbonne Université (75)   Odette Louiset, Université Rouen Normandie (76)   José Vicente Lozano, Université de Rouen Normandie (76)   Isabelle Luciani, Université Aix-Marseille (13)   Armelle Mabon, Université Bretagne Sud (56)   Yves Macchi, Université de Lille, (59)   Pascal Maillard, Université de Strasbourg (67)   Arnaud Maisetti, Aix-Marseille Université (13) Corine Maitte, Universite Paris-Est Marne-la-Vallée (77)   Christelle Manifet, Université Toulouse Jean Jaurès (31)   Patrice Maniglier, Université Paris Nanterre (92)   Eric Marquer, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, (75)   Jacob Matthews, Université Paris 8 (93)   Benoît Mariou, Université Paris 8-Vincennes-Saint-Denis (93)   Pascal Marry, Université Paris Est Marne la Vallée (77)   Jean-Luc Martine, Université de Bourgogne Franche-Comté (21)   Etienne Matheron, Université d’Artois (62)   Frédérique Matonti, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Nicole Mathieu, CNRS/Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Quentin Meillassoux, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, (75)   Sarah Mekdjian, Université Grenoble Alpes (38)   Bernard Mezzadri, Université d’Avignon (84)   Laure Michel, Sorbonne Université (75)   Catherine Mills, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Christophe Miqueu, Université de Bordeaux Montaigne (33)   Hasnia-Sonia Missaoui, Université de Toulouse Jean Jaurès (31)   Guillaume Mazeau, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Laurence Maurel, Université de Dijon (21)   Christophe Mileschi, Université Paris Nanterre (92)   Olivier Milhaud, Sorbonne Université (75) Benjamin Moignard, université Paris-Est-Créteil (94)   Jeanne Moisand, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (75)   Nicolas Monteix, Université de Rouen (76)   Katell Morand, Université Paris Nanterre (92)   Marie Morelle, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (75)   Olivier Morizot, Aix-Marseille Université (13)   Damase Mouralis, Université de Rouen-Normandie (76) Marie-Hélène Mourgues, Université Paris-Diderot (75)   Caroline Muller Université de Reims (51)   Jennifer Murray, Université de Franche-Comté (25)   Alerto Naibo, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, (75)   Bruno Nazaret, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Emilie Née, Université Paris Est Créteil (94)   Hélène Nessi, Université Paris Nanterre (92)   Frédéric Neyrat, Université de Rouen-Normandie (76)   Alexander Neumann, Université Paris 8 (93)   Bertrand Ogilvie, Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis (93)   Julien O’Miel, Université de Lille (59)   Renaud Orain, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (75)   Jean-Louis Olive, Université de Perpignan Via Domitia (66)  Marie-Hélène Orthous, Université Avignon-Pays de Vaucluse (84)   Claude Paraponaris, Aix Marseille Université (13)   Armelle Parey, Université de Caen (14)   Alain Parrau, Université Paris 7 (75)   Simon Paye, Université de Lorraine (54)   Thierry Pécout, Université de Saint-Étienne (42)   Etienne Penissat, Université de Lille (59)   Bastien Pereira Besteiro, Université Lyon 2 (69)   Philippe de Peretti, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Corinne Perraudin, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Danielle Perrot-Corpet, Sorbonne Université (75)   Etienne Petit, Université de Lorraine (57)   Claire Pagès, Université de Tours, (37)   Mélanie Plouviez, Université de Nice Sophia Antipolis (06) Héloïse Petit, Université de Lille 1 (59) Matthieu Pichon, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (75)   Manon Pignot Université d’Amiens (80)   Catherine Peyrard, Université de Rouen (76)   Nathalie Peyrebonne, Université Sorbonne nouvelle – Paris 3 (75)   Marie Philemon, Université Paris 8 (93)   Hélène Pignot, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Florence Piola, Université Lyon1 (69)   Aurélien Poidevin, Université de Rouen (76)   Sophie Poirot-Delpech, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Raphaël Porteilla, Université de Bourgogne (21)   Jean-Christophe Poully, Université de Caen (14)   Behrang Pourhosseini, Université Paris 8 – Vincennes (93)   Joël Pothier, Sorbonne Université (75)   Plínio Prado, Université Paris 8 – Vincennes (93)   Muriel Pucci, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Christophe Quéva, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Lissell Quiroz, Université de Rouen Normandie (76)   Véronique Rauline, MCF Université Nanterre (92) Christelle Rabier, EHESS – Marseille (13)   Nicolas Rafin, Université de Nantes (44)   Olivier Ramaré, CNRS / Aix-Marseille Université (13)   Paul Rateau, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, (75)   Jean-Yves Rauline, Université de Rouen Normandie (76)   Pablo Rauzy, Université Paris 8 (93)   Manuel Rebuschi, Université de Lorraine (54)   Laurent Regnier, Aix-Marseille Université (13) Emmanuel Renault, Université Paris Nanterre (92)   Judith Revel, Université Paris Nanterre (92)   Nicolas Rialland, Université de Rouen (76)   Jean-Luc Richard, Université de Rennes 1 (35)   Ophélie Rillon, IEP de Bordeaux (33)   Fabrice Ripoll, Université Paris Est Créteil (94)   Olivier Ritz, Université Paris-Diderot (75)   Michaël Rivard, Université Paris-Est Créteil (94)   Jean Rivière, Université de Nantes (44)   Valérie Robert, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 (75)   Vincent Robert, Université Paris I Panthéon Sorbonne (75)   Valérie Robin Azevedo, Université Paris V Descartes (75)   Jean-Yves Rochex, Université Paris 8 – Vincennes (93)   Anne Roger, Université de Lyon 1 (69)   Anis Rojbi, Université Paris 8 (93)   Salomé Roth, Université Sorbonne Nouvelle (75)   Marine Roussillon Université d’Artois (62)   Céline Ruet, Université Paris 13 – Villetaneuse (93)   Benjamin Saccomanno, Université de Toulouse Jean Jaurès (31)   Gaël Saint-Cricq, Université de Rouen (76)   Jessica Sainty, Université d’Avignon   (84)   Catherine Samary, Université Paris Dauphine (75)   Samuel F. Sanchez, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (75)   Damien Sauze, Université Lumière Lyon 2 (69)   Michel Savaric, Université de Franche-Comté (25)   Delphine Serre, Université Paris Descartes (75)   Pascal Sévérac, Université Paris Est, (94)   Nicolas Schapira, Université Paris Nanterre (92)   Guillaume Sibertin-Blanc Université Paris-Nanterre (92)   Brigitte Sibille, Université Nice-Sophia Antipolis (06)   Camille Signoretto, Aix-Marseille Université (13)   Wilfrid da Silva,  Sorbonne Université (75)   Arnault Skornicki, Université Paris Nanterre (92)   Pierre Serna, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Charles Soulié, Université Paris 8 – Vincennes (93)   Amandine Spire, Université Paris Diderot (75)   Patrick Taïeb, Université de Montpellier (34)   Armelle Talbot, Université Paris Diderot (75)   Pascal Taranto,  AMU   Romain Telliez, Sorbonne Université (75)   Florent Tetard , Université Paris 13 – Villetaneuse (93)   Anne Teulade, Université de Nantes (44)   Nadine Thèvenot, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Claude Thiaudière, Université de Picardie Jules Verne (80)   Marion Tillous, Université Paris 8 (93)   Marc Tomczak, Université de Lorraine (54)   Anne Tomiche, Sorbonne Université (75)   Mathieu Uhel, Université de Caen (14)   François Valegeas, Université Paul-Valery Montpellier 3 (34)   Boris Valentin, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Eric Valentin, Université de Picardie Jules Verne (80)   Julie Valentin, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Jérôme Valluy, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Patricia Vannier, Université Toulouse Jean Jaurès (31)   Vincent Veschambre, Université de Lyon (69)   Frédéric Verhaegen, Université de Lorraine (54)   Patrice Vermeren, Paris 8 Vincennes Saint-Denis (93)   Catherine Vigier, Université de Rouen (76)   Cécile Vignal, Université de Lille (59)   Noémie Villacèque Université de Reims (51)   Alexandre Vincent, Université de Poitiers (86)   Bruno Vivicorsi, Université de Rouen (76)   Bruno Viaris, Université Paris-Sud (91)   Luc Vincenti, Université Montpellier-III (34)   Christophe Voilliot, Université Paris-Nanterre (92)   Anne-Catherine Wagner, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Geoffrey Williams, Université de Bretagne Sud (56)   Marc Weinstein, Aix-Marseille Université (13)   Maud Yvinec, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75)   Barbara Zauli, Université Paris 8 – Vincennes (93)   Anna Zaytseva, Université Toulouse 2 (31)   Caroline Zekri, Université Paris-Est Créteil (94)

Harcèlement hiérarchique : le grand Déni de l’Education Nationale (8) De la difficulté de voir sa plainte prise correctement en charge selon #PayeTaPlainte…

               Vous êtes victime de harcèlement hiérarchique et vous souhaitez que ces violences cessent ? Comment faire ? Vers qui vous tourner ? Les rectorats, les médiateurs, les administratifs et la plupart des syndicats majoritaires en nombre d’adhérents baignent dans le déni du réel. Au mieux, ils botteront en touche et on vous incitera mollement à déposer une plainte judiciaire. La bonne blague ! Où sont les milliers d’enseignants, de surveillants, de secrétaires, de CPE, de fonctionnaires de l’Education Nationale à qui la Justice a donné raison contre un membre de leur hiérarchie ayant franchi la ligne rouge ? Où sont-ils, ces bataillons de victimes reconnues par le système judiciaire ? Mais où sont-ils donc ? Ne cherchez pas. Il n’y en a aucun. 

Des enseignants lanceurs d’alerte à qui la Justice cherche des poux dans la tête, ça oui, on en compte pléthore. Mais des p’tis profs victimes de chefaillons et dont la plainte a été prise en compte par la Justice, en France, en avril 2018, cela n’existe pas (même si demain, on peut espérer que les premiers apparaissent, au moins sur la question du harcèlement sexuel).

Quant à la façon dont les plaintes de ce type sont recueillies dans certains commissariats et certaines gendarmeries, je vous renvoie à l’article de ce jour publié dans 20 Minutes. Heureusement, la grande majorité des policiers et des gendarmes font très bien leur travail, y compris celui de la prise en charge des plaintes. Et pourtant leur métier est le plus souvent vraiment loin d’être facile ou de tout repos. Foi de fonctionnaire ! 😉

Pierre-André DIONNET

 

%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%

Ci-dessous, article de 20 Minutes, 5 avril 2018 : http://actualite.20minutes.fr/Interstitial/TwentyMinutes/2018/04/05/5ac5e980575cb.html#xtor=EPR-182-%5Bwelcomemedia%5D–%5Barticle_politique%5D–.

%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%

 

 

Violences faites aux femmes: Un mouvement féministe dénonce la mauvaise prise en charge des plaintes
Refus de plainte, banalisation des faits ou culpabilisation de la victime : les femmes qui se rendent dans les commissariats et gendarmeries pour des violences restent mal prises en charge, selon des témoignages recueillis en mars par le Groupe F et la page «Paye ta police» du réseau social Tumblr.

Le Groupe F @LeGroupe_F

, c’est une enquête inédite lancée par Le Groupe F et @PayeTaPolice. Déroulez, partagez. ⤵️

>> A lire aussi : Violences faites aux femmes: Découvrez le premier plan d’actions de la société civile

Ce mardi, le mouvement féministe a publié ses observations après une enquête ayant suscité plus de 500 témoignages en dix jours. Dans neuf cas sur dix, les témoignages de faits plus ou moins récents (70 % datent de moins de cinq ans) font état d’une mauvaise prise en charge, « le fait le plus fréquent étant le refus de prendre une plainte ou le découragement de la victime à porter plainte ». Viennent ensuite « la remise en question de l’importance des faits » et « la culpabilisation des victimes », selon l’enquête.

« Ce n’est pas grand chose, pensez à vos enfants. »

Parmi les témoignages reçus, celui d’une femme voulant porter plainte pour violences conjugales en 2016 et à qui il a été répondu : « ce n’est pas grand chose, pensez à vos enfants. »

« Ces comportements, nombreux, ont pour conséquence de décourager les victimes, parfois d’ajouter à la maltraitance déjà subie. Ces dysfonctionnements découragent les victimes d’aller porter plainte et envoient un message d’impunité aux agresseurs », estiment les auteurs de l’enquête, ajoutant « avoir reçu des témoignages montrant qu’une bonne prise en charge, bienveillante, sans jugement, est possible ».

Paye ta police @Payetapolice

TW VIOL, PÉDOCRIMINALITÉ, REMISE EN QUESTION DE TÉMOIGNAGE cc @LeGroupe_F

 

Police et gendarmerie, « maillon indispensable pour en finir avec les violences »

Pour autant, les auteurs voient dans la police et la gendarmerie « le maillon indispensable pour en finir avec les violences sexistes et sexuelles ». Depuis plusieurs années, des dispositifs ont été mis en place pour améliorer la prise en charge des femmes par les forces de l’ordre. Une sensibilisation renouvelée après l’affaire Weinstein qui a libéré la parole des femmes victimes d’abus.

>> A lire aussi : Plus d’une femme sur 10 déclare avoir subi un viol en France, selon un sondage

Selon les statistiques du ministère de l’Intérieur, les plaintes pour viols et agressions sexuelles ont augmenté respectivement 12 % et 10 % en 2017 par rapport à 2016.

Vous avez été victime de violences et jugez que votre plainte a mal été accueillie et prise en charge par les autorités ? Racontez-nous votre expérience. Vous pouvez nous répondre dans les commentaires ci-dessous ou à contribution@20minutes.fr. Votre témoignage pourra faire l’objet d’un article.

« Mais faites taire ce p’tit prof, bon sang ! » : Présentation d’un blog pas comme les autres.

 

 

Un an. Il y a un an, jour pour jour, naissait ce blog. Un blog pas comme les autres. Un blog unique en son genre. Un blog qui ne se contente pas d’évoquer les dysfonctionnements de l’institution scolaire. Les dérives de son administration. Le délitement de l’Ecole. Le passage graduel d’une Ecole cherchant à former des citoyens éclairés, à une vaste garderie moulant des consommateurs infantilisés et incultes. Les dangers de la fausse bienveillance. Ceux d’un usage à tout-va du numérique et des écrans. Les excès du « ludique » et la grande mode désastreuse des enfants-tyrans dont on fait mine de ne pas voir qu’ils ont tous les droits et aucun devoir.

gateau-au-chocolat,-bougie-164777

 

 

C’est surtout le seul blog a évoquer les sujets tabous que sont les questions, en milieu scolaire, de la pédophilie; du viol; des violences sexuelles; du harcèlement hiérarchique sexuel et moral; de cette profonde culture du déni, de l’inertie, de l’opacité, voire de l’Omerta et de la complicité, qui innerve chaque pan de l’institution scolaire française sur tous ces points.

silence

 

Lorsque j’ai créé le blog Mais faites taire ce p’tit prof, bon sang ! , j’ignorais totalement vers quelles directions il s’engagerait. Un an plus tard, le bilan des articles publiés fait état d’orientations précises. Je n’ai d’ailleurs pas attendu l’Affaire Harvey WEINSTEIN – ni la création de ce site – pour évoquer la culture de la complicité dont peuvent bénéficier criminels et délinquants dans les écoles, les collèges, les lycées, les facultés, les universités. Je n’ai attendu ni le déferlement #metoo / #moiaussi, ni #balancetonporc pour interpeler à ce sujet la Ministre Najat VALLAUD BELKACEM, les cadres et les hauts fonctionnaires du Ministère de l’Education Nationale. Ni cette Ministre, en son temps, ni aucun de ses nombreux conseillers, ni aucun des membres de son Cabinet ou de son Secrétariat Général n’a pris le temps de répondre… dommage… dommage pour les milliers de victimes, surtout ! L’Affaire de Villemoison a presque failli mettre au grand jour l’extrême légèreté avec laquelle l’institution scolaire traite ces questions, encore aujourd’hui, en 2018. Reconnaissons au Ministre Jean-Michel BLANQUER une certaine volonté de faire évoluer le regard traditionnellement porté sur ces fléaux qu’on ne peut – à la décharge du Ministère – éradiquer d’un claquement de doigt.

Najat-Vallaud-Belkacem-annonce-vendredi-22-avril-renforcement-sanctions-disciplinaires-direction-enseignants-condamnes-pour-pedophilie_0_1400_933

 

 

Depuis un an, donc, on a pu découvrir ici 15 billets sur les viols et la pédophilie dans l’Education Nationale. 12 sur l’Affaire des Tableaux noirs du collège Albert Camus de Gaillac. 10 sur cette « bienveillance » qui fait des dégâts sur les enfants. 8 sur les excès et les dangers de l’Ecole numérique. 7 sur le profond déni entourant le fléau du harcèlement hiérarchique sexuel et/ou moral en milieu scolaire. 4 sur la nécessité et l’urgence de réévaluer le niveau réel d’obtention du baccalauréat. Et aussi d’autres choses, dont une Lettre Ouverte au Ministre Jean-Michel BLANQUER, rien que ça !

d505787_7604-x5kw4b.03x04ibe29

 

 

Parallèlement, d’autres sujets que je pensais initialement aborder ne l’ont pas été. Les joies du métier; le plaisir réel qu’il y a à enseigner avec exigence dans des collèges difficiles; les méthodes redoutablement efficaces grâce auxquelles les élèves progressent dans mes cours; l’immense satisfaction de voir réussir des élèves dont les lacunes, le peu d’appétence pour l’Ecole et le manque de soutien familial semblaient les vouer à l’échec… La plupart de ces sujets sont déjà exploités, exposés et traités ailleurs, sur d’autres blogs, ou dans divers ouvrages, par d’autres enseignants. Et c’est sans doute une des raisons qui m’ont amené, jusqu’ici, à renoncer à les évoquer.

Capture.jpg

 

Un sujet traitant d’une actualité locale fort épineuse me tenant beaucoup à coeur n’a pas été développé au delà d’un article et d’une promesse annonçant l’article suivant, alors que quantité de billets croustillants et ne pouvant passer inaperçus sont prêts à être publiés là-dessus. Se pourrait-il que les pressions reçues pour en rester là soient la cause de l’interruption d’un feuilleton qui s’annonçait pourtant passionnant ? Une certitude : il ne tient pas à moi que l’administration du rectorat de Lille se donne les moyens de tourner définitivement la page sur tout ceci… Ce matin, comme hier, j’ai encore joint oralement à ce sujet l’entourage professionnel de Monsieur Jérôme COLSON, Directeur des Ressources Humaines du Rectorat de Lille, afin que le nécessaire puisse enfin être fait, en bonne intelligence et dans l’intérêt de chacun. Qui vivra verra.   

DSC_0006_805024.113

 

 

Mille autres questions pourraient être abordées. Quel sort réserve-t-on aux lanceurs d’alerte en France, et plus précisément dans l’Education Nationale  ? Mon avenir professionnel est-il définitivement obéré parce que j’ai brisé l’Omerta ? Cela se fait-il au profit d’individus faisant fonction de « professeurs » mais à qui le bon sens voudrait qu’on ne confie même pas l’éducation d’un poisson rouge ? Quel est le nom des harceleurs que j’ai croisés ? Va-t-on exposer publiquement les preuves irréfutables des délits dont ils sont coupables ? Pourquoi n’auront-ils jamais à répondre pénalement de leurs actes ? Combien de pédophiles, de chefaillons détraqués et déviants, de chefs d’établissement dangereux et/ou incompétents ai-je rencontrés en 20 ans d’enseignement ? Ai-je subi des pressions visant à fermer ce blog, et de la part de qui ? A-t-on tenté d’instrumentaliser la Justice afin de me faire taire ? Pourquoi les syndicats refusent-ils de prendre à bras-le-corps, une fois pour toutes, la question globale du harcèlement hiérarchique, sexuel et moral ? Qui a intérêt à protéger les chefs d’établissements violeurs ou harceleurs ? Quels sont les fonctionnaires de tels et tels rectorats qui – par le passé – ont laissé faire, et pourquoi ? Les choses sont-elles en train d’évoluer, ou les effets d’annonce médiatisés en plus haut lieu ne sont-ils que de la poudre aux yeux ? La liste des questions est inépuisable.

question.jpg

 

Merci pour votre soutien et pour votre lecture de ce blog. C’est parti pour une année de plus, au moins. 😉 Une année plus douce, plus légère et plus discrète, si les décideurs et les responsables du rectorat de Lille veulent bien agir dans la seule direction qui soit la bonne. C’est mon souhait le plus cher : de moi-même – en constatant que les choses s’arrangent et qu’il n’est plus nécessaire d’étaler au grand jour deux ou trois réalités – préférer me « taire » et restreindre le champ de mes articles. C’est-à-dire ne pas avoir demain à mettre les pieds dans le plat et à publier des billets bien plus mordants, ici même et surtout ailleurs. 

Pierre-André DIONNET

 

cropped-sans-faire-de-vagues