Paul VILLACH (1) Hommage à un Juste, pour qu’une école, un collège, un lycée porte demain son nom.

 

 

Jour de La Toussaint. Une pensée fraternelle pour Monsieur Paul VILLACH. Plus de dix ans avant #pasdevague, cet enseignant brillant éclairait la communauté éducative sur ce qu’aujourd’hui encore nous ne sommes qu’une poignée à mettre en pleine lumière. Pionnier parmi les lanceurs d’alerte constatant les dérives et les abus d’autorité d’une partie de la hiérarchie de l’institution scolaire.

Les quolibets, les moqueries, les insultes, les crachats, les chausse-trappes, les coups-fourrés. Et la profonde déloyauté – jusqu’à la répression aveugle et opaque – de structures syndicales ou administratives trop souvent dévoyées dès lors qu’on brise l’Omerta. Il a vécu tout cela. Il a subi tout cela. Il a supporté tout cela. Il a dit le réel. Posément. Avec calme, humanité, lucidité. Sans haine pour les bourreaux qui l’ont persécuté jusqu’à la fin. Rappeler la grandeur de cet homme, évoquer l’honneur qui a toujours été le sien, renforce notre juste combat.

Un jour, un établissement scolaire portera son nom.

Merci à Daniel ARNAUD d’avoir oeuvré avec intelligence pour que Paul VILLACH s’inscrive dans la mémoire de notre institution scolaire. Que ce soit officiel, ou – plus probablement – que cela reste officieux, de l’ordre du symbole, et de l’hommage à un Juste reconnu par d’autres hommes épris de Justice et d’Humanité, souhaitons qu’un jour, une école, un collège, un lycée portent le nom de Paul VILLACH.

Pierre-André DIONNET

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« Allez vous faire enc… » ont écrit des lycéens à leur professeur. Comment est-ce possible ?

par Paul Villach
vendredi 27 novembre 2009

On n’est pas au bout de ses peines. Il faut s’y résigner et s’attendre à l’avenir dans l’Éducation nationale à des perles encore plus savoureuses que celle de cette pétition d’élèves signée, selon Le Monde.fr du 21 novembre, à la quasi unanimité d’une classe de Terminale en science et technologie de gestion, pour demander à changer de professeur d’anglais.

 L’arrogance de voyous au langage ordurier

Motif ? Celle-ci « n’a plus envie que les lycéens téléphonent ou envoient des SMS pendant ses cours d’anglais » et ne souhaite plus voir « des filles s’y maquiller, miroir en main, ou s’épiler le sourcil ». Ces élèves ont même le front de conseiller à ce professeur « de procéder à un changement d’attitude, et de cesser de faire des remarques à chaque fois que l’on a un téléphone entre les mains, car cela est une perte de temps. » « Si ce n’est pas le cas, concluent ces voyous dont l’arrogance s’épanouit dans l’injure ordurière, et qu’il n’y a aucun effort de changement de votre part, nous n’avons plus que quelques mots à vous dire : allez vous faire enc… »

Quand le monde est à ce point à l’envers, on a envie d’éclater de rire pour le remettre à l’endroit. Mais ici la magie n’opère pas. Alors, on cherche à comprendre : comment peut-on en venir à ces extrémités dans un établissement scolaire ? Ne devraient en être étonnés que ceux qui ont fait retraite au désert depuis 20 ans ou se sont bouché les yeux et les oreilles, ce qui revient au même. Cette agression réfléchie, au lycée Jean-Lurçat dans le 13ème arrondissement de Paris apparaît, au contraire, comme la conséquence attendue d’une politique conduite dans l’Éducation nationale depuis 20 ans.

Le professeur indocile, cet ennemi principal pour l’administration

 On ne comprend pas qu’on puisse connaître tragédie aussi burlesque si on ignore qu’à l’origine, l’ennemi principal pour l’administration de l’Éducation nationale, c’est le professeur indocile. Toute sa politique tourne au tour de cette obsession. Un professeur par son savoir – quand il en a un qui ne se limite pas au seul catéchisme appris au sortir de l’adolescence – peut être tenté à tout moment de s’affranchir du Pouvoir qui l’oblige à enseigner des erreurs et/ou à subir la violation des droits de la Personne dans son métier. Aussi faut-il le soumettre à tout prix. L’administration a développé un arsenal de moyens variés pour parvenir à ses fins.

1- La manière douce : le clientélisme

Il y a d’abord la manière douce. Une première gamme d’outils vise à la constitution d’une clientèle par la distribution de faveurs : une attribution de classes privilégiées, un emploi du temps sur mesure, des heures supplémentaires pour améliorer l’ordinaire d’un salaire trop juste, le poste de professeur principal avec prime afférente, les promotions au grand choix et non à l’ancienneté pour gagner plus plus vite, l’accès à « la Hors-classe » et le sur-salaire qu’elle implique, pour une minorité à la discrétion du recteur, (une invention du ministre Jospin !), une mutation conforme aux vœux de l’intéressé.

S’adjoint, en général, à cette clientèle choyée la clientèle syndicale (toute couleur confondue), depuis que les syndicats ont été domestiqués par la présidence mitterrandienne dans les années 80 grâce à l’octroi aux permanents syndicaux de postes de ministre, de conseiller ministériel, de diplomate et de décorations. Dans leur tête-à-tête permanent avec l’administration, les permanents syndicaux troquent leurs compromissions contre de menus avantages pour eux et leurs obligés.

2- La manière sournoise : l’intimidation par les partenaires scolaires

Une seconde gamme d’outils vise à l’intimidation des réfractaires à la corruption, s’il en reste. Alors, là, tous les moyens sont bons ! Elèves, parents, membres du personnel et syndicats sont recherchés comme alliés contre eux et mis à contribution.

1- L’intimidation par les voyous et les « chers collègues »

Les élèves voyous jouissent dans leurs exactions face au professeur indocile de la plus grande complaisance : on compte sur eux pour lui empoisonner la vie, on les y encourage même par la bienveillance due à ces « pauvres élèves en difficulté ». Dans un contexte de projet de privatisation, ces voyous permettent en plus de faire d’une pierre deux coups : ils contribuent aussi à rendre répulsif le service public. 

Si un professeur a le culot de combattre cette délinquance et cette déliquescence et d’exclure par exemple, un voyou de sa classe, en respectant les dispositions réglementaires, comme l’exclusion ponctuelle de la classe selon la circulaire du 11 juillet 2000, ce sont les professeurs courtisans qui montent au créneau et se répandent en récriminations envers leur collègue coupable de rejeter sur le Bureau de la vie scolaire « les problèmes » posés par l’élève qu’il ne sait pas résoudre lui-même dans sa classe : c’est facile, entend-on, de rejeter ses insuffisances sur les autres !

2- L’intimidation par les parents

Si cela ne suffit pas, alors on « fait donner les parents ». C’est la formule clandestine consacrée. Le chef d’établissement, s’il est imbécile – ce qui arrive, car le recrutement dans ce poste tend de plus en plus à retenir les plus frustes – peut prendre le risque de laisser des traces en adressant une lettre secrète au président d’une fédération de parents d’élève pour dire tout le mal qu’il pense du professeur. On imagine l’effet sur les parents qui peuvent très bien se sentir autorisés à monter une cabale, puisque le chef d’établissement lui-même vilipende le professeur. 

On voit soudain fleurir des pétitions de professeurs ou de parents stigmatisant le prétendu coupable. Les courtisans se pressent pour y apposer leur signature puis, le regard noir quand ils le croisent, mettent en quarantaine le malotru. On a même vu une principale voyou oser adresser au recteur une « pétition blanche » contre un professeur, c’est-à-dire prétendument signée à l’unanimité, mais sans la moindre signature. Elle avait anticipé un peu trop vite, expliquera-t-elle au juge d’instruction, l’élan de ses collègues qui ont été tout de même 12 sur 47 à signer son torchon ! (1)

3- La manière forte : l’intimidation par la violation cynique des règles et de la loi

Une troisième gamme d’outils est le mépris cynique de la loi et le détournement des procédures disciplinaires.

1- L’intimidation par le mépris affiché de la loi

À Marseillan (Hérault), une principal est allée jusqu’à afficher en salle des professeurs la lettre confidentielle écrite par voie hiérarchique au recteur par deux professeurs pour demander la protection statutaire contre les attaques de cette principale elle-même à l’occasion de leurs fonctions (2). Cette administratrice exemplaire ne pouvait donner meilleure preuve de son animosité envers ces deux professeurs ! On l’a dit plus haut : ce ne sont pas les plus intelligents qui accèdent à ces fonctions de direction mais les plus frustes et dociles. Le seul ennui avec ces incultes, c’est qu’ on n’est pas, comme ici, à l’abri du pavé de l’ours (3). Certains de leur impunité, il leur arrive d’en faire un peu trop !

Le 1er décembre prochain, le tribunal administratif de Montpellier va examiner les recours de ces deux professeurs. Il sera intéressant de voir ce que pense le juge administratif de cette violation délibérée du secret de la correspondance administrative par un chef d’établissement perdant le nord sans pour autant perdre sa place ! Vu l’air du temps, il n’est pas impossible que le juge trouve ça normal ou dégote des excuses à l’admirable principal. Les juges aujourd’hui sont pleins d’imagination.

2- L’intimidation par sanction pour fautes imaginaires

Enfin, si tout cet arsenal échoue, il reste encore à mettre sur le dos des professeurs indociles des fautes de services imaginaires pour leur infliger un blâme ou un déplacement d’office (4). Sous la botte du recteur William Marois, aujourd’hui à Bordeaux, on a vu ainsi dans l’académie de Montpellier des sanctions tomber. Cette administration voyou, du ministre jusqu’au chef d’établissement en passant par le recteur et l’inspecteur d ’académie, a belle mine quand le tribunal administratif, deux ans et demi plus tard, annule un blâme pour inexistence matérielle de motif et violation de procédure (5) !

Rien de tel qu’une bonne injustice pour terrifier

On se souvient peut-être de ce que dit Machiavel, dans « Le Prince  », à propos de Cesare Borgia qui fit couper un ministre en deux et exposa son cadavre sur la place publique : « La férocité de ce spectacle, écrit-il, fit tout le peuple demeurer en même temps satisfait et stupide  ». Rien de tel, en effet, qu’ une bonne injustice assénée avec brutalité pour frapper le populo de terreur et d’admiration !

On exagère, diront en chœur les courtisans de l’administration. Certes, on n’en est pas encore là, Dieu merci ! Mais faut-il désespérer ? Que les lecteurs qui doutent encore, se souviennent seulement de récentes affaires, toutes aussi effarantes les unes que les autres : cette professeur poignardée par un élève en pleine classe, le 16 décembre 2005, dans un lycée d’Étampes, après avoir été abandonnée à elle-même par son administration qu’elle n’avait pas cessé d’alerter !(6), ce professeur du collège de Berlaimont traîné en justice et condamné pour avoir giflé un élève de 5ème qui l’avait traité de « connard », le 28 janvier 2008 (7), cet instituteur qui est aujourd’hui même devant la cour d’appel de Dijon, pour avoir, un cutter à la main, dit à un élève qui montrait son zizi à ses camarades : « Je coupe tout ce qui dépasse  » (8). On n’est pas loin dans cette affaire du lycée Lurçat à Paris du sketch de Jean Dell, où un instituteur est traduit en justice pour « tapage nocturne » parce qu’il a réveillé un élève dormant en classe affalé sur son pupitre (9).

Il reste qu’il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt ! Étienne de la Boétie pensait qu’il n’y a pas de servitude sans un minimum de consentement des asservis. Pour en arriver à un tel abaissement de la fonction de professeur, à une telle indignité, il faut, en effet, que les intéressés eux-mêmes, on veut dire les professeurs, y aient mis du leur en faisant eux-mêmes par leur comportement leur propre malheur. Comment, après cela, des élèves peuvent-ils respecter des professeurs qui se laissent à se point maltraiter et ne se respectent pas eux-mêmes ? Paul Villach

(1) Pierre-Yves Chereul, « Cher Collègue  », Éditions Terradou, Digne, 1993.

(2) Paul Villach, « Des courriers administratifs confidentiels affichés dans la salle des professeurs d’un collège  », AgoraVox, 2 mars 2008.

(3) La Fontaine, « L’Ours et l’Amateur des jardins  », in « Fables », VIII, 10. Pour chasser une mouche du visage de son maître, un ours apprivoisé mais très bête ne trouve rien de mieux que de lui envoyer un pavé en pleine figure…

(4) Paul Villach, « 40ème jour de grève de la faim pour Roland Veuillet ou l’impuissance face à l’arbitraire aujourd’hui en France  », AgoraVox, 15 décembre 2008.

(5) Pierre-Yves Chereul, « Un blâme académique flatteur  », Éditions Lacour, Nîmes, 2008.

(6) Paul Villach, « Le livre de Karen Montet-Toutain, professeur poignardé : le service public outragé ! » AgoraVox, 4 octobre 2006.

(7) Paul Villach, « Après la gifle du professeur, la claque du Premier ministre ! », AgoraVox, 7 février 2008.

« La gifle du collège de Berlaimont : ces témoignages d’élèves que l’on retient ou non selon son bon plaisir…  », AgoraVox, 27 juin 2008 –

(8) Paul Villach, « L’affaire du zizi, de l’École et de la Justice qui dépassent les bornes, bientôt en appel à Dijon », AgoraVox, 14 novembre 2009

(9) Paul Villach, « L’Instituteur, un sketch hilarant de Jean Dell, pour retrouver la raison dans l’Éducation nationale, si possible… », AgoraVox, 8 février 2008.

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Source : article de Paul VILLACH, 27 novembre 2009.

https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/allez-vous-faire-enc-ont-ecrit-des-65722?fbclid=IwAR1j4PLSvllkz_kt6he40t-GQCNCJF6Q4LitNjZ8E2pTuSuYZMcMYyiiex4

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7 réflexions au sujet de « Paul VILLACH (1) Hommage à un Juste, pour qu’une école, un collège, un lycée porte demain son nom. »

  1. Dans pas longtemps, une cérémonie officieuse pour rebaptiser un bahut du coin, au nom de Paul VILLACH. Histoire d’amorcer ou de relancer un petit élan médiatique local. Voilà une idée qu’elle est bonne. Et que je mettrai sans doute en place demain, à moins qu’on me lâche bien vite la grappe.

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