Violences envers les salariés de l’Education nationale : combien de victimes ? (10) « Un monde où chaque personne professionnelle de l’éducation peut exercer son métier en toute sécurité et avec des moyens adaptés. » / Amnesty International.

 

 

                      C’est vrai. Bien sûr. « Ailleurs c’est pire ». On ne l’oublie pas et on agit pour qu’ailleurs ce soit « mieux » demain.

Et ce n’est certainement pas une raison – au contraire ! – pour accepter ici la casse de l’Ecole publique. Ni la casse et la francetélécomisation à bas bruit des hommes et des femmes qui exercent, en France, le métier d’enseignant. 

 

                                                                                                                              Pierre-André DIONNET

   
 
 
 
 
 
  
 

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Amnesty International :

 « Défendre le droit à l’éducation » 

https://www.amnesty.fr/education-droits-humains-enseignants?utm_medium=email&utm_source=emailing-pee&utm_campaign=journee_internationale_education

https://www.amnesty.fr/education?utm_medium=email&utm_source=emailing-pee&utm_campaign=journee_internationale_education

Ci-dessous, communiqué de Maud Bernard d’Heilly, Responsable du service Éducation aux droits humains chez Amnesty International France

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Aujourd’hui c’est la Journée internationale de l’éducation.

L’occasion de rappeler que le droit à l’éducation et le personnel enseignant sont attaqués dans de nombreuses parties du monde (attaques contre des enseignants en France, violation du droit à l’éducation pour les filles en Afghanistan… ).

Face à ces défis, Amnesty International s’engage pour l’éducation, et ce tout au long de l’année, notamment grâce à l’Éducation aux droits humains.

Nous croyons en un monde où chaque personne a le droit à une éducation de qualité, une éducation visant à favoriser le plein épanouissement de la personnalité humaine et à renforcer le respect des droits humains et des libertés fondamentales, comme le stipule l’article 26 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Nous croyons en un monde où chaque personne professionnelle de l’éducation peut exercer son métier en toute sécurité et avec des moyens adaptés.

Pour cela, nous accompagnons le public enseignant dans la sensibilisation et l’éducation aux droits humains de leurs élèves, en mettant à leur disposition diverses ressources pédagogiques.

Parce que l’Éducation aux droits humains est un droit universel, chaque personne peut accéder à nos ressources pédagogiques gratuitement depuis notre Espace Éducation.

Vous pouvez faire connaître nos outils ressources autour de vous et ainsi contribuer à défendre ce droit fondamental.

Ensemble, défendons les droits humains !

Solidairement,

Maud Bernard d’Heilly
Responsable du service Éducation aux droits humains
chez Amnesty International France

Violences envers les salariés de l’Education nationale : combien de victimes ? (9) « 84 % du corps enseignant n’est pas respecté par l’Education nationale »… Si même Le Figaro le dit…

 

 

                      « 84 % du corps enseignant n’est pas respecté par l’Education nationale ».

Si même Le Figaro le dit… c’est peut-être que les violences institutionnelles déjà dénoncées il y a 20 ans par une poignée de lanceurs d’alerte ne relevaient pas du phantasme. Qui sait ?

Pour répondre à la question « Combien de victimes ? », le calcul est simple, si l’on se fie à ces données. 84 % de 853 700 enseignants, cela fait un peu moins de 720 000 êtres humains malmenés par ceux-là mêmes qui sont payés pour faciliter leur travail de transmission des savoirs. Chapeau ! Bon bilan.

 

                                                                                                                              Pierre-André DIONNET

   
 
 
 
 
 
  
 

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« Un tiers des Français serait « inquiet » pour un proche qui souhaite devenir enseignant », Le Figaro, 23 janvier 2024, Quentin PERINEL.

https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/pas-calais/bethune/harcelement-presume-a-la-cite-scolaire-lavoisier-d-auchel-mobilisation-de-bikers-colere-des-enseignants-la-rectrice-tente-de-calmer-le-jeu-2881487.html

 

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Un tiers des Français serait « inquiet » pour un proche qui souhaite devenir enseignant

 
Publié le 
Le plus beau métier du monde est en difficulté.
Le plus beau métier du monde est en difficulté.JeanLuc / stock.adobe.com
       

Il faut réenchanter les carrières des professeurs. Quasiment 90% du grand public estime qu’il faut améliorer les conditions de travail des enseignants, que ces derniers ont infiniment de mérite. Explications.

C’est un métier qui devrait avoir le vent en poupe et continuer de susciter des vocations. Il était le plus beau métier du monde, disait-on. L’est-il toujours ? C’est moins sûr… La crise de recrutement des professeurs qu’est en train de vivre le monde de l’éducation ne désemplit pas. Elle s’aggrave d’années en années…

Un métier qui fait moins rêver

À chaque rentrée des classes en septembre, le suspense demeure… Toutes les classes disposeront-elles d’un professeur des écoles (au primaire) ou de professeurs dans l’ensemble des matières du programme (au collège et au lycée) ? À la crise de vocation (la diminution du nombre de candidats au concours donc) s’ajoutent de nombreuses démissions et réorientations de professeurs, aussi bien parmi les titulaires que les contractuels… Une étude OpinionWay met des chiffres sur ces tendances… Plus de 400 enseignants en poste actuellement ont été sondés… ainsi qu’un millier de citoyens formant un échantillon représentatif du «grand public.»

Résultat ? Ce métier fait moins rêver qu’avant François… C’est notre époque qui veut cela… 65% des enseignants (et 68% de l’ensemble des Français) considèrent qu’aujourd’hui ce métier se résume davantage à faire la discipline et la garderie qu’à réellement transmettre des savoirs. C’est 80% des professeurs qui vont jusqu’à dire que le métier d’enseignant est menacé, qu’ils ont peur de l’avenir…

84% du corps enseignant ne se sent pas respecté par l’Education Nationale

Pire encore 84% du corps enseignant actuellement en poste ne se sent pas respecté par l’Éducation Nationale, et peu soutenu par sa hiérarchie… À savoir, petite précision. Il existe écart de perception entre les enseignants du public et du privé, ces derniers se montrant systématiquement plus optimistes ou moins en souffrance que leurs homologues. Malgré tout, une large majorité d’enseignants du privé ont la même opinion et le même ressenti que leurs confrères du public… Ce sont donc des constats partagés.

Le grand public est de tout cœur avec les profs. Quasiment 90% du grand public estime qu’il faut améliorer les conditions de travail des enseignants, que ces derniers ont infiniment de mérite… Ils sont estimés par la population mais pas spécialement enviés. D’ailleurs à la question «Si l’un de vos proches envisageait de devenir enseignant, quelle serait votre réaction ?», un tiers des personnes sondées répondent qu’elles seraient inquiètes pour leur proche mais ne lui en parleraient pas, 12% affirment qu’elles essaieraient de l’en dissuader… et 40% soutiennent que cela les rendrait fiers, lit-on encore dans cette étude commandée par Indeed.

« N’importe qui peut devenir professeur » : une idée tenace

Enfin ce dernier phénomène qui illustre le cercle vicieux dans lequel se situe le monde enseignant. L’idée tenace selon laquelle aujourd’hui « n’importe qui peut devenir professeur », est partagée à la fois par la moitié des profs et la moitié du grand public. Il faut donc réenchanter la carrière des profs de toute urgence. Pour que chacun continue à garder en tête un ou plusieurs professeurs qui ont marqué sa vie. Au travail…

 

 

Viols et pédophilie dans l’Education Nationale (30) Rassemblements devant les préfectures et les tribunaux le jeudi 11 janvier.

 

                 

 

       Il n’est pas normal que le fonctionnement des écoles, collèges et lycées permette d’offrir une impunité – de fait – à la plupart des agresseurs sexuels qui y exercent leurs méfaits.
Les chefaillons de l’Education nationale comportent dans leurs rangs d’innombrables agresseurs sexuels, prédateurs, et violeurs. Une frange fangeuse de zoubinards qui savent parfaitement qu’en 2024 encore, plusieurs mécanismes spécifiques à l’institution scolaire les protègent et musèlent leurs victimes.

Cela n’évolue que bien trop lentement. Les pressions hiérarchiques, les travers administratifs, les diverses opacités et Omerta de l’Ecole ainsi que le fameux #PasdeVague n’accordent quasi aucune possibilité, pour les victimes de ces innombrables violences sexuelles, de simplement commencer à parler.

En tant qu’acteur précurseur (#) de la lutte contre ce fléau, je tiens à relayer l’appel national à multiplier les rassemblements devant les préfectures et les tribunaux le jeudi 11 janvier.

                                                                                                                        Pierre-André DIONNET

(#) Le tout premier lanceur d’alerte à avoir publiquement porté la lumière sur l’impunité des agressions et crimes sexuels dans l’Education nationale, c’est bibi.
C’est « le p’tit prof’ qu’il faut faire taire ».
Bien avant la naissance du mouvement #PasdeVague (octobre 2018).
Bien avant #Metoo (octobre 2017).
La répression a été féroce, immonde, atroce, et elle perdure encore après 20 années d’acharnement minable et de harcèlement hiérarchique caractérisé ; bien que depuis peu, au moins deux hauts fonctionnaires du rectorat de Lille agissent enfin un peu pour que cesse ce retour de bâton. A suivre…

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Violences envers les salariés de l’Education nationale : combien de victimes ? (8) La cité scolaire Lavoisier d’Auchel. Réhabiliter les « mauvaises » victimes pour éviter le pire.

 

 

Oui ou non, de mauvaises décisions administratives peuvent briser des salariés de l’Education nationale pourtant dévoués à leur métier et à leur employeur ?

La réponse est OUI. Mille fois OUI.
 
Oui, de mauvaises décisions de l’administration peuvent détruire d’excellents fonctionnaires qui n’ont rien à se reprocher.
Le dire écorche au sang la bouche en coeur des bons petits soldats qui ont toujours nié en bloc ces dérives – ou qui en ont usé, mésusé, abusé et profité – tant que cela ne les frappait pas eux-mêmes.
On en connaît plus d’un qui ont été contraints de l’admettre, et contraints de reconnaître qu’ils n’auraient jamais dû soutenir le contraire, qu’ils n’auraient jamais dû jurer que tout cela était faux, qu’ils n’auraient jamais dû mentir en la matière, qu’ils n’auraient jamais dû entretenir le déni du réel en se persuadant que cela ne pouvait arriver qu’aux autres.
Tant que cela les épargne, ce sont les bons et les meilleurs apôtres ; mais si la roue tourne en leur défaveur, ce n’est plus la même limonade.
 
Oui, bien sûr, c’est la réalité, c’est une évidence : de très nombreux salariés de l’Ecole publique sont cassés par les mauvais choix des décisionnaires de leur propre administration.
C’est trop fréquent pour passer totalement inaperçu, même si – #PasdeVague oblige – ne parviennent jusqu’aux médias qu’une toute petite portion de ces violences institutionnelles et de ces aberrations innombrables.
L’affaire de la cité scolaire Lavoisier d’Auchel en est un très bon exemple.
Plusieurs médias s’en font aujourd’hui l’écho, parmi lesquels BFM Télé, France Bleue, et France 3 Hauts-de-France qui titre « Harcèlement présumé à la cité scolaire Lavoisier d’Auchel : mobilisation de bikers, colère des enseignants, la rectrice tente de calmer le jeu ».
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« Calmer le jeu » ? 
 
C’est très bien que Madame la Rectrice d’Académie se déplace en personne au lycée et au collège Lavoisier.
C’est très bien que la protection fonctionnelle soit accordée aux agents de cet EPLE.
C’est très bien – ou plutôt, c’
est déjà ça… –  que le ministère de l’Education nationale reconnaisse officieusement et du bout des lèvres « avoir peut-être agi avec précipitation ».
C’est très bien qu’en quelques semaines les choses se dénouent et qu’on laisse le bon sens et le rationnel l’emporter.
Oui, c’est très bien.
 
« Calmer le jeu » ? 
       

C’est moins bien de laisser pourrir pendant des années des situations autrement plus lourdes, plus graves, plus destructrices, et de les noyer dans des mensonges saupoudrés d’émotions primaires sciemment instrumentalisées.
C’est moins bien que le ministère refuse de reconnaître qu’on a agi fautivement en broyant d’excellents enseignants auxquels on ne pouvait rien reprocher.
C’est moins bien que le rectorat de Lille n’accorde pas la protection fonctionnelle à quantité d’agents qui y ont pourtant droit. (*) 
C’est moins bien que personne ne se déplace pour soutenir les victimes de violences sexuelles, les victimes de violences hiérarchiques, les victimes de mobbing et de harcèlements hyper-violents, toutes ces victimes dont on nie l’existence et que l’on cache.
Oui, c’est beaucoup moins bien.

Vous avez dit 2 poids, 2 mesures ?
Rien de neuf sous le soleil et sous les nuages du Pas-de-Calais. Selon que vous serez puissant ou misérable, selon que vous serez un chef d’établissement doté de solides appuis et soutenu par de multiples réseaux d’influence, ou que vous serez un simple p’tit prof’ ayant pour seule ambition de se donner à plein dans son métier et de faire son travail honnêtement, on vous rendra Blanc ou Noir, on vous dira Bon ou Mauvais.
Heureusement que les « bonnes » victimes, celles qui sont reconnues, choyées, et indemnisées, ne sont jamais les bourreaux des « mauvaises » victimes, celles qui sont invisibilisées, celles qu’on ne réhabilitera probablement jamais et auxquelles on tarde à offrir une porte de sortie honorable.
Heureusement !
Cela ferait très mauvais genre, n’est-ce pas ?

Mais… j’y songe… et si c’était le cas ? Pour de vrai ? Réellement ? A toucher du doigt ?
Si les « bonnes » victimes étaient réellement les bourreaux de quelques « mauvaises » victimes ?
Ce serait atroce, c’est entendu.

Ce serait totalement immoral.
Ce serait immonde.
Mais dans ce cas, comment faudrait-il réagir ?
Je me le demande, parfois.
Le rectorat de Lille devrait le savoir, lui, et si ce scénario cruel s’avérait bien réel, il aurait du depuis longtemps agir, en réhabilitant les « mauvaises » victimes.
Il n’est jamais trop tard pour bien faire… mais n’attendons pas qu’il soit tard.
N’attendons pas trop tout de même, pour « calmer le jeu » et pour le clore en sortant par le haut.
 

                                                                                                                              Pierre-André DIONNET

   
 
 
 
(*)  Oui, en tant que lanceur d’alerte, bien au courant de ces dérives institutionnelles, je suis en contact avec plusieurs enseignants auxquels le rectorat de Lille a choisi de ne pas accorder la protection fonctionnelle, alors que ce droit ne peut légalement pas leur être refusé. Entre autres exemples, un enseignant violemment agressé à plusieurs reprises par un élève condamné pour ce délit à une peine de trois mois de prison avec sursis, attend toujours que le rectorat de Lille cesse de le balader et lui accorde enfin cette fameuse protection.
 
  
 

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https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/pas-calais/bethune/harcelement-presume-a-la-cite-scolaire-lavoisier-d-auchel-mobilisation-de-bikers-colere-des-enseignants-la-rectrice-tente-de-calmer-le-jeu-2881487.html

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Jeudi 30 novembre 2023, la rectrice de l’académie de Lille s’est rendue au collège lycée Lavoisier d’Auchel pour soutenir proviseur, professeurs et équipe éducative. Depuis plusieurs semaines, la cité scolaire est sous pression d’un club de bikers qui aurait décidé de protéger une jeune victime de harcèlement présumé. Explications

Le 9 novembre, quatre motards de l’association Black Shadow North se rendent à la sortie du collège Lavoisier pour venir en aide à une jeune élève se disant victime de harcèlement depuis deux ans. Une présence qui se fait remarquer, les bikers font vrombir leurs moteurs, des insultes pleuvent. « Il y a eu une altercation avec le chef d’établissement qui nous a demandé de dégager », explique dans les colonnes de La Voix du Nord, un des motards qui a ensuite ramené la jeune fille chez elle. Selon ce dernier, la police était présente et les élèves ont été bloqués dans l’établissement. 

Le proviseur et son adjoint ont porté plainte pour menaces sur personnes chargées d’une mission de service public.

À l’origine de ces faits, selon nos informations, une bagarre organisée et filmée entre deux élèves. À la suite de cette bagarre perdue par Aurélie (prénom d’emprunt), cette dernière révèle qu’elle est victime de harcèlement depuis 2 ans. 

L’affaire est gérée par l’équipe éducative, qui est entendue par une adjointe de la direction académique, laquelle écoute longuement la mère d’Aurélie  dans l’établissement (1). Mais l’affaire rebondit après un courrier du ministère de l’Education nationale.

Un courrier du ministère « inacceptable »

Adressé à l’association Black Shadow North MC, celle des bikers intervenus le 9 novembre, le courrier signé du chef de cabinet du ministre Gabriel Attal, explique : « le ministre m’a confié le soin de cous répondre et de vous remercier ainsi que l’ensemble des membres de l’association Black Shadow North MC pour votre action et votre engagement ». 

« C’est un courrier inacceptable », pour Nicolas Penin, secrétaire régional Unsa Education qui explique qu’il n’y a qu’une seule police, une seule justice et qu’il n’est pas possible de valoriser ainsi « des pseudo-milices ou des justiciers. Des Zorro à motos, comme je l’ai déjà dit ». 

La rectrice de l’académie de Lille s’est donc rendue  jeudi 30 novembre 2023 à l’établissement scolaire pour tenter de calmer le jeu. Elle a rappelé « très clairement son plein soutien, ainsi que de celui du ministère, à l’ensemble des personnels et aux personnels de direction de l’établissement ».

Mardi 5 décembre 2023, une manifestation pacifique et silencieuse des parents d’élèves doit s’organiser à 8h30 devant l’établissement. « Nous apporterons ainsi notre soutien dans le calme à nos équipes éducatives et pédagogiques qui ont notre totale confiance dans leur méthodologie de travail. Sans oublier les élèves qui chaque jour doivent composer avec ces évènements et en souffrent énormément », nous écrit une parente d’élève. 

(1) Aujourd’hui Aurélie est scolarisée dans un autre établissement

Harcèlement hiérarchique : le grand Déni de l’Education Nationale (39) Une inspectrice de l’Education nationale accusée de détruire des enseignants.

          

           Pour une Inspectrice épinglée par la presse, ce sont des centaines d’autres qui durant toute leur carrière, ont démoli ou démolissent encore les meilleurs enseignants. En toute impunité et sous les applaudissements d’une administration cultivant l’hyper-violence comme mode de gestion « normalisé ».

Secret de polichinelle pour les acteurs de terrain ; mais violences invisibilisées pour le reste de la population de ce pays : presque 68 000 000 de personnes qu’on n’informe pas des enjeux profonds de la casse de l’Ecole publique, alors qu’ils en subissent eux aussi les conséquences. L’Education nationale forme de moins en moins des citoyens car on l’en empêche ; elle moule toujours plus de cons sots mateurs et Hanouna et Tik Tok achèvent le désastre. Moins instruits, moins éduqués, moins à même de penser par eux-mêmes, de tenir compte d’autrui et de bâtir une société dans laquelle il fait bon vivre, nos élèves ne bénéficient plus de l’enseignement de qualité qu’ils méritent. Mais qui s’en soucie ?

                                                                                                                       Pierre-André DIONNET

       

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  Article du 9 novembre 2023, Robin PETER et Raphaël TUAL, Le Journal de l’Orne et Enquêtes d’Actu : https://actu.fr/societe/enquete-une-inspectrice-de-l-education-nationale-accusee-de-detruire-des-enseignants_60298568.html

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Laurence Brillaud (à droite), Inspectrice de l’Éducation nationale, dans une école de Chambois (Gouffern-en-Auge), en septembre 2019. (©Journal de l’Orne)

Enquête Une inspectrice de l’Éducation nationale accusée de « détruire » des enseignants

Laurence Brillaud, IEN en Normandie, est accusée d’être responsable d’un « mal-être généralisé » chez des enseignants. Plusieurs témoignages et documents étayent ces allégations.

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Des parents d’élèves et des enseignants de la région d’Argentan, dans l’Orne (Normandie) accusent Laurence Brillaud, inspectrice de l’Éducation nationale (IEN), d’avoir des « pratiques destructrices ». Son management aurait pour conséquence de générer d’importantes souffrances chez les professeurs des écoles.

Ces assertions ont resurgi au détour d’un courrier destiné à la rectrice de l’académie de Normandie et diffusé sur Facebook. Les parents d’élèves d’Écouché-les-Vallées écrivent qu’« il semblerait que nos enseignants subissent une pression anormale depuis quelques années de la part de leur hiérarchie ». Ils évoquent « un mal-être généralisé de la part des professeurs des écoles ». 

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Des mots qui ont pressé cette cadre de l’Éducation nationale jusqu’à la gendarmerie afin de déposer plainte pour diffamation, en juin 2023, comme l’a révélé le Journal de l’Orne.

Mais à quel « mal-être » les parents d’élèves de l’Orne font-ils référence ? Alors que l’Éducation nationale doit faire face aux harcèlements subis par les élèves, fléau qui gangrène d’innombrables établissements, l’institution serait-elle, concomitamment, responsable de harcèlement vis-à-vis de ses enseignants ?

Nous avons enquêté et retrouvé la trace de plusieurs enseignants de primaire qui témoignent de leur détresse liée au management de cette IEN. A contrario, elle comme sa hiérarchie se murent dans le silence.

« Je me suis transformée en fantôme »

Une ancienne enseignante, que nous appellerons Solène, fait part de son « mal-être lié aux pratiques managériales » de Laurence Brillaud, dans un courrier adressé à la Direction académique des services de l’Éducation nationale (Dasen), en janvier 2020. Les « pratiques destructrices » que cette ex-enseignante dit avoir subies ont été consignées dans le Registre santé sécurité au travail (RSST), le 26 juin 2019.

Par ce courrier, Solène aimerait « comprendre pourquoi l’institution n’a pas pu [la] protéger, n’a pas essayé de trouver les solutions pour améliorer les conditions de travail ».

J’étais une enseignante impliquée et motivée. Maintenant, je suis un fantôme. 

Solène,ancienne enseignante, dans un courrier à la Dasen.

Dans un autre courrier envoyé à l’adjoint au directeur académique, Solène écrit : « Que fallait-il donc pour que la pleine mesure de la situation soit enfin prise ? Un suicide ? […] Beaucoup trop de témoignages de personnels vous sont déjà parvenus avec des conséquences importantes et irréversibles sur leurs vies professionnelles et privées. Il est criminel de ne pas agir […]. »

À lire aussi

Dans une précédente lettre de huit pages, datée de juin 2019, que nous avons consultée, l’enseignante annonce « vouloir mettre un terme » à sa profession : « Depuis trois ans, je suis confrontée à des situations de plus en plus angoissantes et destructrices. […] Je ne suis plus en mesure d’exercer mon métier sereinement dans un climat de confiance et de bienveillance. Je refuse de continuer ainsi. »

Solène reproche à son ancienne IEN une intrusion zélée dans sa pratique d’enseignement en demandant des modifications spatiales de sa classe et une pédagogie « définie par ses soins ».

« Traumatisés », « hantés ou complètement inutiles »

Solène n’est pas la seule à se plaindre des méthodes de cette inspectrice. Dans un mail envoyé à Solène, que nous avons pu consulter, une responsable syndicale assure en juin 2019 que son cas n’est pas « isolé » : « La liste commence à être longue. »

Des propos corroborés par une militante d’un autre syndicat qui nous assure avoir « recueilli une vingtaine de témoignages de collègues en souffrance à cause de cette inspectrice ». En 2021, cette militante syndicale avait déposé un dossier complet à l’inspection de l’Éducation nationale et à la Dasen de l’Orne.

Nous avons eu connaissance du courrier d’une autre enseignante destiné cette fois à l’assistante sociale des personnels, daté de novembre 2019. Il est écrit que de nombreux professeurs « confient être ou avoir été sous pression et ne plus se sentir libres ».

Certains expriment un réel mal-être, d’autres se disent traumatisés, se sentent hantés ou complètement inutiles.

Une professeure
dans un courrier à l’assistante sociale des personnels.

Nous avons contacté plusieurs de ces enseignants en souffrance qui, pour certains, sont suivis par l’action sociale de l’académie de Normandie.

Deux enseignantes nous racontent comment l’inspectrice « n’a eu de cesse depuis son installation, de remettre en cause [leurs] pratiques » et d’imposer « chaque année des commandes plus chargées ». Laurence Brillaud impose des « aménagements dans la classe ». « Elle nous a tout d’abord demandé de réaliser le plan de nos classes et nous a fait constater qu’il y avait de trop nombreuses choses (des tables, des chaises) et qu’il manquait de nombreuses autres choses, comme des coins jeux. »

Comme pour Solène, Laurence Brillaud impose à ces professeures de suivre le document « Agir pour l’école », qui émane du ministère de l’Éducation nationale, notamment pour travailler la phonologie (la science des sons d’une langue). « Il se devait d’être non obligatoire, mais on ne m’a pas vraiment laissé le choix et j’ai dû travailler avec ce document », nous fait part l’une des deux enseignantes. Laurence Brillaud leur aurait imposé diverses expérimentations et formations, en les prenant pour ses « cobayes ».

À lire aussi

« Ça ressemblait à un règlement de compte »

Une autre professeure des écoles avec plusieurs dizaines d’années d’expérience nous fait part d’une « grande souffrance au travail » : « ces multiples injonctions déstabilisent ma pratique », « j’ai le sentiment d’avoir perdu toute liberté pédagogique », « je suis dans l’insatisfaction et j’ai perdu le plaisir d’enseigner, au point que revenir à l’école me paraît insupportable ». Cette enseignante a été arrêtée plusieurs mois.

J’ai perdu le sommeil, je suis épuisée. Je suis submergée, en permanence préoccupée. Cette situation que je ne suis pas la seule à subir, est en train de mettre à mal ma santé et mon équilibre.

Une enseignante.

Une autre enseignante longtemps en arrêt-maladie nous explique que « dès que cette IEN prend une personne en grippe, elle va s’acharner dessus toute l’année ».

Des affirmations confirmées par un autre enseignant qui a eu de la part de cette IEN « un rapport d’inspection destructeur ». « Ça ressemblait à un règlement de compte », nous confie-t-il. Pour lui, aucun doute, ce qu’il a subi pourrait être qualifié de « harcèlement ».

À deux ans de la retraite, elle m’a tellement cassé les pieds que j’ai préféré partir plutôt que de la supporter.

Un professeur des écoles à la retraite.

Il nous rapporte comment l’IEN l’a sommé de revoir sa façon de travailler : « Elle m’a demandé des méthodes pédagogiques délirantes. J’ai appliqué ce qu’elle me demandait au début, puis j’ai laissé tomber. Ses exigences étaient totalement déplacées, comme si elle était déconnectée du réel. »

La gendarmerie sur l’affaire

Les témoignages que nous avons collectés se suivent et se ressemblent : imposition d’une méthode pédagogique, dénigrement en public, convocations, pression maximum et parfois burn-out. « J’ai tout fait remonter à la direction académique. Rien ne s’est passé », peste une enseignante qui préfère que son calvaire ne soit pas relaté dans notre article par peur de représailles.

Vous tapez dans une sacrée fourmilière-là. Des enseignants demandent des mutations pour ne plus avoir cette inspectrice.

Un fonctionnaire de l’Éducation nationale.

Les fonctionnaires qui ont pris la parole pour nous décrire leur réalité font preuve de courage, parce que comme nous le fait remarquer l’un d’eux : « On a été convoqué par l’IEN pour nous dire que les enseignants n’ont pas le droit de parler à la presse. Ce n’est pas que je ne veux pas, mais si je parle, je vais me faire taper sur les doigts. »

En 2020, certains enseignants à bout, confrontés au silence de leur hiérarchie, ont décidé de saisir la justice. Selon nos informations, la gendarmerie d’Argentan a travaillé sur l’affaire Brillaud. La procédure n’a pas pu aboutir faute de témoignages suffisants. Les enseignants « semblent avoir peur des conséquences », note un gendarme dans un document que nous nous sommes procuré.

Un passage remarqué dans le Vaucluse

Lors de notre enquête nous avons découvert qu’avant son arrivée dans l’Orne, cette inspectrice de l’Éducation nationale a laissé un souvenir impérissable dans le Vaucluse.

D’abord en 2013. Quelques jours avant la rentrée, le 30 août, le directeur de l’école du village de Rustrel, Jacques Risso, a été suspendu de ses fonctions de directeur et d’enseignant après que Laurence Brillaud eut monté un dossier contre lui, comme le rapportait alors le journal La Provence.

Il aura fallu pas moins de cinq procès — tous favorables à Jacques Risso — pour que la justice administrative finisse par rétablir définitivement le fonctionnaire dans son honneur, en annulant la décision de la direction académique.

Officiellement, l’Éducation nationale reprochait à l’enseignant d’avoir failli dans la résolution d’un problème de harcèlement entre élèves. Sauf que l’avocat de Jacques Risso, maître Tartanson, affirmait dans La Provence que « c’est bel et bien son blog d’opinion » qui était « l’élément essentiel de la suspension ». « La justice a montré que je n’avais commis aucune faute », se réjouit auprès d’Enquêtes d’actu l’ancien directeur, aujourd’hui à la retraite.

Ce n’est pas la seule affaire qui a marqué ce village du Luberon. Après les attentats de janvier 2015 en France, Laurence Brillaud a appliqué avec zèle une circulaire du ministère de l’Éducation nationale transmise aux directeurs d’établissements dans le cadre du plan Vigipirate. L’inspectrice de l’Éducation nationale de la circonscription d’Apt, qui compte une quarantaine d’écoles dont celle de Rustrel, avait expressément demandé que les élèves utilisent non plus des cartables, mais des sacs plastique transparents pour transporter leurs affaires.

La consigne a été levée au bout de quelques jours, mais a duré suffisamment longtemps pour que l’histoire cocasse fasse le tour de la presse locale, régionale et nationale à l’époque.

À la suite de ces événements, Laurence Brillaud a été appelée dans l’Orne, à 1 000 km du Vaucluse. Jacques Risso, le directeur de l’école de Rustrel, se souvient que « les enseignants l’ont simplement vue disparaître de sa circonscription et à la rentrée, un nouvel inspecteur était là pour la remplacer ».

Contactée, Laurence Brillaud n’a pas daigné nous répondre. L’adjoint au directeur académique en charge du premier degré, Yannick Ruban, nous a fait savoir par mail qu’il n’avait « pas d’éléments à [nous] communiquer ». Joint par téléphone, le directeur académique, Jean-Luc Legrand a déclaré n’avoir « rien à dire sur le sujet ».

Robin Peter (Journal de l’Orne) et Raphaël Tual (Enquêtes d’actu)

Chaque enquête dans votre boite mail, pour être sûr de n’en louper aucune ! Inscrivez-vous par ici, c’est gratuit ! 

 

Violences envers les salariés de l’Education nationale : combien de victimes ? (7) La cité scolaire Lavoisier d’Auchel. La « rouetourne » a tourné ?

 

 

              La Voix du Nord de ce jour, dans sa version papier, consacre 2 pleines pages au lycée Lavoisier d’Auchel.
Un article en pages régionales, accessible à tous les lecteurs de cet incontournable média de la PQR (page 4).
Et un article en pages locales, pour la version « Béthunois Bruaysis » (page 10).

Il se trouve qu’il y a plusieurs décennies, j’ai travaillé sous les ordres d’un des membres de la direction de cette cité scolaire, à une époque où il débutait sa carrière de chef d’établissement.
Le hasard l’a voulu, j’ai également travaillé, bien plus tard, avec un autre membre de cette équipe de direction.

Ces derniers jours, plusieurs collègues m’ont contacté, m’ont fait part de ce qui se passait, et m’ont demandé mon point de vue sur les événements qui touchent le lycée et le collège Lavoisier d’Auchel.
J’aurais beaucoup de choses à dire à ce sujet.
Beaucoup.

Pour le moment je rappelerai simplement 3 faits, déjà évoqués sur ce blog, en espérant qu’on ne m’accule pas à en dire davantage.

1) Depuis plus de 20 ans je subis dans le cadre de mon métier d’enseignant des délits caractérisés de harcèlement moral ; un mobbing ultra-violent ; des répressions arbitraires et des infamies avilisantes ; des abus de pouvoir éhontés ; des manoeuvres minables ; les pires calomnies, diffamations, et médisances ; des intimidations multiples ; des brutalités ciblées et répétées ; quantité de violences hiérarchiques et administratives infligées sous un mince vernis de légalité… j’en passe et des pires.
C’est moche.

2) Depuis peu une partie de la haute administration du rectorat de Lille a amorcé une forme de volte-face ; et une poignée de gens honnêtes, au sein de l’institution scolaire, s’emploie à commencer à me ménager un peu.
C’est heureux.

3) Bien qu’il ne soit jamais trop tard pour bien faire, nier pendant toute une carrière les dérives que j’ai toujours dénoncées en tant que lanceur d’alerte s’accommode mal de leur évocation en filigrane sur le tard, lorsque soi-même on en devient une victime collatérale. Sous couvert de « loyauté » envers l’institution scolaire, on exécute les ordres – tous les ordres… tous ! , on se dédouane, on se tait, on ferme les yeux, on se bouche les oreilles, on n’entend pas les cris de souffrance, on ne regarde pas les vies brisées, on ne parle pas des pires injustices, on nie le réel ; et puis un beau jour, on se demande si, en quelque sorte, « la rouetourne n’a pas tourné » comme dirait Frank RIBERY.
Précision d’importance : non, je ne me réjouis pas, je ne me réjouis jamais, je ne me réjouirai jamais de violences faites à un salarié de l’Education nationale, quoi qu’ait pu faire ce fonctionnaire – et quoi qu’il ait pu me faire.
C’est ainsi.

Bon courage aux protagonistes de ce fait divers.
Ma porte leur est toujours ouverte s’ils souhaitent du soutien.

                                                                                                                              Pierre-André DIONNET

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https://www.lavoixdunord.fr/1402404/article/2023-11-28/le-college-lavoisier-brise-par-un-cas-de-harcelement-scolaire-auchel

Harcèlement scolaire : après l’intervention d’un groupe de motards, un collège se dit «brisé »

D’un côté, une poignée de motards déterminés à soutenir Léa, 13 ans, qui se dit victime de harcèlement scolaire, félicités par le ministre Gabriel Attal. De l’autre, un proviseur à l’arrêt soutenu par l’équipe éducative et la municipalité. Et au milieu, les parents d’élèves inquiets aspirent au retour à la sérénité.

 Article réservé aux abonnés

 

Viols et pédophilie dans l’Education Nationale (29) Un agent du rectorat de Lille condamné avec sursis pour harcèlement sexuel… mais des chefs d’établissements violeurs qui passent quasi systématiquement à travers les mailles des filets.

 

                 

 

       C’est au bénéfice de criminels et de délinquants sexuels que dans l’Education nationale s’additionnent les deux Omerta du #metoo et du #PasdeVague. Une double Omerta confortée par des mécanismes profondément ancrés de censures, de soumissions hiérarchiques structurelles, et de voilements bureaucratiques spécifiques à l’institution scolaire. En 2023, il reste à peu près impossible pour une AESH, pour une secrétaire, pour une adjointe technique territoriale, ou pour une enseignante agressée sexuellement de se faire entendre. Il reste impossible d’obtenir justice. Quand on travaille dans une école, dans un collège ou dans un lycée, cela reste quasiment impossible.

Sporadiquement, quelques affaires remontent tout de même à la surface, mais toutes presqu’exclusivement situées dans deux périmètres : d’une part celui des facultés et des universités ; et d’autre part celui des administrations, c’est-à-dire celui des bureaux des rectorats ou du ministère. Il est moins difficile de se faire entendre lorsqu’on ne travaille pas du tout au contact d’élèves, c’est factuel. L’épluchage et le recensement méthodique des articles de presse et autres sources d’informations (presse quotidienne régionale, presse nationale, médias numériques, bulletins syndicaux, réseaux sociaux, etc.) en apportent une preuve formelle. Aujourd’hui, dans La Voix du Nord, le journaliste Sébastien BERGES publie un article évoquant la condamnation pour harcèlement sexuel et moral d’un agent du rectorat de Lille.

Problème : si cet homme avait exercé les fonctions de proviseur, on peut être à-peu-près certain que rien ne l’aurait jamais arrêté dans sa spirale de méfaits. Combien d’années faudra-t-il encore pour que les lignes bougent, et pour que les victimes puissent espérer voir le déni du réel voler enfin en éclats ?

  

                                                                                                                    Pierre-André DIONNET

      

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Ci-dessous (article complet réservé aux abonnés), article de Sébastien BERGES, La Voix du Nord, 24 novembre 2023.

https://www.lavoixdunord.fr/1400482/article/2023-11-23/un-agent-du-rectorat-de-lille-condamne-pour-harcelement-sexuel-et-moral-sur-ses

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Harcèlement hiérarchique : le grand Déni de l’Education Nationale (38) Démission du DRH du rectorat de Versailles après les 55 « courriers de la honte ». Quid des courriers similaires envoyés aux enseignants ?

          

           On apprend aujourd’hui (1) par la presse la démission du Directeur des Ressources (in-)Humaines du rectorat de Versailles, suite au scandale des 55 « courriers de la honte » menaçant des parents d’élèves (2). Nicolas, 15 ans, élève violement harcelé, s’est donné la mort quelques semaines après que ses parents aient reçu un de ces courriers glaçants.

Combien de « courriers de la honte » ont été envoyés, académie par académie, ces dix dernières années, à des enseignantes ou à des enseignants ayant simplement signalé qu’ils subissaient ou avaient été témoins de situations « anormales » ? C’est le genre d’information qui fait l’objet d’une Omerta liée à la culture du #PasdeVague. Et il est dommage qu’aucun journaliste n’enquête sur ces sujets tabous.

                                                                                                                       Pierre-André DIONNET

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(1) Article du 23 octobre 2023, Clément Machetto, Femme Actuelle : https://www.msn.com/fr-fr/actualite/france/suicide-de-nicolas-15-ans-%C3%A0-poissy-le-drh-du-rectorat-de-versailles-d%C3%A9missionne-apr%C3%A8s-la-lettre-de-la-honte/ar-AA1iIiW7?ocid=msedgntp&pc=LCTS&cvid=c047558f305b4d36829b7279d43ea7a5&ei=10  

(2)  Article du 25 septembre 2023, RTLhttps://www.rtl.fr/actu/politique/harcelement-gabriel-attal-indiqe-que-55-courriers-qui-posent-probleme-au-rectorat-de-versailles-7900301899

Suicide de Nicolas, 15 ans, à Poissy : le DRH du rectorat de Versailles démissionne après la "lettre de la honte"

Suicide de Nicolas, 15 ans, à Poissy : le DRH du rectorat de Versailles démissionne après la « lettre de la honte »© Pixabay 

À l’origine d’un courrier décrit comme étant la « lettre de la honte » – qui était adressé aux parents de Nicolas, un jeune adolescent de 15 ans ayant mis fin à ses jours – le directeur des ressources humaines du rectorat de Versailles a quitté ses fonctions, comme l’a révélé RTL lundi 23 octobre 2023. 

Sa mort avait fait couler beaucoup d’encre dans les médias. Victime de harcèlement scolaireun adolescent de 15 ans, prénommé Nicolas, s’est suicidé le mardi 5 septembre 2023. Le jeune garçon a mis fin à ses jours au sein de son domicile à Poissy, situé dans le département des Yvelines. Ayant connaissance du calvaire que leur fils vivait au lycée Adrienne-Bolland de Poissy, les parents de Nicolas avaient alerté le proviseur de l’établissement, tout en menaçant de porter plainte. Après cela, ils avaient reçu un courrier cinglant de la part du rectorat de Versailles. Dans cette fameuse « lettre de la honte »il leur était demandé « d’adopter une attitude constructive et respectueuse »Ce courrier, qui a été abondamment relayé dans les médias, évoquait un « supposé harcèlement » de leur fils, tout en jugeant « inacceptables » les propos des parents, qui auraient « remis en cause » l’attitude du personnel de l’établissement. La lettre adressée aux parents de Nicolas « a été rédigée et signée par la direction des ressources humaines du rectorat », comme l’avait révélé l’ex-rectrice de l’académie de Versailles, Charline Avenel, le samedi 23 septembre 2023 dans Le Parisien

Femme Actuelle
FEMME ACTUELLE – Suicide de Nicolas, 15 ans, à Poissy : “des crachats”, “t’es pas beau”, le père de l’adolescent témoigne du calvaire de son fils
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Le DRH du rectorat de Versailles avait reçu des menaces

Près de deux mois après le suicide de Nicolas, le directeur des ressources humaines du rectorat de Versailles a quitté ses fonctions, comme l’a révélé RTL lundi 23 octobre 2023. Lorsque la « lettre de la honte » fut rendue publique, le DRH avait reçu de nombreux messages et appels de menaces. Il s’était alors mis en arrêt maladie, avant d’être remplacé par sa directrice adjointe. Le ministre de l’Education nationale, Gabriel Attal, s’était d’ailleurs déplacé au rectorat de Versailles à cette occasion. Pour le moment, une enquête administrative est encore en cours. Celle-ci doit déterminer les responsabilités au sein du rectorat concernant ce fameux courrier. De son côté, l’ancienne rectrice de l’académie de Versailles avait présenté ses excuses aux parents de Nicolas. « Je présente en mon nom et au nom de l’institution que j’ai dirigée des excuses aux parents. Il est inadmissible qu’ils aient reçu un tel courrier. […] Lorsque j’ai découvert, il y a une semaine, dans la presse, l’existence de ce courrier, j’étais effondrée », avait-elle indiqué au Parisien.  

Viols et pédophilie dans l’Education Nationale (28) Double Omerta à l’Université de Bordeaux-Montaigne.

 

                 

 

       Comment s’additionnent l’Omerta du #metoo et celle du #PasdeVague ? Deux ans et demi plus tard, je peux presque reprendre mot pour mot ce que j’écrivais dans mon précédent billet sur ce thème, le 9 février 2021. Avec une nuance de taille : dans l’académie de Lille, sous l’impulsion volontaire de la Rectrice et de ses « bras droits », des actions louables sont menées pour protéger les victimes et pour mettre un terme à l’impunité des agresseurs ; oui, les choses évoluent dans le bon sens, et on ne peut que s’en féliciter.    

Aujourd’hui c’est à l’Université Bordeaux-Montaigne que se fissure un peu l’Omerta, longtemps après les révélations de l’enseignante, philosophe et chercheuse Barbara STIEGLER, et les signalements concordants d’une dizaine d’étudiantes.           

 *   *   *

  

        « Il n’est pas étonnant que la parole se libère d’abord dans des universités, des facultés, des grandes écoles, des IEP ( Sciences Po, depuis le 23 janvier dernier (1) ) plutôt que dans des écoles, collèges et lycées.

Il est indéniable – bien que leur administration cultive et s’enfonce dans le déni du réel – il est indéniable, que des affaires de moeurs ont été étouffées et sont encore étouffées en 2021, dans à peu près tous les rectorats, avec la complaisance des personnes-mêmes censées, au sein de l’institution scolaire, faire barrage et constituer des garde-fous contre ces délits et ces crimes.

Pour être chronologiquement le premier lanceur d’alerte à avoir abordé ce sujet, je mesure bien l’ampleur des pressions qui pèsent sur celles et ceux qui voudraient parler. Simplement parler. Je mesure les moyens mis en oeuvre pour tuer socialement, discréditer, écraser et museler les victimes et les rares personnes qui leur viennent en aide. Je mesure bien le progrès de ces dernières années, le chemin parcouru depuis octobre 2017 (l’éclosion de #metoo), et le chemin qui reste à parcourir pour que Messieurs X, Y, Z et autres Zoubinard – parfaitement identifiés par les pontes des rectorats – soient pour les uns tenus de rendre des comptes, et pour les autres empêchés de poursuivre leurs méfaits sur leur lieu de travail. 

 « Victimes, on vous croit », conclut Lina FKH, au terme de son article publié ce jour sur Stalk ! .

Mais croire une femme, victime de ces mêmes crimes ou de ces mêmes délits, survenus, eux, dans une petite structure scolaire isolée, en province… cela demandera encore beaucoup de temps. 

Quant à prendre en compte la parole des victimes de mobbing ou de harcèlement hiérarchique ne comportant pas de dimension sexuelle… cela sera bien plus long encore, ou ne se fera peut-être jamais. » 

                                                                                                                    Pierre-André DIONNET

(1) https://www.20minutes.fr/societe/2972775-20210209-hashtag-sciencesporcs-denonce-viols-agressions-sexuelles-instituts-etudes-politiques

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Ci-dessous, article de Sophie SERHANI et Yann SAINT-SERNIN, Sud Ouest, 20 octobre 2023.

https://www.sudouest.fr/gironde/bordeaux/enquete-des-que-j-ai-parle-le-departement-de-philosophie-a-explose-scandale-metoo-a-l-universite-bordeaux-montaigne-17147709.php

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ENQUÊTE – « Dès que j’ai parlé, le département de philosophie a explosé » : scandale #MeToo à l’université Bordeaux-Montaigne

Par Sophie Serhani et Yann Saint-Sernin
La philosophe Barbara Stiegler accuse un ancien vice-président de l’Université de viol. Plusieurs étudiantes pointent des comportements inappropriés chez ce même enseignant qui conteste ces accusations. La gestion du dossier par l’Université est vivement critiquée

Lettres ouvertes, signalements, plaintes, contre-plaintes… La vague #MeToo n’en finit pas de déferler sur l’Université Bordeaux-Montaigne. Depuis plusieurs mois, le Département de philosophie est secoué par un séisme. Ce vendredi, un ancien directeur de laboratoire, qui était vice-président de l’Université au moment des faits qui lui sont reprochés, devait s’expliquer devant une commission de discipline dépaysée à Toulouse. La philosophe Barbara Stiegler l’accuse de l’avoir violée.

À l’automne 2021, après avoir déposé une main courante (une plainte sera déposée au printemps 2022), la professeure a fait état auprès de la direction de son UFR d’une soirée à son domicile en mai 2020. Cet enseignant se serait jeté sur elle et lui aurait imposé une pénétration digitale. « Nous contestons absolument ces accusations qui ne résultent que d’un flirt entre adultes consentants sans aucun acte sexuel », répond Me François Tosi, l’avocat du professeur qui pointe une « vengeance personnelle ».

Au printemps dernier, le parquet de Bordeaux a classé sans suite l’enquête préliminaire diligentée sur cette affaire. Dans la foulée, Me Emmanuelle Decima, l’une des avocates de la philosophe, a déposé une nouvelle plainte avec constitution de partie civile qui devrait logiquement aboutir à la désignation prochaine d’un juge d’instruction. Nul ne sait si l’analyse de ce magistrat sera différente de celle du parquet.

Télescopage

« Nous estimons que des actes d’enquête peuvent être encore réalisés pour connaître la vérité. Pour l’heure, aucune expertise psychologique n’a été menée, ni sur la plaignante ni sur le mis en cause. Il est regrettable que le télescopage entre l’enquête judiciaire et une procédure administrative très inhabituelle ait permis au mis en cause de prendre connaissance de tous les éléments qui lui seraient présentés par les policiers. Peu de témoins ont par ailleurs été entendus », pointe l’avocate.

Les étudiantes se disent sans nouvelles de la procédure initiée par l’Université

Barbara Stiegler s’était en effet confiée à un collègue quelques jours après les faits dénoncés. « Elle m’a raconté la scène au téléphone. Il était clair dans son discours qu’elle n’était pas consentante. Elle en parlait de façon détachée, comme c’est parfois le cas dans ce type de situation. J’ai beaucoup de mal à croire à une manipulation de sa part, cela supposerait qu’elle avait déjà prévu que cette conversation appuierait une plainte qu’elle déposerait plus d’un an plus tard », glisse ce professeur de droit honorablement connu, interrogé par « Sud Ouest ».

« Lorsque l’agression s’est produite, je n’ai pas eu la force d’initier quoique ce soit. Nous sortions du confinement, il s’est passé beaucoup de temps avant que la vie universitaire ne reprenne. Confrontée physiquement et régulièrement à mon agresseur, j’ai pris conscience que je ne pouvais pas taire cette histoire », explique la philosophe.

Interrogations

Quelle que soit l’issue des procédures judiciaires et disciplinaires en cours, la gestion de ce dossier par l’Université suscite de profondes interrogations au sein de l’institution qui a fait de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles un cheval de bataille. A-t-on eu des pudeurs inhabituelles, s’agissant d’un mis en cause réputé puissant et haut placé dans l’organigramme universitaire (et à tout le moins proche du président) ? « On ne peut que remarquer que d’autres affaires ont connu un traitement plus diligent », murmure Marie Duret-Pujol, représentante du syndicat Snesup.

A-t-on eu des pudeurs inhabituelles, s’agissant d’un mis en cause réputé puissant ?

Selon un courrier dont « Sud Ouest » a eu connaissance, le président Lionel Larré a été informé de façon circonstanciée, oralement et par écrit, dès le 15 décembre 2021, par son vice-président lui-même, des accusations portées par Barbara Stiegler. Le signalement au parquet ne sera réalisé par le président que le 16 juin de l’année suivante, alors qu’une demande de protection fonctionnelle venait d’être déposée.

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TÉMOIGNAGES – Une dizaine d’anciennes étudiantes, qui ont fréquenté ce professeur lors de leurs études en philosophie, ont alerté la cellule de veille de l’université Bordeaux Montaigne sur des comportements déplacés et de différentes intensités. L’enseignant conteste ces accusations

L’enseignant sera finalement invité à démissionner de sa vice-présidence. Il faudra encore attendre l’automne 2022 pour qu’une enquête administrative confiée au rectorat soit diligentée et encore plusieurs mois avant que la commission de discipline ne soit saisie.

Les langues se délient

Pourquoi de tels délais alors que par ailleurs, dès début 2022, les langues se déliaient au sein du département où une dizaine d’étudiantes commençaient à faire état de comportements inappropriés de la part du même professeur ? « Le département était à feu et à sang, il y avait les pro et les anti Barbara. Cela a été très violent. Et nous sommes restés seuls avec ça. Nous avons à plusieurs reprises sollicité la présidence sans autre réponse qu’un rappel des textes juridiques nous demandant, en gros, de nous taire », s’agace un prof de philo.

« Dès que j’ai parlé, le département de philosophie a explosé. C’est comme une famille, vous la voyez se déchirer et vous êtes désignée comme la cause du désastre », raconte Barbara Stiegler. « Dans cette affaire, j’ai le sentiment d’avoir été seule. J’ai essuyé une violence institutionnelle, où à chaque étape, me faire entendre a été une épreuve ».

« J’ai le sentiment d’avoir été seule. J’ai essuyé une violence institutionnelle, où à chaque étape, me faire entendre a été une épreuve »

L’Université semble ne s’être considérée administrativement saisie qu’à partir du moment où la cellule Stop violence (destinée à recueillir les signalements) l’était. Barbara Stiegler affirme avoir saisi oralement une de ses membres le 8 mars 2022. Puis par écrit en avril. « Jusqu’en juin, il ne se passe rien ! Vu la gravité des faits dénoncés, même ces trois mois sont incompréhensibles », s’insurge Marie Duret-Pujol.

« La cellule était essentiellement composée de proches de la présidence et je redoutais une entrave à la procédure pénale. Or à quoi a-t-elle servi ? Elle m’a envoyée en psychiatrie, m’a fait remplir des formulaires administratifs, et les signalements des étudiantes semblent avoir été enterrés », tacle Barbara Stiegler.

« Comportement répréhensible »

La réception de signalements d’étudiantes par la cellule à l’automne 2022 va vraisemblablement précipiter la saisine du rectorat. Dans son rapport, rendu quelques mois plus tard, l’administration évacue la thèse d’une vengeance personnelle de la part de Barbara Stiegler, mais, peu armée pour caractériser ou non un viol, elle reste prudente sur ce point. En revanche, elle estime les témoignages suffisamment concordants pour étayer « un comportement déplacé et répréhensible à l’égard d’étudiantes et de collègues constitutifs d’agissements à caractère sexuels et sexistes » de la part du professeur. Ce dernier les conteste âprement. « Toute cette histoire est complètement folle », grince Me Tosi qui a, de son côté, déposé une plainte pour dénonciation calomnieuse, reprochant notamment à Barbara Stiegler d’avoir « invité » des étudiantes à témoigner contre son client qui a été suspendu à titre conservatoire cette année.

Mais depuis leurs dépositions, les étudiantes se disent sans nouvelles de la procédure initiée par l’Université. « Elles se sont tournées vers nous car aucune information ne leur était donnée. Depuis des mois, nous sollicitons l’Université, car ces femmes ont besoin de savoir quelles suites ont été données à leur action. Mais nous n’avons aucune réponse », relate Annie Carraretto, du Planning familial à Bordeaux.

Les étudiantes oubliées

La saisine de la commission de discipline, une prérogative du président de l’Université, a bien été réalisée le 1er mars 2023. Mais une ultime information s’est répandue comme une traînée de poudre. « Lorsque nous avons été entendus par la commission disciplinaire, nous avons appris qu’elle n’était saisie que du volet concernant Barbara Stiegler et pas sur celui des étudiantes », s’étrangle Me Clémence Radé, l’une des avocates de la philosophe. Un point confirmé par plusieurs témoins entendus ces derniers jours par la commission qui pourrait ainsi n’avoir à statuer que sur le volet le plus fragile du rapport administratif.

Ceci explique-t-il l’étonnant silence de l’Université face aux étudiantes ? S’agit-il d’une erreur de plume dans la rédaction de la saisine ? A-t-on voulu ne saisir la commission que sur le volet où elle aurait le plus de mal à se prononcer ?

« On sait que dans ce type de dossier, les femmes qui ont le plus de mal à se faire entendre sont soit celles qui paraissent les plus vulnérables soit celles qui paraissent les plus fortes. Il est à craindre que cette affaire illustre les deux côtés du spectre », soupire un professeur bordelais.

Sollicité à plusieurs reprises, Lionel Larré, le président de l’Université, n’a pas souhaité faire de déclaration « afin de ne pas perturber la procédure en cours », assurant qu’il livrerait ses explications une fois celle-ci achevée.  

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Ci-dessus, article de Sophie SERHANI et Yann SAINT-SERNIN, Sud Ouest, 20 octobre 2023.

https://www.sudouest.fr/gironde/bordeaux/enquete-des-que-j-ai-parle-le-departement-de-philosophie-a-explose-scandale-metoo-a-l-universite-bordeaux-montaigne-17147709.php

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Hommages à Monsieur Samuel PATY. Nous n’oublierons pas. Jamais. (5) Mickaëlle PATY devant la Commission parlementaire du Sénat : des faits accablants pour l’administration de l’Education nationale.

 

 

Ce 17 octobre 2023, une des soeurs de Monsieur Samuel PATY, Mickaëlle, a témoigné de la façon dont son frère avait été trahi, sali, lâché, abandonné, accablé, enfoncé, sacrifié par la plupart de ses collègues, par sa hiérarchie, et par l’administration de l’Education nationale.

       

      Ce 17 octobre 2023, une des soeurs de Monsieur Samuel PATY, Mickaëlle, a témoigné devant une Commission d’enquête du Sénat, de la façon dont son frère avait été trahi, sali, lâché, abandonné, accablé, enfoncé, sacrifié par… la plupart de ses collègues, par sa hiérarchie, et par l’administration de l’Education nationale.

On savait en outre que le rapport de l’IGESR, Inspection Générale de l’Education, des Sports et de la Recherche était aussi « bidon » qu’un des pires rapport de l’IGPN, puisqu’il ne visait factuellement qu’à dédouaner l’institution scolaire de ses fautes successives, de ses graves manquements et de très sa lourde responsabilité dans l’assassinat de Monsieur Samuel PATY. Cela a été confirmé une fois encore lors de cette audition. L’administration sait s’y prendre quand il s’agit de blanchir l’administration. Et les faits décrits dans les ouvrages de David DI NOTA J’ai exécuté un Chien de l’Enfer et de Stéphane SIMON Les derniers Jours de Samuel Paty,  sont irréfutables. On s’est uniquement attelé à protéger les responsables et les coupables, aussi sûr que 2 et 2 font 4. 

 

Pour bénéficier d’un bon emploi du temps ou d’une minime avancée de carrière, nombreux sont les « profs » (ce ne sont pas de vrais professeurs) à accepter de salir un collègue et à choisir de l’envoyer vers une mort atroce. 

 

        On sait moins en revanche – sauf à être passé par là – quel degré d’ignominie certains individus peuvent atteindre, lorsqu’il s’agit de préserver leur petit confort. Oui, pour bénéficier d’un bon emploi du temps ou d’une minime avancée de carrière, nombreux sont les « profs » (ce ne sont pas de vrais professeurs) à accepter de salir un collègue et à choisir de l’envoyer vers une mort atroce. Mort sociale et mort à petit feu pour des milliers d’anonymes ; mort barbare par égorgement pour Monsieur Samuel PATY. Mort, dans les deux cas, mort.                    

                                                                                                                                  Pierre-André Dionnet

 

Vidéo de l’audition de Mickaëlle PATY ci-dessous :

https://www.publicsenat.fr/actualites/parlementaire/direct-suivez-a-15h00-laudition-de-mickaelle-paty-par-la-commission-denquete-du-senat-sur-les-agressions-denseignants?utm_medium=Social&utm_source=Twitter#Echobox=1697555126

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Une journée de deuil national ? Non ! Les professeurs ne la méritent pas.


     

         L’assassinat de Monsieur Dominique Bernard est venu redoubler horriblement l’hommage à Monsieur Samuel Paty.

Trois ans après la mort atroce de Monsieur Samuel Paty,
trois jours après celle de Monsieur Dominique Bernard,
une journée de deuil national aurait permis de prouver que ce pays prend au sérieux, estime et respecte les professeurs, pour ce qu’ils sont, pour ce qu’ils font, pour ce qu’ils donnent.

Les nounours, les bougies, les fleurs, les larmes et les témoignages de pure émotion sont bien gentils. Mais ils ne résolvent rien.
Ils ne résoudront rien.
Il n’empêcheront rien, demain. Au contraire.
Au contraire : ce n’est pas l’émotion en boucle qui protègera les enseignants, mais c’est le fruit de la réflexion.
Une réflexion de fond qui déboucherait sur des actions concrètes (les propositions de bon sens ne manquent pas), loin des formules creuses qui enfument les esprits.

On nous présente comme « des héros » : ceux qu’on envoie se sacrifier au front et qu’on récompense après coup par un compliment public ?
On nous désigne martialement comme « les soldats de la République » : est-ce que ce n’est pas nous mettre une cible dans le dos ?
On nous demande de « faire bloc ». Mais comment ? Concrètement ? Avec quoi ? Monsieur Dominique Bernard a fait bloc de son corps, avant-hier. Il en est mort.
On évoque « une journée de solidarité », mais deux heures d’échanges le matin en secondaire, rien qu’une minute de silence en primaire, non, cela ne fait pas une journée – encore moins une journée de deuil national.

Oui, on pourrait rendre plus forte l’Ecole publique.
Oui, on pourrait protéger les enseignants.
Oui, on pourrait agir efficacement.
Le veut-on réellement ?

                                                                                                                    Pierre-André Dionnet

 

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Ci-dessous, « Il aurait fallu un peu de dignité… » / Philipe MEIRIEU, Le Café pédagogique, 16 octobre 2023.

https://www.cafepedagogique.net/2023/10/16/philippe-meirieu-il-aurait-fallu-un-peu-de-dignite/

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Philippe Meirieu : Il aurait fallu un peu de dignité…

 

Aucune parole ne pouvait être à la hauteur de l’événement et il aurait mieux valu, sans doute, s’en tenir au silence. Un silence collectif et solidaire. Un silence assourdissant pour enjoindre nos concitoyens de mettre un terme aux lieux communs et aux invectives sur les réseaux sociaux, aux commentaires bavards et filandreux des chaînes d’information en continu, aux pseudo-analyses et aux interprétations prématurées des journalistes pressés, aux récupérations honteuses de tous ceux et toutes celles qui, la veille, affichaient, jusque dans les salons de l’Assemblée nationale, leur mépris pour les professeurs et qui, tout à coup, se mirent à multiplier les déclarations d’amour à leur égard. Il aurait fallu de la dignité.

Il aurait aussi fallu penser à celles et ceux qui, aujourd’hui et demain, vont se retrouver devant des élèves, la tristesse au cœur et la colère au ventre, et qui vont devoir – parce que c’est là ce qui donne sens à leur métier – « faire l’École » pour pouvoir « faire la classe » : créer, envers et contre tout, cet espace-temps particulier où l’on s’efforce de s’approcher ensemble, le plus sereinement possible, de la précision, de la justesse et de la vérité. Il aurait fallu leur dire que l’on savait bien que c’était là l’essentiel, la chose la plus précieuse et la plus indispensable pour notre démocratie et notre avenir commun. Il aurait fallu reconnaître que l’on a toujours tort de réduire le travail des professeurs à un ensemble de services dont les parents seraient les clients. Et qu’au-delà de l’indispensable reconnaissance financière, les professeurs ont infiniment besoin d’une reconnaissance sociale et symbolique.

Certes, on a souligné, ici ou là, que, si le fanatisme islamiste s’en est pris, une fois de plus, à un professeur, c’est, de toute évidence, parce que ce dernier incarne tout ce qu’elle déteste et veut détruire : l’accès à une pensée exigeante et le refus de toute forme d’emprise, la lutte contre tous les slogans et toutes les théories du complot, l’effort pour ne jamais s’en tenir aux fausse évidences et la volonté de permettre à chacun et à chacune de « penser par lui-même » sans jamais renoncer à « construire du commun ». Prenons-en acte. Mais tirons-en aussi les conséquences : si le professeur incarne cela, c’est à cela qu’il doit être formé et de cela qu’il doit rendre compte, d’abord et avant tout. Voilà qui devrait, en toute logique, amener la société tout entière à s’interroger sur l’importance que nous donnons aux évaluations nationales et internationales, aux classements de toutes sortes… et à cet impensé collectif si prégnant selon lequel c’est la concurrence qui fait la qualité dans notre système scolaire.

Et puis, craignons qu’une fois l’émotion retombée, on oublie un peu vite que le métier de professeur, comme tous les métiers de l’humain – le travail social, la santé, l’animation, l’éducation spécialisée, l’aide aux personnes… mais aussi la police et la gendarmerie qui ne font pas exception ici – ne peuvent être soumis à l’absurde « obligation de résultat » à court terme. Ici, on ne fabrique pas des humains, on les accompagne. Cela nécessite du soin et du temps. Cela ne se réduit pas à du « reporting » et au remplissage de tableaux Excel. Cela est incompatible avec l’obéissance à des injonctions verticales qui se télescopent quand elles ne se contredisent pas. Craignons, plus que tout, la réduction du métier de professeur à une « machine à enseigner » chargée d’enrôler tant bien que mal des « machines à apprendre »… à remplir des QCM… et à se soumettre à des évaluations standardisées.

L’exemple de Dominique Bernard devrait désormais dissiper tout malentendu : enseigner est affaire de courage. Les professeurs sont « au front »… au front des inégalités sociales, de la montée de l’individualisme et des communautarismes, de l’emprise des publicitaires et des réseaux sociaux. On leur demande d’apprendre à leurs élèves à « lire, écrire, compter et respecter autrui »… quand la société, autour d’eux, totémise les images et cultive le slogan, quand les médias surenchérissent dans la démagogie et la vulgarité. Il leur faut pourtant reprendre tous les matins le chemin de l’école et témoigner sereinement du caractère fondateur de l’exercice de la raison. Il faut qu’en classe ils accueillent chacun et chacune avec sa singularité pour que toutes et tous partagent les mêmes savoirs. Dure tâche. Le président de la République a dit qu’il fallait « faire corps » autour d’eux. Espérons que l’injonction survivra et sera entendue au-delà du temps, indispensable, du deuil.

 

Philippe Meirieu

  

 

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Ci-dessus, « Il aurait fallu un peu de dignité… » / Philipe MEIRIEU, Le Café pédagogique, 16 octobre 2023.

https://www.cafepedagogique.net/2023/10/16/philippe-meirieu-il-aurait-fallu-un-peu-de-dignite/

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Violences envers les salariés de l’Education nationale : combien de victimes ? (6) Un mot, un mort.

 

 

                       

UN MOT, UN MORT.

« Un mot, une cible dans le dos, un coup de couteau, un mort : bravo…

Oui, bravo, monsieur le chef d’établissement ! »

 

     

      

Un mot. Un seul. Un seul mot.
Il suffit de glisser un mot à l’oreille d’un adolescent un peu trop sensible,
pour le persuader qu’un de ses professeurs – celui qui prend la peine de le mettre au travail ou de le recadrer quand il dérape –
est un monstre qui s’acharne injustement contre lui.

Un mot. Un seul. Un seul mot.
Il suffit de glisser un mot à l’oreille d’un adolescent mal dans sa peau,
pour lui faire croire qu’un de ses maîtres – celui qui élève pour de vrai le niveau des chères têtes blondes qu’on lui confie –
le respecte encore moins que s’il était pis qu’un esclave.

Un mot. Un seul. Un seul mot.
Il suffit de glisser un mot à l’oreille d’un adolescent réellement fragile,
pour le convaincre qu’un de ses enseignants – celui qui gêne monsieur le proviseur parce qu’il vote toujours contre les suppressions de postes en Conseil d’Administration, ce qui pourrait donner de très mauvaises idées à d’autres –
est une ordure qui abuse de son autorité.

Mais là-dedans, qui est « l’ordure », qui est le zoubinard ?
Le principal de collège qui manipule, instrumentalise, téléguide un gosse paumé de 14 ans, au risque qu’il larde de coups de couteaux son professeur d’Education musicale ?
Ou le professeur en question, qui en 55 minutes de cours, a demandé 7 fois à Kevinou de cesser de donner des coups de poing dans le visage de sa voisine Jessica au prétexte qu’elle chanterait trop fort selon lui ?

Qui est le zoubinard ?
Le CPE qui en toute connaissance de cause, à strictement interdit à la stagiaire d’Anglais d’exclure un élève, quelles que soient les circonstances ?
Et qui renvoie systématiquement en cours Brian, chaque fois qu’il est exclu du cours d’Anglais parce qu’il insulte et menace son enseignante tout en faisant des trous dans la table avec son cutter ?
Ou la jeune femme inexpérimentée qui tente patiemment d’expliquer à Brian que son comportement n’est pas tout à fait celui attendu de la part d’un élève ?

Qui est le zoubinard ?
L’adjoint au proviseur qui voit s’accumuler sur son bureau 3, 5, 10 rapports d’incidents graves… mais qui laisse volontairement la situation pourrir et s’aggraver encore plus, parce que la jolie agrégée de philosophie a repoussé ses avances et qu’il veut lui donner « une bonne leçon » ?
Ou l’enseignante en question, assez naïve pour croire que cet adjoint a réellement sermonné les élèves violents qui bordélisent son cours ?
Et qu’il a vraiment convoqué leurs parents pour les inciter et les aider à reprendre l’ascendant sur leurs enfants en pleine dérive ?

Qui est le mieux considéré par le rectorat ? Qui mènera belle carrière, puis partira tranquillement à la retraite, avec les « honneurs », les palmes académiques, et une confortable pension ?
Le pervers alimentant sciemment des haines irrationnelles aux conséquences tragiques ? Ou bien ses victimes ?

     

Qui est encore dupe en 2023 ?
Qui ?
Qui ferme encore et toujours les yeux, dans les rectorats, et dans plusieurs ministères (Education nationale bien sûr, mais aussi Intérieur et Justice) ?
Qui ignore encore que ces méthodes éprouvées sont largement employées dans trop d’établissements scolaires, dans le cadre tabou de la francetélécomisation à marche forcée et à bas bruit des salariés de l’Education nationale ?

Pierre-André Dionnet

         

N.B. 1 : Pour ma part je refuse de qualifier d’ « ordures » les individus qui emploient ces méthodes, et bien des visages me viennent à l’esprit, bien des noms me viennent aux lèvres (sans parler de ces pseudo-syndicalistes de premier plan qui ont pour règle intangible de les protéger).
Non, je ne les appelle pas ainsi, mais j’affirme qu’ils se comportent ou se sont comportés comme tels.
Les vrais enseignants distinguent toujours ce que fait quelqu’un, de ce qu’il est. 

N.B. 2 : Et pour ceux qui douteraient encore, ou qui auraient tout intérêt à entretenir le déni du réel, je vous renvoie entre autres aux tragédies vécues par mon collègue William :
https://faitestairecepetitprofbonsang.wordpress.com/2021/06/03/harcelement-hierarchique-le-grand-deni-de-leducation-nationale-28-le-proviseur-de-william-couvert-par-les-uns-et-par-les-autres-une-affaire-representative-de-milliers-dautres/
et par les agents du service public évoqués par Remedium :
https://faitestairecepetitprofbonsang.wordpress.com/2020/12/13/harcelement-hierarchique-le-grand-deni-de-leducation-nationale-21-cas-decole-de-remedium-la-bande-dessinee-a-glisser-sous-les-sapins-cette-annee/

 

 

Violences envers les salariés de l’Education nationale : combien de victimes ? (5) Hommage à Monsieur Dominique BERNARD.

 

 

                       

13 octobre 2023, Monsieur Dominique BERNARD a été tué parce qu’il était un enseignant.

Dégoût. Tristesse. Colère.

Soutien aux personnes concernées.

Courage aux enseignants et à tous les salariés de l’Education nationale.

13 octobre 2023, Monsieur Dominique BERNARD a été tué parce qu’il était un enseignant.
Pendant que des dizaines de milliers d’enseignants sont maltraités au quotidien, malmenés lourdement, « samuelpatysés » à tout petit feu, détruits petit-à-petit.
Qui s’en émeut ?
Qui s’en soucie ?
Qui agit réellement pour faire reculer les violences qui leur sont faites ?

Violences salariales,
violences verbales,
violences morales,
violences psychologiques,
violences physiques,
violences symboliques,
violences sexistes,
violences sexuelles,
violences administratives,
violences hiérarchiques,
violences institutionnelles et institutionnalisées,
violences quotidiennes,
violences banales, banalisées.
Les taire, c’est les cautionner.

 

                                                                                                                               Pierre-André DIONNET

 

Un « prof’ », ce n’est pas un professeur ! (4) Monsieur Cours VS Madame Super et Monsieur Cool : « Le Projet #Adopte une loutre# c’est trop cool… mais en cours vous faites quoi ? ».

      Le texte dense et fin de Nora V. proposé ici à votre lecture n’est pas qu’un texte rigolo, par le ton employé, résolument comique.
Il est aussi tragique, parce qu’il pointe avec lucidité une partie des enjeux, des méthodes et de la mise en oeuvre de la destruction volontaire et consciente de l’Education nationale par l’Education nationale.

Sa conclusion opère le distinguo entre deux types d’enseignants.
Il y a d’un côté ce qu’on pourrait appeler les « profs ». Et de l’autre les « professeurs ».

D’un côté Madame Super et Monsieur Cool. De l’autre Monsieur Cours, Monsieur Option et Monsieur Sérieux.

La différence entre un « prof » et un « professeur » ? Ils ne font pas la même chose en cours. Mais qui s’en soucie encore ?

                                                                                                                    Pierre-André Dionnet

 

 

 

 

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Ci-dessous, La Fabrique des Là-pas-là, article du 27 avril 2023, Nora V. publié sur le site Lundi Matin.

https://lundi.am/La-fabrique-des-La-Pas-La

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LA FABRIQUE DES LÀ-PAS-LÀ

ou le non-présentisme comme manière de vivre
[Lettre ouverte aux parents d’élèves]

paru dans lundimatin#380, le 27 avril 2023
 

Après celui de l’absentéisme, des élèves comme des professeurs, un autre fléau s’abat sur l’Éducation Nationale : le non-présentisme, conséquence directe d’années de réformes visant à transformer l’École en Entreprise cool – la dernière en date (Blanquer) ayant drastiquement accéléré le processus déjà en cours. Le métier de professeur s’en est trouvé dénaturé, le métier d’élève détruit, redéfinis subrepticement, l’un comme l’autre, par des effets de structure. Le Lycée ainsi réagencé, vise à produire un nouveau type d’individu, et y parvient.

La différence entre les deux fléaux, le sempiternel absentéisme et le flambant neuf non-présentisme, au premier abord si semblables, est, en réalité, de taille et mérite une analyse approfondie. L’absentéisme inquiétait, le non-présentisme a plutôt tendance à plaire.

Pour que l’explication soit accessible aux non-initiés au langage et aux ressorts de l’Éducation Nationale, l’auteur fait l’effort d’expliquer la situation en s’adressant aux parents d’élèves sous la forme d’une lettre ouverte, en reformulant en français courant et en agrémentant le raisonnement d’exemples concrets.

Cher parent de collégien, parent de lycéen, parent non-prof,

Tu te plains parce que les professeurs de ton enfant sont souvent absents. Si tu n’es pas de ceux qui disent « ouais, les fonctionnaires de toute façon ça ne fout rien », tu penses que c’est parce qu’il n’y pas assez de professeurs et il n’y a pas assez de professeurs parce que l’Éducation Nationale s’emploie à rendre le métier de plus en plus pénible. Tu as raison, il y a de ça, mais tu ne sais pas tout, c’est plus subtil, tordu et compliqué que ça. C’est structurel. Ce n’est pas parce que quelque chose ne fonctionne pas bien que le professeur de ton enfant est absent. C’est justement parce que tout fonctionne parfaitement bien qu’il est absent.

Et, d’ailleurs, ton fils, n’est plus vraiment là non plus et lui, on ne pourra pas le remplacer.

Si tu as le temps et l’envie d’essayer de comprendre les choses en peu plus en profondeur, je t’explique.

(Après, à la fin, j’aurai aussi un ou deux services à te demander).

ESPACE ET TEMPS : LES LOIS DE LA PHYSIQUE

Toi, tu as fréquenté un lycée, parent. Ton enfant, le lycée, il ne connaîtra pas. Il fréquentera une boîte-à-projets, à mi-chemin entre un centre social et la salle d’attente de Pôle Emploi. Dans la boîte-à-projets, on l’occupera avec des activités plus ou moins ludiques et cool, dans une atmosphère dite bienveillante, tout en le menaçant de mort sociale en l’évaluant et en le notant sans cesse. Parcoursup rôde. Mais avec bienveillance.

Ce lieu, encore fallacieusement appelé « lycée », est régi par des lois différentes par rapport à celles qui régissent le reste de l’univers. Par lois j’entends les lois de la physique. Dans ce lieu, par exemple, le temps est extensible, si bien que chaque journée dure 43 heures et chaque semaine 9 jours. Ce qui explique qu’on arrive à faire tellement de choses, entre les cours, les projets, les sorties, les bacs blancs, le vrai bac en mars ! C’est ça, on a beaucoup plus de temps qu’ailleurs.

Ou alors ce n’est pas ça, je n’ai pas tout compris. Les journées d’école durent bien de 8h à 18h et la semaine ne fait que 7 jours dont 5 ou 6 de cours, mais les personnes peuvent se trouver à deux endroits « en même temps », ce qui est, tu en conviendras, impossible partout ailleurs. Là, c’est possible. Dans la boîte-à-projets, un professeur peut « en même temps » accompagner une sortie et faire cours. De la même manière, l’élève Kevin peut « en même temps » passer l’examen pour la certification de Cambridge et assister au cours de philosophie. « En même temps » : on ne l’avait pas vue comme ça cette expression, mais en réalité c’est à ce contexte qu’elle s’applique le mieux, avec le plus de prégnance. « En même temps ». D’où, pour que personne ne sache que ton fils perd plein d’heures de cours, la nécessité d’inventer le bonhomme-à-flèche, icône du non-présentisme.

LE BONHOMME-À-FLÈCHE

À tel point, dans la boîte-à-projets, les gens peuvent être là et pas là « en même temps » que Pronote – tu sais, le site que ton enfant consulte fébrilement pour surveiller sa moyenne trimestrielle ? – a inventé une icône pour ça : le bonhomme-à-flèche qui désigne ce que l’on appelle un « élève détaché ». Oui, parent, tu as bien lu : « élève détaché ». C’est quoi ? Pourquoi ?


Tu te rappelles, parent, quand tu étais au lycée tu étais dans une classe, disons, la Terminale 4, et la prof d’histoire organisait une sortie au musée ? Tout le monde était content parce que, pendant une journée, exceptionnellement, on ne faisait pas cours. C’est-à-dire que, les cours n’étaient pas dispensés à ta classe, la Terminale 4, ce jour-là, puisque la classe n’était pas là. Toute la classe. La prof d’histoire de ta classe vous sortait tous et donc le prof de maths de ta classe pouvait se dire ce jour-là « j’ai une heure qui saute avec les Terminales 4, ils sont en sortie ». Or, Jean-Michel Blanquer a fait éclater la classe. Ton enfant, s’il est en Première ou en Terminale, il a une partie de ses heures de cours dans sa classe d’origine (heures de tronc commun) mais aussi une grande partie de ses heures de cours dans d’autres regroupements (spécialités, invention de Blanquer, et options). Si bien que, imaginons : Kevin et Odile sont dans la même classe, la Première 3, mais Kevin a choisi allemand comme deuxième langue, « spé » physique, « spé » maths, « spé » SVT, alors qu’Odile, elle, fait espagnol, « spé » musique, « spé » HLP, « spé » HGGSP (on reparlera des sigles et acronymes). Ils ont cours ensemble une partie du temps mais, pendant leurs heures de spécialité et leurs heures d’option, ils sont dans des groupes différents. Ok. Qu’est-ce qui se passe donc, concrètement, si l’un des professeurs de « tronc commun » de la Première 3 décide d’organiser, par exemple, une sortie, ou si l’établissement décide de soumettre les élèves de Première 3 à une session de « sensibilisation à » quelque chose ? Visualise, parent. Il se passe que, comme toi à ton époque, ni Odile ni Kevin ont cours de jour-là. Mais, au lieu de juste ne pas avoir cours parce que le cours est supprimé parce que la classe n’est pas là, il y a des tas de cours qui auront lieu mais auxquels ni Odile ni Kevin pourront assister. Tous les cours de « tronc commun », en classe entière seront supprimés, mais tous les autres auront lieu et Kevin et Odile seront absents. Non, pardon, justement, ils seront non présents. Non présents : ils seront signalés par un bonhomme-à-flèche sur Pronote dans tous les cours de spécialité et d’option qu’ils louperont. Coté profs, les professeurs de matières du « tronc commun » seront libérés. Les professeurs de spécialité et d’option se retrouveront face à un groupe mutilé de tous les élèves en provenance de la Première 3. Ils feront cours au reste des élèves, ceux qui viennent d’autres premières, Kevin et Odile devront rattraper le cours… Ajoute à ça, parent, qu’une sortie s’accompagne. Seront donc supprimés aussi les cours du professeur organisateur et des professeurs qui accompagnent. Il faudrait faire le calcul du nombre d’heures de cours qui sont perdues ainsi pour les élèves. Heures perdues qui ne sont pas considérées comme des absences. Personne ne le saura jamais.

Observons donc le site d’Index éducation (les gens responsables de Pronote).

On le voit apparaître, le bonhomme-à-flèche, invention de 2022. Ils en sont fiers.

Il s’agit de l’une des quatre catégories d’élèves « non présents » :

  1. « exclu » (point d’exclamation blanc sur panneau rouge, parce que c’est grave et dangereux, un peu comme un spam),
  2. « en stage » (usine bleue, parce que, bien sûr, travail = usine),
  3. « absent » (chaise vide devant un pupitre, noirs : l’absence c’est triste),
  4. « détaché » (buste de bonhomme avec une flèche qui sort de sa tête, là aussi, on pourrait commenter…).
    L’absence n’est donc que l’un des quatre états que connaît la non présence. De telle sorte que le professeur de philosophie de Kevin qui, ne le voyant pas en cours, aurait pensé autrefois innocemment qu’il était absent, sait maintenant que Kevin est simplement non présent, ah ce n’est pas tout à fait la même chose, il n’est certes pas là, mais il est tout sauf absent : il est un « élève détaché ». Il est là-pas-là. Il est peut-être dans l’établissement, mais occupé à autre chose, peut-être en sortie. Il est présent-absent. C’est donc qu’il est soumis à des lois autres que celles qui régissent le reste de l’univers. Ce n’est que grâce à cette suspension des lois de la physique que le lycée fonctionne parfaitement et que ton enfant bénéficie à la fois de cours de qualité et d’une foultitude d’activités annexes. « En même temps ».

Les managers scolaires (certains nostalgiques les appellent encore « proviseurs ») le savent qui incitent les professeurs à multiplier initiatives innovantesprojetspartenariatsmobilitéssorties, réunions de « sensibilisation à », de « lutte contre », etc. Ils le font parce qu’ils savent que c’est possible grâce aux lois physiques spécifiques au lycée, forcément. Jamais ils ne priveraient sciemment ton enfant de cours. Le cours c’est important. Le cours c’est sacré. Bien sûr.

Ou alors…

MADAME SUPER, LA NON PRÉSENTE

Bon. Trêve de plaisanteries. Où est le problème ?

Un professeur, il fait quoi normalement ? Cours. Alors c’est grave si les professeurs sont absents parce que, s’ils sont absents, ton enfant loupe des cours ? On est d’accord ? Mais si le professeur est là et ton enfant est « détaché » il loupe des cours pareil, ton enfant. Et pourquoi ce n’est pas grave ? Pourquoi on compte scrupuleusement les vraies absences, mais on valorise les non présences ? Pourquoi un élève qui n’assiste pas à des cours parce qu’il est absent est pénalisé (privé de félicitations, par exemple) et son camarade qui a loupé le même nombre de cours mais parce qu’il était « détaché » est considéré comme exemplaire, félicité, applaudi pour son engagement  ?

Le problème ce ne sont pas les professeurs flemmards. Je te le garantis. Les professeurs travaillent énormément, de plus en plus et essayent de faire au mieux.

« Mais si ! Il y a trop de professeurs absents ! » tu me diras. Le Président l’a encore dit le 22 mars à la télé, en effet : « je veux qu’à la rentrée prochaine, on puisse remplacer, du jour au lendemain, les profs dans les classes des élèves ». (Il veut). « Et puis il y a les contractuels recrutés par job dating… » (qui, soit dit en passant, sont ceux qui vont remplacer les profs absents, sans être formés). Oui, oui, ce sont des problèmes, en effet.

Mais, parent, tu crois vraiment que, si les professeurs étaient présents, formés, titulaires, tout irait bien ? C’est que tu ne sais pas tout, parent. Ça ne marche pas comme ça. Le problème est que tout a été déstructuré, l’École a été flexibilisée, jusqu’à la liquéfaction. Or, les cours sont une entrave à la flexibilisation. Il faut faire passer l’idée qu’ils ne sont pas si importants que ça, au fond. La preuve : tu peux comprendre sans peine que si on met le baccalauréat en mars, plein de cours vont être supprimés : il faut préparer les salles, faire passer les épreuves, puis les professeurs sont absents pour corriger les copies et assister à des réunions dans lesquelles ils harmonisent les notes (passons). Avant Blanquer, tout ça on le faisait en juin et début juillet. Maintenant c’est le mois de mars qui pâtit, en plein milieu de l’année scolaire. Des dizaines d’heures de cours de perdues pour ton enfant, à cause, non pas des profs, mais des choix politiques qui régissent leur métier. Et ce n’est pas fini.

Il faut, pour comprendre ce qui ne va pas, parler du nouveau type de professeur que la réforme Blanquer a érigé en modèle indépassable d’exemplarité. On va l’appeler Madame Super, personnage fictif mais vraisemblable, condensé de skills valorisées par l’Institution, héroïne du non-présentisme. Elle travaille beaucoup Madame Super, plus que les autres, elle veut bien faire, elle a une grande conscience professionnelle, elle fait tout ce qu’on lui demande et même plus. Mais que demande l’École de Blanquer aux professeurs ? Dans quelle situation concrète les place-t-elle ? À quoi les incite-t-elle ? Qu’est-ce qu’un bon professeur dans ce système dans lequel le cours ne vaut plus grand-chose ? Un bon professeur c’est Madame Super. Si bien que, si pour l’instant il y en a une Madame ou un Monsieur Super, au moins, dans chaque établissement et, à terme, il n’y aura plus que ça.

Cher parent non-prof, moi, maintenant, je dois t’expliquer des choses un peu techniques, sans lesquelles tu ne comprendras pas que Madame Super, la prof de français (ou d’histoire ou de mathématiques…) de ton fils, est toujours absente non présente et que ce fait n’est un problème pour personne (sauf pour ton fils et ses camarades qui n’ont pas cours mais que Parcoursup attend au tournant et qui seront donc évalués sur des notions jamais étudiées et, de ce fait, notés au pif). Non seulement ce n’est pas un problème que Madame Super ne soit que rarement là, mais c’est un « plus » pour l’établissement. « Comment ça ? » me diras-tu, « ben, non ! ». Ben si, parent, patience, tu vas finir par comprendre l’entourloupe. C’est un « plus » parce que Madame Super n’est pas malade, ou absente par flemme ou maladie, non, Madame Super est « très sollicitée » pour des projets, elle a plein de partenariats et, donc, on peut dire que, grâce à elle, le lycée lui-même a ces projets et ces partenariats et ça, c’est bien. « Mais je m’en fiche, moi », me diras-tu. Parent, du calme, essaie de suivre le raisonnement. Personne n’a dit que c’est bien pour ton fils. Autant les professeurs, individuellement, se soucient, pour la plupart, de ton fils, autant la boîte-à-projets s’en fout royalement de ce qui est vraiment bien pour lui. La boîte-à-projets veut de bons scores. C’est bien pour l’affichage et, comme c’est par l’affichage qu’on renforce l’attractivité de l’établissement, c’est bien.

Le lycée affiche qu’il a un projet « Adopte une loutre » et un partenariat avec le musée de la dentelle et ça, que tu en voies l’intérêt ou non, c’est bien. Le lycée affiche plein de projets. Si tu les isoles, tu les analyses un par un, tu penses, comme moi « c’est génial ! Ils ont dû travailler comme des malades les profs pour faire ça ! Ça a l’air passionnant ! Ah, si seulement mes profs à moi avaient su inventer de tels projets, je me serai moins ennuyé à l’école ! ». Nous sommes d’accord. Mais comment on fait tenir tout ça et les cours « en même temps » ? Et en quoi, concrètement, le zèle de Madame Super bénéficie-t-il à ta fille et à ses camarades ? Les bénéfices tirés collectivement par ses projets suffisent-ils à justifier les coûts engendrés ? La réalité, dans la nouvelle structure du lycée est que ta fille sera souvent privée de cours, « détachée », là-pas-là ou, si elle n’a pas de Madame Super, elle sera face à des profs qui, parce que les élèves de Madame Super sont « détachés », feront des cours à moitié, puis referont le même cours quand les « détachés » reviendront, placeront les évaluations dans les rares créneaux où ils savent qu’ils auront tout leur groupe… Personne ne remet en question les bénéfices des projets de Madame Super et personne n’en évalue les effets sur la structure du lycée.

Alors pourquoi les Monsieur et Madame Super prolifèrent ? Pourquoi sont-ils valorisés par l’Institution au point que bientôt il n’y aura plus que des professeurs de ce genre-là, ce qui rendra la tenue des cours purement et simplement impossible ? On te répondra « c’est bien les projets » et c’est bien parce que c’est bien (ça ne va pas plus loin que ça, en général, les réponses à ce genre de question : les « projets c’est bien » est un postulat dans l’Éducation Nationale). Je ne sais pas si c’est vraiment bien, je me méfie des postulats.

En tout cas, ce qui est sûr, c’est que « ça fait bien ». Ce n’est pas tout à fait pareil.

Attends.

Regarde.

Prenons ça par un autre bout. Observons une chose que tu connais bien : les JPO. Partons de là.

LES JPO

Le moment de vérité d’un établissement scolaire, ce sont les journées portes ouvertes, les JPO pour les initiés. Tu les as « faites » les JPO, cher parent non-prof ? Tu les as mangés les scones de la section euro anglais, la linzetorte de la section euro allemand, les fajitas de la section euro espagnol ? Elle était bonne la mozza  ? Tu as fait le jeu de piste organisé par la « spé » physique et le kahoot de la « spé » LLCE, ou HLP, ou NSI ? Tu les comprends, d’ailleurs, ces acronymes, parent ? Non ? C’est fait exprès, cher ami. Ne réussiront que ceux dont les parents maîtrisent les acronymes. Les autres, ben, c’est tant pis pour eux, ils n’avaient qu’à se renseigner. Bref. Tu les as « faites » les JPO ? Bien. Tu les as vécues en tant que parent.

Un petit effort maintenant pour te mettre à la place des professeurs qui ont passé la soirée de la veille à faire les scones, de ceux qui ont dû demander aux élèves de les accompagner, déguisés en gondoliers, pour expliquer aux gens que l’« italien c’est trop cool et puis peut-être il y a un voyage à Venise ». Pourquoi ces gens font-ils ça ? Tu te l’es demandé, cher parent ? Qu’est-ce qui fait qu’un professeur qui a fait des années d’études, qui a passé des concours, qui est un fonctionnaire, dans la fonction publique – je répète : dans la fonction publique – se mue soudainement en commercial et est contraint d’imaginer des manières originales et aguicheuses pour rendre sa discipline attractive ? Ce n’est pas de l’information, tu es d’accord, c’est de la com, c’est bel et bien de la publicité. Tu ne trouves pas ça bizarre, parent ? Tu te les imagines tes profs à toi, ceux qui avaient 60 ans en 2000 et qui faisaient peur à tout le monde, en train de se déhancher déguisés en Statue de la Liberté et de tendre à ta mère, en souriant langoureux, un plateau de donuts ? (D’ailleurs, les aurais-tu respectés si tu les avais vus faire ça ?).

Le mot qu’il faut convoquer pour comprendre cet étrange phénomène qu’est la métamorphose du professeur en commercial est : « concurrence ». On n’y pense pas, comme ça, spontanément. Tu pourrais me dire « mais c’est le service public, quelle concurrence ? ». Tu es mignon, parent. Ta naïveté me bouleverse. Si tu as l’esprit un peu Éducation Nationale, tu peux comprendre que je parle de concurrence et tu peux, déjà, à juste titre, me dire d’un air entendu : « ah, oui ! La compétition privé / public ! ». Certes, mais non. Enfin. Pas que.

Il faut que tu comprennes comment ça marche. Ce qui est à l’origine de tout, c’est la pénurie.

LA CHUTE DE LA DHG

Tous les ans, le Rectorat donne des heures à chaque établissement scolaire pour fonctionner. Il pond ce qu’on appelle la Dotation Horaire Globale, la DHG. Ce phénomène se produit en janvier. C’est un peu comme une fête annuelle : Noël, DHG, Mardi Gras, Pâques… Mais c’est une fête triste. Lorsque l’administration de l’établissement scolaire reçoit ces informations du Rectorat on dit « la DHG est tombée ». C’est une chose qui tombe, la DHG, comme ça, et il faut faire avec. Quand la DHG « tombe » les profs sont toujours abattus et en colère, parce qu’il se trouve que le Rectorat donne de moins en moins d’heures aux établissements scolaires pour fonctionner. Donc les professeurs, se battent d’abord un peu tous ensemble, poliment, contre l’absurdité de la pénurie, puis ils renoncent parce que le Rectorat ne les écoute pas du tout, et ils commencent à se battre entre eux pour garder leurs heures et donc leur poste.

Tu commences à voir le rapport entre la DHG et la JPO ? (Déjà, si tu comprends cette phrase, je te félicite, tu progresses en Éd Nat).

Nous allons procéder de la façon suivante : d’abord une vision d’ensemble, puis, zoom. De la juxtaposition entre ces deux échelles d’analyse apparaîtra clairement à tes yeux de non-prof la perversité de la chose.

1) Un lycée, surtout un lycée de centre-ville, est souvent entouré d’autres lycées. Le lycée « recrute » ses élèves dans ce qu’on appelle un « bassin de recrutement » qui se trouve être parfois composé d’élèves riches et d’élèves pauvres. Pour des raisons que la sociologie se tue à expliquer depuis des décennies, les riches sont bons à l’école, les pauvres, moins. Le lycée doit donc essayer d’attirer les riches. On ne dit pas ça comme ça, on dit : « il faut que la mixité soit préservée au sein du lycée ». Mais en gros c’est ça, il faut plaire aux riches-bons-à-l’école, c’est mieux, comme ça on a de bons scores au baccalauréat et le cercle vertueux s’enclenche : d’autres riches feront confiance au lycée et ils y inscriront leur enfant riche, la mixité sera sauvée, etc. Ce serait l’idéal, mais de toute façon, en général, il en faut plein, des élèves, même des pauvres, on saura s’en contenter, à défaut d’avoir séduit les riches, on prend même les pauvres, parce que sinon on a peu d’élèves et le Rectorat donne moins d’heures au lycée, DHG catastrophique, professeurs qui perdent des heures, postes qui « sautent » (oui, la DHG « tombe » et les postes « sautent »)…

Donc, tous ensemble, on vend le lycée lors de la JPO. Objectif : chiper les riches-bons au lycée d’à-côté. Depuis la réforme Blanquer, qui incite les établissements à se différencier le plus possible les uns des autres, il faut considérer non pas un, mais deux arguments de vente :

a) l’offre de formation (options, ça c’est vieux, mais aussi spécialités, maintenant, merci Blanquer) ;

b) les trucs en plus (projets, ateliers, partenariats, labels…)

Quelqu’un a un jour décrété que le parent d’élève, le riche surtout, mais aussi le pauvre, est rassuré par un lycée qui aurait une « identité » forte, c’est-à-dire un lycée qui a une « offre de formation » cohérente. Depuis Blanquer, on produit ce genre d’énoncé : « il faut que l’offre de formation soit cohérente, ça impacte l’attractivité, l’identité du lycée doit être claire », on dit ce genre de choses, à l’École, sérieusement, on fait des réunions entières en parlant de la sorte. Donc, attention à l’identité dans l’offre de formation.

Mais ce n’est pas assez. Il faut rajouter des trucs, en plus, parce que l’enseignement, les cours, ça ne suffit plus. Il faut qu’il y ait des projets pour tous les goûts, des ateliers de ci, de ça, des centres de ressources, des interventions prévues de la part d’associations diverses, des classes à projet, un journal, une radio, un potager, un blender à pédales, un zome construit à mains nues par les élèves, quelque chose, bref. Toute sorte de gadgetsévénements et initiatives aptes à distinguer le Lycée X de son voisin Lycée Y et à le rendre plus attractif que lui.

C’est le premier niveau, et c’est déjà en totale contradiction avec l’idée-même de service public. Tu ne trouves pas, parent ?

C’est pire après.

Jusque-là tu pourrais te dire que, au moins, ça forge un esprit d’équipe, que le team Lycée X sera à jamais soudé dans le combat contre le team Lycée Y.

2) Que nenni, parent ! Parce que, au sein du Lycée X, chaque professeur doit aussi, en catimini, chiper des élèves à ses propres collègues, à cause de la pénurie d’heures, tu te rappelles ? Si bien que, c’est tout un entrechipage d’élèves, même au sein du team Lycée X. Ben oui. Avant la réforme inventée par Monsieur Blanquer, les guerres intestines n’avaient lieu qu’entre professeurs d’option, notamment entre les professeurs de langue, mais cela n’affectait pas la structure. Peu de choses étaient « au choix » dans l’ancienne formule. Et quand il y a peu de choix, il y a peu de concurrence. On comprend bien que le professeur de néerlandais, souhaitant garder son poste, essayait alors d’avoir le plus d’élèves possible et, pour ce faire, il devait bien les chiper, ces élèves, au collègue de portugais. C’était déjà stressant, pénible, chronophage et avilissant pour tous ces gens, mais cela ne concernait qu’eux. Peu de monde. Pour le reste, l’élève avait choisi une filière (L, ES, S, STMG…) et il restait là, tranquille jusqu’au baccalauréat. Monsieur Blanquer a étendu cette compétition à presque toutes les disciplines en détruisant les filières et en inventant les spécialités, qui elles, comme les options, doivent être choisies par les élèves et sont, de ce fait, en compétition.

L’EMBARRAS DU CHOIX

Ton enfant a dû choisir son orientation en fin de troisième, il a dû choisir son lycée et, au sein du lycée, ses options. Imaginons qu’il ait choisi d’aller en lycée général. En seconde, il doit choisir trois spécialités pour la première. En première, il doit choisir quelle spécialité abandonner (oups, pardon, « valider », on dit « valider »). Les élèves devant choisir trois spécialités en première, puis choisir d’en abandonner une en terminale, toutes les disciplines sont en concurrence. Tout le temps. Année après année. DHG après DHG. Inéluctablement. Donc pas de team Lycée X, au contraire : team arabe contre team russe, team « spé » maths contre team « spé » SVT, etc., mais, bien sûr, tous unis contre le Lycée Y, forever. Tous ensemble tous ensemble eh, eh !

C’est tordu, n’est-ce pas ? Tu imagines le climat, les interactions, les dialogues, les stratégies d’accaparement d’heures ? Tu les vois autrement, maintenant, les profs à Power Point avec les photos de voyages scolaires, le jour des JPO, parent ? Tu comprends ce qui les meut ? Ils ne te font pas un peu de peine, après coup, déguisés en gladiateurs-vendeurs-d’option-latin ? Ils comptent leurs élèves, ils se demandent, tout bas, en se croisant dans les escaliers, à la récréation, « t’en as combien ? », ils se répondent « j’en ai peut-être un qui va s’inscrire, mais pas sûr », en septembre ils guettent leur liste d’appel sur Pronote, qui rapetisse, qui rabougrit, qui se dégonfle et se défait comme si elle fondait… Tu les vois, parent ?

C’est à eux que tu confies ton enfant, à des professionnels de l’enseignement, bien formés, capables, mais contraints par la menace à se conduire en commerciaux. Des gens humiliés qui, au mieux, se plient à cette mascarade en la comprenant, à juste titre, comme l’aboutissement du long processus de marchandisation/privatisation de l’École (qui culminera bientôt avec la Loi Brisson) ; au pire, ils finissent par trouver ça sympa les JPO et ne voient pas le lien entre le fait que leurs élèves se comportent en « consommateurs » (ils s’en plaignent pourtant tous les jours) et le fait qu’on leur a vendu le lycée, les spécialités, les options comme si c’étaient des vacances à Tenerife ou une paire d’Adidas.

Quant à Madame Super, tu l’auras deviné, parent, pas la peine de signaler à tes représentants que toi et d’autres parents n’êtes pas contents parce qu’elle n’est jamais là. Elle ne peut pas faire cours à vos enfants. Pas le temps. Elle est retenue par de plus nobles tâches, tâches qui lui permettent d’être bien vue par la direction et donc de garder son poste : Madame Super rayonne. Elle est une arme dans la guerre contre le Lycée Y. Son rayonnement lui vaudra un salaire plus conséquent d’ailleurs, grâce au Pacte. Le Pacte. Cette autre idée brillante n’est pas de Blanquer, mais de son successeur Ndiaye, qui réalise ainsi le rêve Sarkozien du « travailler-plus-pour-gagner-plus », mais en version cheap, style fonctionnaire-loseur. Les Monsieur et Madame Super gagneront un peu plus d’argent (vraiment pas beaucoup par rapport au travail monumental qu’ils fournissent) que les professeurs qui feront juste cours, les Monsieur et Madame Cours. En général, les profs-à-projets, les profs-à-missions, gagneront plus que les autres. Quand la DHG « tombera » qui contraindra à choisir, un peu comme dans Koh-Lanta, entre les Monsieur Cours et les Monsieur Super, les Super garderont leur poste. Les Super sont de meilleurs professeurs, ce sont les préférés des managers scolaires, parce qu’ils font moins cours que les autres, certes, mais ils savent rayonner. Ce qu’ils font ont peut l’afficher, ça fait bien lors des évaluations (audits) de l’établissement, ça peut même valoir un label  ! Après, oui, ok, ton enfant est là-pas-là, « élève détaché », bonhomme-à-flèche, il loupe plein de cours, il est privé d’enseignements précieux, mais bon, on ne va pas non plus gagner la guerre contre le Lycée Y juste en disant aux gens aux JPO « au Lycée X on fait cours ». Il y a des priorités, parent. Tant qu’il y en a une par établissement, de Madame Super, ça peut encore tenir, mais quand il n’y aura plus que des profs-à-projets ? On fera comment ? On fera cours quand, et à qui ?

UN NOUVELLE FORME DE VIE : LES LÀ-PAS-LÀ

Tu auras compris ce que tout ce beau fonctionnement fait au professeur : non présence, perte de temps, chantage, compétition, réunions stratégiques sur l’attractivité et l’identité de l’établissement, continuité pédagogique piétinée (cette expression était le mantra pendant la pandémie, les professeurs recevaient trois mails par jour intitulés « continuité pédagogique », mais il faut croire que, hors pandémie, on s’en fout).

Mais ça fait quoi tout ça à ton enfant, cher parent ? À part le priver de cours, je veux dire, ça fait de lui quel genre d’individu, toutes ces exceptions aux lois de la physique ? Ça lui fait quoi d’avoir moins d’heures de cours, plus de projets, moins de régularité, plus d’événementiel, moins de rigueur, plus d’innovation pédagogique ? Le tout-extraordinaire-permanent, le message implicite « si tu loupes un cours ce n’est pas grave du tout mon petit », ça lui fait quoi ?

Surtout, ça lui fait quoi de pouvoir/devoir choisir sans cesse ?

Je ne sais pas comment te l’expliquer, parent.

Alors je vais te le montrer en te racontant l’histoire de Monsieur Option, professeur dans un lycée général. Les professeurs d’option bénéficient d’un point de vue particulier, plus lucide, sur la question de la compétition. Ils sont depuis toujours en compétition, ils sont habitués, ils voient mieux que les autres où tout ça va nous mener.

La triste histoire de MonsieurOption

Le 19 septembre 2022 à 16h10, dans une salle de cours.

Précisons que les élèves sont maintenant autorisés à arrêter les options jusqu’à la fin du mois de septembre, ou même plus tard, ça dépend des établissements, parce qu’on ne va pas non plus les obliger à suivre un cours qu’ils n’aiment pas ou à tenir leurs engagements. Ce serait horriblement violent. Ils ont des goûts, des penchants, et il faut respecter ça. Le choix. Toujours.

Monsieur Option : Bonjour  !

Élèves : Bonjour.

Monsieur Option, étonné : Qu’est-ce que tu fais là Noam ?

Noam, tout en s’affaissant sur sa table, accablé : Ils n’ont pas accepté que j’arrête l’optionMais dès que je peux, je quitte.

Monsieur Option : Bon, en attendant, tiens-toi correctement. Sors tes affaires, tant que tu es là, tu travailles comme tout le monde.

En traînant ostensiblement son sac, lentement, en pouffant à moitié, Noam s’exécute.

Monsieur Option : Alors,…

Emilie : Monsieur !

Monsieur Option : Oui, Emilie.

Emilie : Comment on arrête l’option ?

Monsieur Option : Là il est trop tard, Emiliemonsieur le proviseur a dit qu’on ne peut plus rien changer.

Téa : Non mais, Emilie, t’inquiète pas, on va se battre pour arrêter l’option, ils peuvent pas nous obliger.

Du fond de la salle, Brian, expert : Ouais t’inquiète, ils te font croire que tu peux pas arrêter, mais tu fais ce que tu veux en vrai. Moi au collège j’ai fait latin juste pour le voyage, eh ben j’ai fait le voyage et après j’ai arrêté. Le voyage était génial.

Téa : Ouais, au pire juste on vient pas. Franchement, finir à 18h c’est pas possible, nous on a des sports, d’autres trucs à faire.

Emilie : Moi j’ai eu mes horaires de sport hier et là je peux pas finir à 18h le lundi.

Monsieur Option : Oui je vous comprends, les emplois du temps sont chargés. Essayez toujours, il se peut que monsieur le proviseur accepte de vous rayer de mes listes. Mais tant que vous êtes sur mes listes, si vous ne venez pas en cours, je dois vous noter absentes.

Téa : Ben c’est pas grave.

Emilie : Ouais, de toute façon Parcoursup ne voit pas l’année de seconde.

Téa : Bah ouais.

Du premier rang, pragmatico-laconique, Ali : Madame, ça compte pour le bac l’option ?

Monsieur Option : Je ne vais pas vous mentir : pas beaucoup.

Ali : Bah alors ça ne sert à rien. Autant garder juste Euro, ça ça compte plus, non ?

Monsieur Option : Oui, je crois bien.

La décision ayant été prise (être absentes « de toute façon Parcoursup ne voit pas l’année de seconde »), Téa et Emilie sortent leurs affaires.

Monsieur Option, inhabituellement grave : Je tiens tout de même à vous faire remarquer que vous parlez de mon travail. C’est à mes cours que vous ne voulez pas assister, c’est pour ne pas y assister que vous allez vous « battre ». Mettez-vous à ma place. Ma position vous semble-t-elle agréable ?

En chœur, sincèrement peinés, comme soudainement arrachés à leur état de transe utilitariste, touchés et touchants : Non mais Monsieur, mais c’est pas contre vous ! On vous aime bien en plus ! Non mais vraiment ! Juste ça fait trop de trucs.

Monsieur Option, puisant dans ce qu’il lui reste d’amour propre, simulant l’enthousiasme, sur un ton enjoué, par souci pédagogique : BonAlorson recommence  ! Bonjour  !

Élèves : Bonjour  !

Monsieur Option est bien là, formé, expérimenté, surdiplômé, rarement absent, « excellent » si l’on en croit ses rapports d’inspection, « excellent » même selon le Rectorat, pourtant avare d’éloges. Mais il est trop tard. C’est ton enfant qui a intégré la logique du « menu » dans un contexte où, objectivement, « il y a trop de trucs ». Ton enfant choisit ses matières, il choisit les profs, il calcule des coefficients, il se faufile entre le cours et, au sein du cours, il se prend au jeu du tout-au-choix et il pense encore pouvoir choisir entre les activités, les exercices, en fonction de son humeur, de la météo, de son type d’intelligence, de sa motivation. Et même quand il garde l’option, il est très souvent « élève détaché » parce que les Monsieur et Madame Super l’ont inscrit de force à leur projet. C’est lui qui n’est plus là.

La stratégie Blanquer fonctionne : Monsieur Option et ses collègues s’adressent désormais à des personnes violentées par l’utilitarisme, rendues inaptes à jouir du savoir, mutilées de leur curiosité spontanée, privées d’insouciance, incitées à cultiver en lieu et place de la libido sciendi, une nouvelle forme de libido, bien moins émancipatrice : la libido calculandi. Est-ce encore de la libido, d’ailleurs ? Non. Plus aucun plaisir. Il s’agit de compulsion. Compulsio calculandi. D’où les questions les plus fréquemment adressées aux professeurs en 2023, après cinq ans de Blanquérisation de l’École : « Monsieur, c’est noté ? », « Madame, c’est coeff combien ? ». La question « à quoi ça sert ? », fréquemment posée jusqu’en 2017, agaçait les enseignants. Elle apparaît maintenant comme étant magnifiquement naïve et pure comparée à ces questions-là, en tant qu’elle avait le mérite de porter sur le sens de ce qu’on fait. « À quoi ça sert ? » demandaient les élèves jadis. Maintenant, le sens ayant été exclu du questionnement, on demande « ça rapporte combien ? ». Et puis c’est tout.

Ton enfant, parent, est l’une des victimes innocentes d’une logique mesquine érigée en norme, valorisée par l’institution. Une seule et unique compétence lui est enseignée durablement : « moi-ma-gueule-mon-projet ». Ok. Admettons. Mais comment savoir à quatorze ans ce qu’on sera à trente ? Comment savoir qu’il est judicieux de se priver de mathématiques parce qu’on sera professeur de lettres, ou de lettres parce qu’on sera assistant dentaire ? Et si on voulait être un assistant dentaire qui aime la littérature ? Ah ah ah ! N’importe quoi ! Non conforme. Fichier non reconnu. Non rentable. Stupide. Les assistants dentaires ça n’a pas besoin de lire. Point. Il va dire quoi Parcoursup ? Et tu n’as pas intérêt à changer d’avis en cours de route. Interdit ! On te répondra que tu as été bien informé par les nombreuses réunions sur l’orientation et puis, t’as qu’à avoir un projet clair et définitif à 12 ans. Voilà.

On leur fait ça à Noam, Téa, Emilie, Brian et tous les autres. Quand tu as lu la scène du terrible cours de Monsieur Option, parent, avoue, tu as dû te dire « oh ! mais quelle insolence ces gamins ! ». Non, parent, ils n’étaient pas insolents, ils étaient « en confiance », ils parlaient devant Monsieur Option entre eux comme s’il n’était pas là. Il a eu accès à une conversation normale entre élèves. Une conversation de stratégie ordinaire. « Mon enfant ne ferait jamais ça ! ». Si parent, si. Détrompe-toi. Ton enfant aussi, le mien aussi. Ils ne sont pas méchants, ils veulent survivre. On leur a appris ça. Ils ne font qu’obéir.

Une dernière petite histoire, tout aussi triste, pour que tu voies jusqu’où ça va.

Encore une autre fois, Monsieur Option, un vendredi à 17h, travaillait avec ses élèves de première sur leur futur métier. « Aimerais-tu travailler au contact avec la nature ? » avait-il demandé à Céline, excellente élève. « Aaah ! Noooon ! » avait été la réponse de Céline, suivie de « euh, non je ne devrais pas dire ça ! », « Ah bon ? Pourquoi ? » avait demandé Monsieur Option, pendant que les autres élèves riaient, complices. « Parce que je suis éco-déléguée » avait répondu en rougissant Céline, « normalement je devrais aimer la nature ». Rires. « Pardon Céline, mais pourquoi es-tu éco-déléguée si tu n’aimes pas la nature ? ». Et là, Alban, Lina et Marius, choqués par la candeur de la question « bah, ça rapporte des points pour Parcoursup Monsieur ! ». « Ah. C’est un peu triste, non, comme raison pour s’engager ? », avait timidement rétorqué Monsieur Option. « Mais Monsieur, même quand on est délégué de classe, tous ces trucs en plus, on les fait parce que ça fait bien ! ».

Ça fait bien. Voilà.

PARCE QUE ÇA FAIT BIEN

Parce que ça fait bien, ton enfant sera autorisé par la vie scolaire à se lever et à quitter le cours de français pour préparer le goûter de Noël, puis pour se faire prendre en photo pour Carnaval, pour assister à une réunion d’information sur les mobilités en langue. S’il est beau et bon élève, il sera non présent des journées entières pour aller faire la com pour le Lycée X dans le collège d’à-côté. Parce que ça fait bien, il sera autorisé à être là-pas-là au cours d’histoire pour participer à la sortie de SVT, au cours de SVT pour écouter un policier qui l’instruit au sujet du harcèlement, il sera non présent en cours de mathématiques pour être sensibilisé à la cause anti-raciste ou anti-homophobe. « Ben quoi ? » me diras-tu, « c’est important le harcèlement et puis le racisme et l’homophobie ce n’est pas bien ». Nous sommes d’accord, parent, parfaitement d’accord.

Mais si ton enfant est épuisé et un peu morne, ou surmené et excédé, s’il est éteint et désœuvré, s’il te semble absent, du moins, non présent, tu sais pourquoi : on en a fait un Là-pas-là. On l’a désarmé. On l’a rendu impuissant. Et ton enfant n’est pas con. Il l’a compris. Il sait qu’il n’est plus nulle part. On l’a dissout dans d’innombrables tâches, toutes éphémères. Il est, comme tout ce qu’on lui fait faire, vidé de sens, déraciné, hors-sol. Élève détaché. Littéralement. Fin prêt pour la flexibilité qui l’attend.

Parent, tout ça est un peu confus. Mais, si tu réfléchis, tout ça, c’est la même chose : plus rien n’a de sens. L’École, ayant épousé la logique de l’affichage permanent, fait les choses parce que ça fait bien, pas parce que c’est bien.

Et ton enfant finit par faire pareil.

Oh, et puis ce n’est pas grave, parent. Il trouvera bien une petite place comme commercial, ou publicitaire, ou journaliste, ou, peu importe. Et il sera bien content de faire les week-ends d’intégration, d’afficher ses photos de vacances dans la cafétéria de l’Entreprise, de passer des calls la nuit et le dimanche et de faire des happy hours le vendredi soir avec ses collègues. Burn-out de ton enfant après dix ans d’Entreprise à ne rien comprendre et à se donner des objectifs délirants parce que contradictoires ? Pas de soucis : une psychologue, formée à l’école Blanquer-Ndiaye aura pour lui des projets « relax-action » et des capsules vidéo « Graine de Yoga » réalisées en partenariat avec « Bulle de soin, la startup qui te veut du bien ». Il ne guérira pas, mais ça fait bien. Il survivra, il est (dé)formé à ça dès son plus jeune âge : fonctionner, se laisser ballotter, ne rien maîtriser, sourire.

Faire des trucs en Là-pas-là, non présent à lui-même.

Parce que ça fait bien.

PARTICIPE AU PROJET « SAUVONS LES COURS »

Alors, parent, on en vient enfin aux services que je voulais te demander. Toi seul peux sauver les cours. Le client est roi dans l’école marchandisée. Les rares profs qui manifestent leur mécontentement sont accusés de limiter la liberté pédagogique des collègues, et les élèves, quant à eux, ne sont pas lucides sur la question n’ayant connu aucune autre forme d’éducation à l’école.

Tu as la main. Sauve les cours.

Maintenant que tu sais, parent, aux JPO, demande à Madame Super, tout en sirotant le jus de papaye qu’elle aura prévu pour fidéliser ton enfant, gentiment, parce qu’elle a vraiment beaucoup travaillé et elle y tient vraiment à son projet : « oui, le projet ‘Adopte une loutre’ c’est sympa, mais en cours, vous faites quoi ? ».

Et au manager scolaire que tu croiseras affairé dans les couloirs, demande : « Monsieur, ils perdent beaucoup d’heures de cours, les élèves, pour les projets et pour le bac et les autres activités ? » et ajoute, inquiet, « j’espère que non, ce serait grave ! Dans le Lycée Y ils ne perdent aucune heure de cours, c’est mieux ! » Si tu es vraiment courageux, d’humeur à pinailler, tu peux lui dire aussi « euh, Monsieur, je vois que vous avez le Label Écolycée : les porte-clés avec le nom du lycée que vous distribuez à l’entrée, les dépliants cartonnés imprimés en couleur… ce n’est pas très écolo, non ? Et puis, ça ne fait pas très lycée non plus de distribuer des goodies, ce n’est pas sérieux ! Je suis choqué ! En plus il y a des fautes ! Ah ah ah ! ».

Parent, ne le scanne pas avec ton regard laser de parent-client, de haut en bas, Monsieur Option, quand, à la JPO, il te dira « je ne fais pas de voyage ». Ne lui demande pas, comme tu le fais tous les ans, « on n’aime pas notre lycée de secteur, est-ce que votre option est dérogatoire ? » et « est-ce que si Odile prend l’option elle doit la continuer ? Elle peut arrêter si elle n’aime pas ? ». C’est vexant pour Monsieur Option. Remercie-le, plutôt, Monsieur Option, vois en lui et en tous les Monsieur et Madame Cours, tant qu’il en reste, des professionnels de l’enseignement qui croient en ton enfant, le respectent profondément et sont prêts à défendre son droit à l’éducation, à la sérénité et à l’insouciance au prix de leur carrière. Ils défendent la structure. Ils résistent. Ils veulent qu’il soit là, ton enfant, pleinement là dans quelque chose, bien présent. Même s’il est chiant, ils sont à son service. Service public.

Ne dédaigne pas non plus ce bonhomme grisâtre qui lit un vrai livre en t’attendant au fond d’une salle de classe sans affiches ni effets spéciaux : c’est Monsieur Sérieux, bientôt à la retraite, il sait beaucoup de choses et il sait les transmettre. Sévère et juste, pendant quarante ans, pas fun pour un sous, il a transmis du vrai savoir, le sens de l’effort, il a ainsi donné à ses élèves des armes inaliénables, solides, propres, pour exister (pas juste pour se trouver un boulot), exister librement. Il a fait cours avec rigueur et passion sur des sujets qu’il maîtrise. Il a su exiger et obtenir avec patience et esprit de service (public) que ses élèves, tous, apprennent plein de choses difficiles, des choses qui ne leur plaisaient pas du tout au début, mais qui ont fini par les passionner.

Sobriété pédagogique.

C’est fini.

À sa place, l’année prochaine, un fringant Monsieur Cool, coloré et débordant d’énergie, inculte et connecté, aura prévu une super activité sur les figures de style. Il crâne un peu en salle des profs : il va utiliser Genially ! Ton enfant cliquera hébété sur « anaphore » entre un escape game sur Les liaisons dangereuses (qu’il n’aura pas lu) et un scan de QR code. Du vide festif. Fumée sans feu.

Enfin, parent, un dernier service, il ne te coûte rien celui-là et il est important : l’enquête de satisfaction à l’issue des JPO, celle avec les smileys content/neutre/pas content, qui sert au manager scolaire à mieux fliquer ses troupes à coups de camemberts statistiques multicolores, ne la remplis pas, s’il te plaît.

Boîte-à-projets, c’est déjà grave, mais alors chiottes d’une aire d’autoroute…

En te remerciant par avance du soutien que tu voudras bien apporter au projet « Sauvons les cours »,

Cordialement,

Nora V.

 

Violences envers les salariés de l’Education nationale : combien de victimes ? (4) Menaces sur les enseignants du lycée Camus-Sermenaz de Rillieux-la-Pape.

 

 

                       Pas une journée sans que des enseignants soient violentés physiquement, ou menacés de mort. Qui rendra compte au quotidien de ces faits ?

Notre propre administration gagnerait à jouer la transparence, mais le règne du #PasdeVague impose le silence, la minoration des faits tangibles, le déni de la réalité, là où un recensement exhaustif officiel pourrait constituer un premier pas vers le recul de ces violences. 

                                                                                                                               Pierre-André DIONNET

   

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Violences envers les salariés de l’Education nationale : combien de victimes ? (3) L’hommage de Jacques RISSO à Madame Agnès LASSALLE.

 

         Jacques RISSO fait partie des rares lanceurs d’alerte qui ont exposé publiquement les violences hiérarchiques et administratives faites aux enseignants exerçant en France. Comme toutes les autres personnes travaillant sur ce sujet, il a lui-même d’abord été victime de ces mécanismes arbitraires si vivaces dans notre institution scolaire. 

En six illustrations, Jacques RISSO rend hommage à l’enseignante Madame Agnès LASSALLE, victime d’un assassinat, en plein cours, dans sa classe.

 

                                                                                                                                         Pierre-André DIONNET

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Violences envers les salariés de l’Education nationale : combien de victimes ? (2) L’hommage de REMEDIUM à Madame Agnès LASSALLE.

 

         J’ai déjà présenté ici les publications sans concessions de mon collègue REMEDIUM, sur lesquelles je n’hésite pas à m’appuyer dans le cadre du travail de sensibilisation contre le harcèlement scolaire qu’il est nécessaire de mener auprès des élèves.

En quelques cases de bande dessinée, REMEDIUM rend hommage à l’enseignante Madame Agnès LASSALLE, victime d’un assassinat, en plein cours, dans sa classe.

 

                                                                                                                                         Pierre-André DIONNET

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Violences envers les salariés de l’Education nationale : combien de victimes ? (1) Hommage à Madame Agnès LASSALLE.

 

Comment ne pas penser à la famille de cette enseignante, Madame Agnès LASSALLE, victime ce matin d’un assassinat, en plein cours, dans sa classe.

Comment ne pas penser à ses proches, à ses collègues. 

                                                                                                                         Pierre-André DIONNET

Harcèlement hiérarchique : le grand Déni de l’Education Nationale (37) Une « journée nationale de lutte contre le harcèlement à l’école »… pour mieux protéger les adultes harceleurs et délinquants ?

          

Jeudi 10 novembre 2022, journée nationale de lutte contre le harcèlement à l’Ecole

peu de choses ayant changé depuis deux ans,

je reproduis ci-dessous mon article publié il y a deux ans. 

* * *

                Jeudi 5 novembre 2020, le ministère de l’Education nationale communique autour de la « Journée nationale de lutte contre le harcèlement à l’école » (1).Très bonne chose, noble combat, action nécessaire et salvatrice… mais qui – paradoxalement – renforce les Omerta que l’institution scolaire elle-même entretient avec force énergie et moyens au sujet du… harcèlement mortifère auquel sont potentiellement exposés pas moins d’un million de personnes travaillant pour elle !

Ce que j’écrivais ici il y a deux ans (2) reste tout autant valable en 2020. Le « harcèlement », pour le ministre Jean-Michel BLANQUER et pour les recteurs d’académie en place, s’entend exclusivement comme celui – bien réel et qu’il faut combattre – qui surgit parfois entre élèves. Et jamais, jamais, jamais comme celui subi par de plus en plus de salariés de la nouvelle Grande Muette. « L’arbre du harcèlement entre élèves ne doit pas masquer la forêt du harcèlement contre les enseignants et les employés de l’Education nationale. ». Il la cache. Il cache des horreurs moins excusables encore. Et les médias restent trop souvent silencieux, donc complices du pire. N’apprend-on pas aujourd’hui, par la voix de quelques syndicalistes, des Stylos Rouges et autres rares lanceurs d’alerte, que dans l’Affaire de Melle (3), les sanctions proposées à la Rue de Grenelle par la rectrice de l’académie de Poitiers vont à l’encontre du « verdict » de la Commission Disciplinaire éhontée subie par ces enseignants innocents de ce dont on les accuse ?

             Certes, le verre de la Vertu n’est pas tout à fait vide, ni encore brisé. Le travail d’exposition des dysfonctionnements et des violences de l’Education nationale que mène le professeur des écoles et dessinateur REMEDIUM a été correctement relayé par la radio France Inter (4). Sur un plan plus local, dans l’académie de Lille, une nouvelle Directrice des Ressources Humaines, nommée depuis septembre, semble aborder la question du harcèlement avec un tout autre état d’esprit que celui que continuent d’insuffler à leurs services les responsables d’entités qui, dans quantité de dossiers nauséabonds, se sont embourbées en des positions indéfendables et contraires aux principes les plus élémentaires du Droit, du respect d’autrui, et de la Justice. Ce vent d’air frais fera-t-il avancer quelques navires jusqu’à leur but ? Ou se trouvera-t-il rabattu par les tempêtes fétides et les typhons des intimidations, des intérêts troubles, des copinages, des corruptions, des coups bas, des bas instincts, des passions tristes et de l’increvable #PasdeVague ? A suivre…

Pierre-André DIONNET

(1)  Voir le site officiel du ministère :  https://www.education.gouv.fr/journee-nationale-de-lutte-contre-le-harcelement-l-ecole-307024

(2) Article du 9 novembre 2017 « Harcèlement hiérarchique : le grand Déni de l’Education Nationale (2) Une « journée de lutte contre le harcèlement » qui permet d’encore mieux protéger… les harceleurs qui dirigent des établissements scolaires », article du 9 novembre 2017 : https://faitestairecepetitprofbonsang.wordpress.com/2017/11/09/harcelement-hierarchique-le-grand-deni-de-leducation-nationale-2-une-journee-de-lutte-contre-le-harcelement-qui-permet-dencore-mieux-proteger-les-harceleurs-qui-dirigen/

(3)  Article du 12 octobre 2020 : « La commission disciplinaire montée de toutes pièces : marque des recteurs qui perdent pied ? (2) L’affaire des « 4 de Melle », déshonneur de la rectrice de l’académie de Poitiers, Bénédicte ROBERT ? » : https://faitestairecepetitprofbonsang.wordpress.com/2020/10/12/la-commission-disciplinaire-montee-de-toutes-pieces-marque-des-recteurs-qui-perdent-pied-2-laffaire-des-4-de-melle-deshonneur-de-la-rectrice-de-lacademie-de-poitiers-benedict/

Et aussi : https://www.humanite.fr/education-les-quatre-de-melle-ils-ne-nous-ont-pas-brises-695884

(4) Je reviendrai bientôt sur Cas d’Ecole, la bande dessinée publiée en septembre par REMEDIUM :

https://www.franceinter.fr/emissions/par-jupiter/par-jupiter-28-septembre-2020

Et aussi : https://editionsdesequateurs.fr/aParaitre/oo/CasDecole

Harcèlement hiérarchique : le grand Déni de l’Education Nationale (36) Mercredi 21 septembre, 15H00. Pour soutenir Monsieur Kai TERADA, et les milliers d’autres victimes des répressions arbitraires dans l’Ecole publique.

                                                                                                                               

         

         Trop longtemps les organisations syndicales de l’Education nationale ont minimisé ou nié les abus d’autorité hiérarchiques et les violences arbitraires infligées aux salariées et aux salariés dont la parole et l’action étaient considérés comme trop « libres ». On a même vu des secrétaires académiques de puissants syndicats protéger des chefaillons violeurs et harceleurs, et achever d’enfoncer leurs victimes. Il se murmure que ces mêmes dirigeants syndicaux corrompus ont été récompensés par leur administration, en recevant, par exemple, des bonifications de carrière indues (du passage au hors-classe, à l’agrégation sur tapis vert) ; et tous ces retours d’ascenseur pourraient facilement être identifiés et listés par un journaliste d’investigation un peu déterminé à creuser les pratiques opaques minant l’institution scolaire. 

En 2022 la Francétélécomisation de l’Ecole publique arrive à son terme. Nos syndicats sont globalement décrédibilisés, malgré le travail et l’engagement concret de nombreux syndicalistes intègres, oeuvrant efficacement à l’échelle locale. Il n’est pourtant jamais trop tard, ni pour faire illusion et se muer de collabo acharné en résistant de 1945 (comme le font sans vergogne quelques hauts responsables syndicaux et quelques figures médiatisées), ni pour bien faire et aider les victimes de harcèlement hiérarchique.

Le mercredi 21 septembre, à 15h00, devant le Ministère de l’Education nationale. Pour soutenir Monsieur Kai TERADA, et les milliers d’autres victimes des répressions arbitraires dans l’Ecole publique.  

                                                                                                                                Pierre-André DIONNET

 

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         Trop longtemps les organisations syndicales de l’Education nationale ont minimisé ou nié les abus d’autorité hiérarchiques et les violences arbitraires infligées aux salariées et aux salariés dont la parole et l’action étaient considérés comme trop « libres ». On a vu des secrétaires académiques de puissants syndicats protéger des chefaillons violeurs et harceleurs, et achever d’enfoncer leurs victimes. Il se murmure que ces mêmes dirigeants syndicaux corrompus ont été récompensés par leur administration, en recevant, par exemple, des bonifications de carrière indues (du passage au hors-classe, à l’agrégation sur tapis vert) ; et tous ces retours d’ascenseur pourraient facilement être identifiés et listés par un journaliste d’investigation un peu déterminé à creuser les pratiques opaques minant l’institution scolaire. 

En 2022 la Francétélécomisation de l’Ecole publique arrive à son terme. Nos syndicats sont globalement décrédibilisés, malgré le travail et l’engagement concret de syndicalistes intègres, oeuvrant efficacement à l’échelle locale. Il n’est pourtant jamais trop tard ni pour faire illusion et se muer de collabo acharné en résistant de 1945, ni pour bien faire et aider les victimes de harcèlement hiérarchique.

Le mercredi 21 septembre, à 15h00, devant le Ministère de l’Education nationale.   

                                                                                                                                Pierre-André DIONNET

 

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Bile indiquer que la partie de jenga touche à sa fin. Les « Jobdatings », les 4000 enseignants manquant à l’appel ou l’embau

 
partie de jenga © Grimo

[1] Selon Laval, C., Vergne, F., Clément, P., & Dreux, G. (2011). La nouvelle école capitaliste. Paris : la

Découverte.p.28.

[2] https://www.senat.fr/rap8et-la-liberte-2/

 

Harcèlement hiérarchique : le grand Déni de l’Education Nationale (35) Précarisation, déqualification et… techniques de harcèlement moral hiérarchique. Le Jenga de Frédéric GRIMAUD.

                                                                                                                               

         

         Précarisation et déqualification sont les deux attaques principales par lesquelles nos dirigeants politiques mettent à bas l’Ecole publique depuis 30 ans, comme le montrent de nombreux spécialistes de l’organisation du travail. Frédéric GRIMAUD le rappelle dans son billet de blog de rentrée. Et à ces deux techniques globales se superposent les mille et une façons, sur le terrain, localement, concrètement, quotidiennement, de commettre impunément des délits de harcèlement moral envers des enseignants et des salariés de l’Education nationale. Par exemple, imposer un emploi du temps systématiquement à l’encontre des voeux, des besoins, et des possibilités d’un professeur peut sembler totalement innocent, futile, dérisoire et anecdotique – surtout pour celles et ceux qui n’ont jamais enseigné – mais quand cela s’imbrique dans une kyrielle de « menues » agressions, attaques, vexations, coups bas et coups tordus, crachats, provocations, remises en cause, diffamations, calomnies et autres joyeusetés enseignées aux chefs d’établissements lors de leurs journées de formation, les délits de harcèlement sont parfaitement constitués – bien qu’il n’y ait pas pire sourd qu’un magistrat qui ne veut rien entendre. Et les exemples restent légion, encore en 2022, de ces chefaillons francetélécomiseurs multipliant les délits sanglants durant des carrières entières, sans jamais rendre de comptes devant la Justice.

 Oui, pour faire vaciller la tour on use de précarisation et de déqualification. Les deux phénomènes sont étudiés, connus, reconnus, Mais le troisième pilier reste celui du mobbing et du harcèlement moral, que pratiquent en ce moment mêmes des milliers de proviseurs, de principaux, d’adjoints, de CPE, de plus en plus aidés en cela par… des « profs ». Ces « profs » qui éradiquent inexorablement les « vrais » professeurs, et dont la masse toujours plus envahissante et déstabilisante précipite la fin de la grande partie de Jenga.

  

                                                                                                                                Pierre-André DIONNET

 

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Ci-dessous, Ecole : l’effondrement qui vient… par le métier, article du 1er septembre 2022, Frédéric GRIMAUD, blog hébergé par le site Médiapart.

https://blogs.mediapart.fr/fredgrimaud/blog/010922/ecole-l-effondrement-qui-vient-par-le-metier?utm_source=nl-club-20220909-163657&utm_medium=email&utm_campaign=LETTRECLUB&utm_content=&utm_term=&xtor=EREC-83-%5BLETTRECLUB%5D-nl-club-20220909-163657&M_BT=2225451855474

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Billet de blog 1 sept. 2022

École : l’effondrement qui vient… par le métier

Je ne suis pas collapsologue de l’école mais enseignant à la veille de la rentrée. Depuis plusieurs années, je mène des recherches en sciences de l’éducation qui m’ont permis d’analyser les évolutions de mon métier et de l’institution scolaire. Et en ce 1er septembre 2022, j’ai l’impression d’assister à une fin de partie de « Jenga ».

Jenga vous connaissez ? Ce jeu où il faut enlever une par une les pièces en bois d’une tour qui à chaque minute se déséquilibre un peu plus. Mes élèves adorent. Surtout le moment où l’on sent qu’il ne reste plus beaucoup de temps avant l’effondrement de la tour, que la moindre pièce enlevée peut faire vaciller un édifice qui semblait si stable au départ. Cette rentrée des classes 2022 ressemble-t-elle à une fin de partie de jenga où se joue l’effondrement de l’école ?  

Une partie commencée il y a 30 ans

La partie de jenga, qui vise à déstabiliser l’école et qui semble aujourd’hui si proche de la fin, a commencé alors que j’étais moi-même lycéen, dans les années 90. Devant le déclin du taylorisme, de nouveaux modes d’organisation du travail de types « néo-fordistes » apparaissent et infusent dans les services publics. Ce « nouveau management public », pour reprendre l’expression de Christopher Hood[1], qui apparaît comme une version renouvelée, dans la continuité ou le dépassement, du taylorisme, est à la source des réorganisations du travail dans le service public. Depuis plus de 30 ans, dans les établissements scolaires, ces formes de management évoluent et ébranlent le métier des professeurs des écoles. Dans d’autres secteurs d’activités, les parties de jenga sont finies depuis des années :  à l’ANPE, à France Télécom, à la Poste, à la SNCF… et elles se sont toutes terminées par la privatisation de ces services. La tactique gagnante est simple. Elle consiste à importer dans les services publics des règles de fonctionnement venues du secteur privé où les normes sont mues par des logiques de concurrence, de compétitivité, de performance … souvent bien éloignées des valeurs portées par la fonction publique.

Ces valeurs ne sont pas en suspension, elles sont véhiculées par les agents du service public au travers de leur métier. C’est le métier qui cristallise des normes historiques et culturelles d’une profession. Et les chocs entre les normes venues du monde libéral et celles du service public ébranlent le métier comme une tour du jenga qui se déséquilibre à chaque fois qu’une pièce est enlevée du jeu.

Précarisation et Déqualification jouent la partie

Filons la métaphore. La partie de jenga se joue ici à 2 deux joueurs : « précarisation » et « déqualification » enlèvent une à une les pièces qui tiennent le métier en équilibre.

Player one : Précarisation. Son action vise à détériorer chaque année un peu plus les conditions de travail des professeurs des écoles et à remplacer les fonctionnaires par des contractuels. Les enseignants ont perdu entre 15 et 25 % de rémunération au cours de ces 20 dernières années et leur salaire est aujourd’hui largement en deçà de la moyenne des pays de l’OCDE[2]. Le déroulé de carrière et les droits à la formation ou à la mobilité sont rognés tandis que les conditions d’exercices dans des classes surchargées, où l’on n’est jamais remplacé, se dégradent d’année en année. Les droits syndicaux sont régulièrement attaqués, mettant en danger les CHS-CT après avoir supprimé les commissions paritaires, dans une ambiance de suspicion généralisée.  

Player two : Déqualification. Ce mot emprunté à Friedmann[3], définit la logique qui vise à déposséder le travailleur de ses savoirs faire en l’éloignant au maximum des lieux où sont définis et conçus sa tâche et les outils pour la réaliser. A chaque tour de jeu, le processus de déqualification réduit un peu plus le professeur à un simple exécutant de sa tâche. Sur le terrain, cela se matérialise par toute une série de mesures inspirées des préceptes tayloriens[4], des réformes de la formation[5] aux guides de bonnes pratiques en passant par la loi Rilhac[6] ou le pilotage par les évaluations[7].

Déqualification et précarisation déséquilibrent ainsi un peu plus chaque fois la tour du métier en prolétarisant les professeurs des écoles, jusqu’à l’effondrement. Bien sûr ils ne jouent pas l’un contre l’autre, mais sont dans le même camp, celui du néolibéralisme[8].

 La partie touche-t-elle à sa fin ?  

En cette veille de rentrée, la presse révèle une situation que les cassandres syndicaux dénonçaient depuis des lustres : le manque d’effectifs[9], qui semble indiquer que la partie de jenga touche à sa fin. Les « Jobdatings », les 4000 enseignants manquant à l’appel ou l’embauche massive de contractuels montreraient que le navire fait cap sur l’iceberg. Mais il est des indicateurs silencieux qui inquiètent davantage et qui pourraient signer l’approche de la fin de la partie de jenga : les altérations de la santé des professeurs des écoles. Ceux-là même qui ont « un bon job », quasiment tout le temps en vacances, mais qui démissionnent à la pelle et saturent les permanences téléphoniques de leurs syndicats pour exprimer leur souffrance au travail. Et même si tous ne sont pas en burnout, le malaise est palpable dans toutes les salles des maîtres. Tels les animaux malades de la peste dans la fable, « Ils ne mourraient pas tous mais tous étaient touchés ».

Cette souffrance, visible lorsqu’une directrice d’école se donne la mort ou discrète lorsqu’un collègue perd sa motivation à enseigner, exprime la perte de sens dans l’activité de travail des enseignants. Elle est le symptôme d’un métier malade. Car au fond c’est bien le métier qui souffre et l’indicateur principal de son effondrement est le nombre croissant de collègue qui pâtissent, sous diverses formes, d’une mauvaise organisation de leur travail. Nous l’avons dit plus haut, le nouveau management public importe des normes de travail nouvelles qui brouillent le métier. Le sens de l’activité de travail est flouté, perdu pour certains, et on a là des enseignants qui ne peuvent trouver dans l’histoire et la culture partagée de leur profession les ressources pour agir. Jusqu’à attaquer leur santé.

La tour est toujours debout !

Précarisation et déqualification jouent au jenga du métier enseignant depuis plus de 30 ans maintenant, et l’effondrement n’a pas eu lieu. Pendant que leurs homologues ont transformé le métier de forestier en gestionnaire de bois pour permettre la privatisation de l’ONF ou qu’ils ont fait passer la tarification à l’acte à l’hôpital pour mieux le privatiser, la partie de jenga à l’école s’avère plus complexe que prévu pour les joueurs néolibéraux. Pourtant notre dernier ministre n’a pas mesuré ses efforts pour précipiter la fin de la partie. Mais la tour est toujours debout. Il faut dire que ses bases sont solides et reposent sur une longue histoire de l’école républicaine et une robuste culture professionnelle. Oui, les enseignants résistent et leur métier est une tour de jenga qui n’est pas si facile à faire vasciller.

Pour empêcher les néolibéraux de gagner la partie, il nous faudra donc, cette année encore, consolider notre métier, renforcer notre expertise professionnelle. Pour cela nos luttes doivent être dirigées à la fois contre « précarisation » en défendant nos conditions de travail, mais également tournées vers « déqualificitation » qui tente de saper notre expertise. C’est notre métier qui est attaqué, c’est lui qu’il faut défendre en assumant d’être concepteurs de nos tâches et de nos outils, en refusant le clé-en-main du ministère, ses protocoles d’exécution et autres guides de bonnes pratiques. En défendant notre liberté « dans » notre travail[10].

 

Harcèlement hiérarchique : le grand Déni de l’Education Nationale (34) La CGT Educ’Action Alsace auprès des victimes des chefaillons.

                                                                                                                               

 

 

        

         Les violences hiérarchiques envers les salariés de l’Education nationale ne sont pas conjoncturelles, mais structurelles. Elles ne sont pas le fruit du hasard de la rencontre malheureuse d’individus, de tempéraments et de personnalités ne s’accordant guère. Non. Elles sont systémiques, volontaires, conscientes. Et totalement « assumées » par chaque échelon de la pyramide hiérarchique, quoi qu’invisibilisées et soustraites aux regards du plus grand nombre.
Ces violences visent à francetélécomiser le personnel, puisque la feuille de route depuis 30 ans est de détruire le service public éducatif, ni plus ni moins cyniquement qu’on détruit les autres services d’Etat tournés vers la population.

Aux brutalités de toutes natures supportées par les enseignants figurent aussi bien les violences salariales – via la paupérisation des professeurs – que ces abus de pouvoir d’une hiérarchie locale dont le recrutement est de plus en plus douteux.
Coups tordus, calomnies, diffamations, accusations infondées, pièges crasseux, mobbing sont les seuls moyens pour les chefaillons incompétents de faire illusion est de maintenir une petite aura de crainte leur assurant la docilité de leurs courtisans.

Dans la lutte contre ces méthodes déloyales, minables et indignes de l’Ecole publique, plusieurs syndicats sont très actifs : SUD Education, Action Démocratie et – surtout – la CGT Educ’Action.
Les bonnets d’âne reviennent sans conteste aux déclinaisons des fédérations de l’UNSA Education (SE-UNSA, SNPDEN, …) et de la FSU (SNES, SNUIPP, SNUPDEN, SNUEP, SNES SUP, SNETAP, etc.). Il se murmure qu’on a vu et qu’on voit encore certaines et certains secrétaires académiques de puissantes structures syndicales baigner dans des degrés de corruption aux logiques quasi mafieuses, dans l’opacité du #PasdeVague et de cette « nouvelle Grande Muette » qu’est l’Education nationale.

Dans l’académie de Strasbourg, la CGT Educ’Action Alsace est à la pointe du combat, comme le prouve la publication de la double page reproduite ci-dessous.
Désinvisibiliser ces pratiques et les faire reculer, aider les victimes broyées par une administration repliée dans le déni du réel, voilà quelques unes des missions qu’accomplit la CGT Educ’Action, et c’est un des points qui distingue radicalement cette structure d’autres syndicats – parfois plus « grands », mais tellement « petits », trop souvent.

 

  

                                                                                                                                Pierre-André DIONNET

 

 

 

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ASD Pro, une association qui pèse et qui agit, contre le harcèlement et les violences en milieu professionnel. (4) « Souffrances au Travail… On lâche rien ! » Première à Paris, Cinéma Saint-André des Arts.

Notre association ASD-pro a le plaisir de vous inviter à la première du film :

 « Souffrance au travail… On lâche rien ! »

Le 29 juin à 20h au cinéma Saint André des Arts à Paris.

Voir la bande annonce

Ce film, réalisé par Daniel Kupferstein, retrace le « parcours du combattant » auquel sont confrontés les victimes ou leurs ayants droits lorsqu’il s’agit d’un suicide, afin de faire reconnaitre que leur souffrance, leurs pathologies psychiques, leur suicide… est la conséquence de leur travail au sein d’une « organisation » ou d’un « management » pathogène ; et donc obtenir que cette reconnaissance soit acquise en accident du travail ou en maladie professionnelle , et le cas échéant faire condamner au pénal ces employeurs responsables.

Ce combat, car c’en est un, va alors durer des mois voire des années ; confrontés au déni organisé, aux mensonges, à la complexité administrative et judiciaire qui constitue souvent une « double peine » au regard de la souffrance que cette complexité fait perdurer, au regard de son coût financier et de sa lenteur, de la volonté des employeurs de « faire durer » les procédures participant au fort sentiment d’injustice, et de la solitude dans laquelle se retrouvent bien souvent les victimes et/ou leur famille.

Au-delà d’un simple soutien, la mobilisation sociale, médiatique, syndicale, associative.. permet alors à ces victimes de dépasser leur isolement en donnant à ce combat la dimension politique que recèlent ces stratégies de déni, de harcèlement et maltraitance institutionnels ayant cours dans nombre d’entreprises et d’administrations publiques ; cette mobilisation solidaire ouvre la voie à la reconnaissance recherchée comme en témoigne la victoire obtenue au procès des ex dirigeants de France Télécom.

Dans cette logique de Mobilisation Solidaire, notre association a décidé de consacrer les dommages et intérêts perçus en tant que partie civile dans ce procès France Télécom (2019) à la réalisation d’un film consacré à ces questions.

Au travers de trois situations emblématiques de ces stratégies et de ce parcours, ce film montre comment la mobilisation sociale et solidaire permet aux victimes ou leurs familles de dire : « On ne lâche rien » !

Pour que jamais ces drames ne puissent se reproduire.

Qui sommes-nous : https://asdpro.fr/

Daniel Kupferstein, réalisateur : www.daniel-kupferstein.com

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Soutenez-nous par votre adhésion (20 €) ou vos dons, à envoyer à Etienne MEYER, trésorier ASD Pro 9 Rue Guérin 37300 Joué lès Tours

ASD Pro, une association qui pèse et qui agit, contre le harcèlement et les violences en milieu professionnel. (3) « Souffrances au Travail… On lâche rien ! » Avant-première à Angers, Cinéma Les 400 Coups.

SOUFFRANCE AU TRAVAIL… ON LÂCHE RIEN !

Un film documentaire de Daniel KUPFERSTEIN

Réalisé avec le soutien de l’association ASD-Pro.

FRANCE – 2022 – 1h22

Mardi 14 juin à 20h00 ANGERS Cinéma Les 400 Coups

Salle accessible aux personnes à mobilité réduite.

Harcèlement, maltraitance, perte de sens du travail… conduisent des milliers de salariés à souffrir de leur travail, tomber malades, voir se suicider ! Commence alors un véritable parcours du combattant pour ces victimes ou leurs familles puisse faire reconnaitre ces souffrances en « accident du travail » ou en « maladie professionnelle » et le cas échéant faire condamner au pénal ces employeurs responsables.
Au travers de trois situations emblématiques de ces stratégies de déni, ce film montre comment la mobilisation sociale et solidaire permet aux victimes ou à leurs familles de dire : « On ne lâche rien » !

Filmographie : « Pas en mon nom », « L’amitié plus forte que la haine »

Harcèlement hiérarchique : le grand Déni de l’Education Nationale (33) Une des clefs de la casse de l’Ecole publique, et de la crise du recrutement des enseignants.

                                                                                                                               

 

 

         Depuis quelques années, il ne se passe pas une semaine sans qu’on me transmette des témoignages de situations de harcèlement hiérarchique, et des cas précis de francetélécomisation d’une salariée ou d’un salarié de l’Education nationale. Le démantèlement et la casse de l’Ecole publique, la privatisation et la marchandisation de l’instruction passent depuis 30 années par ces procédés hyper-violents et très efficaces. L’industrie médiatique reste silencieuse. Elle regarde ailleurs et le citoyen lambda ne peut avoir accès à ces informations factuelles uniquement s’il fait la démarche et l’effort d’aller les chercher au fin fond des pages de moteurs de recherche, ou dans les conversations en « off » des quelques enseignants qui prennent le risque de briser ce tabou. Au mieux on présente parfois dans la presse un cas particulier dont on s’empresse de prétendre qu’il est « exceptionnel », « isolé », si pas « unique » – sans jamais faire le lien avec les milliers d’autres délits du même type, que seuls une poignée de lanceurs d’alerte prennent en compte.

Récemment encore, des journalistes de Médiapart, de Libé, d’Arrêt sur Image, du Figaro, du Point, du Monde, et d’autres médias ont été contactés par plusieurs enseignantes et enseignants sensibles à ces sujets et qui les maîtrisent plus ou moins correctement suivant le recul qu’ils adoptent. Reste à voir si cela pourrait un jour déboucher sur des articles dépassant tel ou tel cas individuel, et abordant enfin la question globale des violences auxquelles est soumis le personnel de l’Education nationale.

Violences salariales ? Violences physiques ponctuelles, dans les classes ?
Pas seulement.
Pour être le premier enseignant à avoir dénoncé dans l’espace public la tolérance et l’impunité vis-à-vis des violences sexuelles faites aux femmes travaillant dans l’Education nationale – bien avant l’émergence des mouvements #metoo et #PasdeVague – je mesure bien la puissance de la répression et des Omerta pesant sur ces questions. Et je mesure aussi combien les réseaux sociaux, et parfois la presse quotidienne régionale, jouent un rôle essentiel dans la façon dont les lignes frémissent et bougent très légèrement ces temps-ci.
Invisibiliser la matérialité des violences subies au quotidien par le personnel ?
Ou bien faire enfin le lien (1) entre toutes ces différentes formes d’attaques, d’agressions, de mises en situation d’inconfort ? Toutes ces formes de violence répondent à une même logique dont la finalité est de mettre à terre l’Ecole et ses meilleurs acteurs.

Informer, diffuser les informations, répéter, jusqu’à ce qu’un jour, l’industrie médiatique aborde à son tour (même à sa manière) la question de la fragilisation du statut des enseignants par leur propre institution. Cette casse de l’Education nationale est systémique, c’est-à-dire qu’elle est menée de l’intérieur, volontairement, par une partie de son administration. La pénurie des enseignants est tout sauf un « classe-tête » ou un « casse-tête », contrairement à ce qu’affiche Libé à sa une, ce lundi (2). Les solutions sont simples et connues. Manque la volonté politique de les mettre en oeuvre avant que les jeunes générations soient définitivement enfermées dans une régression sociale, éducative, et culturelle. Ne plus faire appel à des « profs », mais seulement à des « professeurs » ; former des citoyens maîtrisant réellement la langue française plutôt que de mouler des cons sots mateurs (3) sans mots donc sans défense ; instruire plutôt que faire de la garderie ; renoncer à la « fausse bienveillance » qui s’avère maltraitante pour les adultes comme pour les enfants ; redonner des pouvoirs décisionnels aux enseignants de terrain plutôt que de confier ces pouvoirs aux élèves et à leurs parents – y compris aux plus hors-sol, aux plus haineux, et aux plus dangereux d’entre eux (4) – ou à des cadres déconnectés du réel ; remettre en marche l’ascenseur social plutôt que de flatter, berner, puis désespérer les jeunes titulaires de baccalauréats et autres diplômes en carton-pâte. C’est encore possible, et c’est tout ce que demandent les professeurs. Encore faut-il qu’on leur foute la paix.      

                                                                                                                                Pierre-André DIONNET

 

(1) « Respect, moyens, salaires » : le slogan des Stylos Rouges rappelle que tout n’est pas qu’une question d’argent. Loin s’en faut.

(2) De manière générale, quand on vous dit « C’est compliqué. », c’est que les choses sont très simples… mais qu’on a tout intérêt à ce que rien ne  change. 9 fois sur 10, les choses sont très simples, et le « C’est compliqué » est là pour vous empêcher de réfléchir.

Cesser de démolir l’Ecole, c’est très simple, cela passe par des mesures simples, il n’y a rien de bien « compliqué » : ce n’est pas un « casse tête » ! Et les solutions à mettre en oeuvre allégeraient le budget de l’Etat, au final. Entre autres parce qu’ouvrir une (vraie) école, c’est aussi fermer une prison. 

(3)   Former des citoyens plutôt que de mouler des cons sots mateurs :  cette formule m’est venue lors d’une prise de parole de Nuit Debout. Elle est maintenant parfois employée sur les réseaux sociaux, notamment par plusieurs de mes lectrices et lecteurs fidèles, et c’est une bonne chose.

(4) Dans son ouvrage J’ai tué un Chien de l’Enfer, David DI NOTA a montré comment ce transfert des pouvoirs réels et des pouvoirs symboliques avait été fatal à Monsieur Samuel PATY. Les constats opérés par David DI NOTA rejoignent une partie des questions soulevées dans cet article : https://faitestairecepetitprofbonsang.wordpress.com/2020/10/31/hommages-a-monsieur-samuel-paty-nous-noublierons-pas-jamais-1-cinq-questions-brulantes-et-taboues-sur-les-responsabilites-des-uns-et-des-autres/

 

Screenshot 2022-05-23 at 10-47-29 (14) Accueil _ Twitter

 

Des médias aveugles et silencieux ? (16) Quand Michel BECQUEMBOIS et Elsa MAUDET de Libé produisent le « petit miracle » d’un clip de « pure propagande »…

 

               

                     Hier était publié sur ce blog un billet en réaction au clip de Libé « donnant la parole aux profs » pour « une plongée dans le quotidien des salles de classe » et ses « petits miracles ». (1) 
Et bien sûr, d’aucuns jugeront excessif, exagéré, outrancier l’angle choisi et les termes employés dans cet article, rédigé et proposé à la lecture par votre serviteur.
« Propagande brute », « désinformation crasse », « profbashing »… oh là là tout de même… allons, allons, ces journalistes sont des gens sérieux – ce sont des professionnels.
Et nous, nous sommes quoi, peut-être ? Des professionnels, justement. Des professionnels : des professeurs. Pas des « profs ». (2)

Michel BECQUEMBOIS et Elsa MAUDET sont des professionnels du journalisme, du meilleur niveau qui soit.
Et ils ont produit un clip qui ressemble trait pour trait aux clips « publicitaires »,
aux clips « promotionnels »,
aux clips de « propagande » – oui, de propagande ! – visant à recruter des enseignants et à pallier l’absence d’attractivité du métier, quitte à mentir sur l’essentiel.

Pallier : « couvrir d’un manteau » (« pallium » en latin), dissimuler un défaut, une faille, étymologiquement. (3)
Pour dissimuler, ces deux journalistes, ont fait le nécessaire, ça, c’est indéniable. L’arbre de leurs « petits miracles » dissimule bien la forêt des petites et des grandes violences.
Et c’est bien là tout le problème de leur démarche « journalistique », dont le parti-pris la fait sortir totalement du champ de l’objectivité et de l’information neutre.

Quant à la « magie » de la « vocation », ressassée dans ce clip, nous ne sommes pas des religieux.
Notre métier ne s’apprend pas en une fraction de seconde, au cours du « petit miracle » d’une « révélation » mystique.
Et on sait trop bien que comment ce type de propagande autour de nos « vocations » est mis en avant pour justifier nos salaires indigents (pour un travail équivalent ou plus lourd, nous sommes moins bien payés que nos homologues européens et que tous les autres fonctionnaires de catégorie A). (4)

Un surveillant pénitentiaire recruté au niveau du brevet des collèges débute en gagnant 1980 € par mois.
Un professeur recruté à Bac + 5 débute à 1451 €, et se nourrit de « la magie-han ».
Michel BECQUEMBOIS et Elsa MAUDET n’ont pas pensé à informer leurs lecteurs de ce « petit miracle » ?

Screenshot 2022-02-04 at 13-04-10 Les Stylos Rouges sur Twitter

 

             Marteler l’idée que le salaire et les conditions de travail sont insignifiants au regard du « bonheur magique » généré par notre « vocation » sacerdotale et par les « étoiles dans les yeux des nenfants » que nous aidons, voilà ce que ce clip infuse dans les esprits.
Cette conception du métier comme une « vocation » illuminée de fraîcheurs enfantines est une excellente caution pour que les dirigeants politiques nous payent et nous traitent, de fait, comme des sous-citoyens. (5)
Nous devenons dès lors illégitimes à toute revalorisation salariale ou sociale : puisque nous sommes heureux d’un rien, en quoi nous manquerait-on de respect ?
Et voilà ce qui permet à toute la société d’accepter notre déclassement, et de fermer les yeux sur la casse de l’Ecole publique : ces deux journalistes de Libé n’aiment vraiment pas les enseignants, non. Si c’était le cas, leur reportage parlerait de tout autre chose, ce ne sont pas les sujets à traiter qui manquent.
Chaque heure de cours, un « petit miracle » de bonheur et de joie ? Une propagande méprisante, franchement moche, et qui ne dit pas son nom…

Tant qu’on produira ce genre de clip, piégeant le spectateur dans l’émotion, et véhiculant des niaiseries larmoyantes dégoulinant de (faux ?) bons sentiments, l’Ecole restera un impensé politique, en France. (6)
Il suffit de lire les programmes des candidats à l’élection présidentielle pour saisir l’indigence de la réflexion sur les dérives de l’enseignement.
Les femmes et les hommes qui exercent le métier d’enseignant en 2022 méritent mieux que cela.
Pierre JACQUE, Jean WILLOT, Christine RENON, Samuel PATY, les milliers d’autres professeurs sacrifiés par cette logique de la désinformation méritent mieux que cela.

Qu’en pensent les enseignants ?
Qu’en disent les professeurs ?
Mon prochain billet donnera la parole aux collègues… à ceux que – par on ne sait quel « petit miracle » – JAMAIS Michel BECQUEMBOIS et Elsa MAUDET n’interrogent.
Ne pas prendre en compte leur parole – jamais ! – et ne retenir que les rares moments de grâce qui éclosent encore dans le champ de ruine de l’Ecole publique, voilà où réside le mépris de ces deux journalistes, dont le clip alimente le #PasdeVague et permet d’entretenir encore et encore – au final – le #ProfBashing.
Libre à ces deux grands professionnels de l’information, demain, de corriger tout cela. Ou pas… (7)

Pierre-André DIONNET

(1)

Des médias aveugles et silencieux ? (15) Entre gnan-gnan et déni du réel, entre propagande brute et désinformation crasse, quand les journalistes de Libé renforcent le #PasdeVague et l’Omerta sur les violences subies par les professeurs…

(2) 

Un « prof’ », ce n’est pas un professeur ! (1) Mais vraiment pas du tout !

Un « prof’ », ce n’est pas un professeur ! (2) Kevinou et son paquet de chips.

Un « prof’ », ce n’est pas un professeur ! (3) Deux sortes de « profs », toujours moins de dignité.

(3) https://www.cnrtl.fr/definition/pallier

(4) https://blogs.mediapart.fr/jadran-svrdlin/blog/240122/france-televisions-et-la-deontologie-une-histoire-de-desamour

(5)

5 octobre, Journée française des sous-citoyens de l’Education nationale !

 

(6)

L’Ecole, enjeu politique ? (1) La mauvaise graisse du Mammouth, celle dont ne parlera aucun candidat aux présidentielles de 2022.

 

(7)  En tant qu’enseignant de terrain, en tant que lanceur d’alerte sur les violences faites au personnel de l’Education nationale (nous ne sommes pas plus d’une petite quinzaine, à être actifs, en France), en tant que bon connaisseur de cette question, je serais ravi d’aider bénévolement ces journalistes de Libé à regarder le réel et à le décrire. Mais par expérience, et pour les avoir maintes fois sollicités par le passé, je n’y crois guère. 😉 C’est tellement plus facile et démago de vendre de la « magie- han » et « les étoiles dans les yeux » des petits nenfants.
Quelques journalistes ont cependant à cœur de faire correctement leur métier, et Sara SAIDI n’est pas la seule à même de prouver qu’un traitement sérieux de ces questions est possible.

Des médias aveugles et silencieux ? (14) « Pourquoi les professeurs n’en peuvent plus ! » Sara SAIDI, première journaliste à évoquer les violences subies par les enseignants, et la francetélécomisation de l’Ecole.

 

 

Des médias aveugles et silencieux ? (15) Entre gnan-gnan et déni du réel, entre propagande brute et désinformation crasse, quand les journalistes de Libé renforcent le #PasdeVague et l’Omerta sur les violences subies par les professeurs…

 

               

           

Quand les journalistes de Libé parlent de l’Ecole.
Quand les journalistes de Libé prétendent donner enfin la parole à des enseignants de terrain. (1)
Quand les journalistes de Libé assurent effectuer « une plongée dans le quotidien des salles de cours ».
Quand les journalistes de Libé « informent » avec rigueur et objectivité leurs lecteurs sur ce que vivent réellement les professeurs.

 

« Peut-être vont-ils expliquer comment et pourquoi depuis 30 ans nos dirigeants politiques démolissent l’Ecole et écoeurent les meilleurs enseignants, de la même manière qu’ils démolissent l’hôpital et écoeurent les meilleurs soignants ? »

 

On se dit… peut-être vont-ils expliquer comment et pourquoi depuis 30 ans nos dirigeants politiques démolissent l’Ecole et écoeurent les meilleurs enseignants, de la même manière qu’ils démolissent l’hôpital et écoeurent les meilleurs soignants ?
On se dit… peut-être vont-ils expliquer les raisons de la grève du 13 janvier dernier ? (Non, non, cette grève n’avait rien à voir avec le Covid, ni avec les masques : la gestion calamiteuse de la situation sanitaire n’a été qu’une goutte d’eau faisant déborder le vase). (2)
On se dit.. peut-être vont ils reprendre le travail d’un des lanceurs d’alerte qui leur mâchent le travail depuis des années ?
On se dit… peut-être vont-ils enquêter sur les dizaines de formes de violences subies par le personnel de l’Education nationale, qui – rappelons-le puisque Libé ne le fait pas – n’est pas composé que d’enseignants ? (3)

Peut-être vont-ils faire un pur travail d’information ?
Un bon travail de journaliste ?
Quelque chose d’objectif ? De sérieux ? De rigoureux ?
Peut-être vont-ils mener un vrai travail d’investigation sur l’impunité de fait dont jouissent de nombreux chefs d’établissements scolaires qui accumulent délits et crimes, qui violent, agressent, détruisent, poussent au suicide, pratiquent le mobbing ultra-violent, harcèlent leurs subordonnés, avec la caution, la complicité et l’aval tacite de l’appareil judiciaire français… (4)

Las… patatras !
Non, rien de tout cela.

 

« Libé produit et diffuse sur les réseaux sociaux un clip vidéo de pure propagande, si grotesquement détaché du réel qu’il semble presque émaner d’un cabinet orwellien du Ministère de l’Information d’une improbable dictature glaciale. Un de ces régimes sanglants et opaques, qui, aux termes d’années de mensonges d’Etat et de totalitarisme hyper-brutal, ne chercherait même plus à donner le change auprès de son peuple opprimé et muselé. »

 

                        Sous le titre gentillet « Pourquoi enseignez-vous ? », Libé produit et diffuse sur les réseaux sociaux un clip vidéo de pure propagande, si grotesquement détaché du réel qu’il semble presque émaner d’un cabinet orwellien du Ministère de l’Information d’une improbable dictature glaciale. Un de ces régimes sanglants et opaques, qui, aux termes d’années de mensonges d’Etat et de totalitarisme hyper-brutal, ne chercherait même plus à donner le change auprès de son peuple opprimé et muselé.
Un clip nunuche et hors-sol, dans l’esprit du fameux mot d’Agnès PANNIER RUNACHER décrivant le travail en usine : « C’est pour la magie – han ! ». (5)
Un clip à la fois bisounours et glaçant, digne des meilleures régimes totalitaires, puisqu’il évacue totalement le réel des conditions d’exercice du métier.

 

 

              Ou plutôt les conditions du non-exercice du métier : Libé ne vous le dit pas, et pour le coup Libé n’informe pas, Libé fait du bourrage de crâne, Libé désinforme : en réalité, tout est fait pour casser le cœur du métier, et pour que nous n’instruisions plus les élèves, et c’est une volonté politique affirmée – mais bien sûr jamais assumée ni expliquée aux habitants de ce pays – de septennats en quinquennats. Comme on a désindustrialisé la France, on en a dés-instruit sa jeunesse, tant il est plus facile d’exercer le pouvoir sur des cons sots mateurs mal éclairés que sur des citoyens. Depuis JOSPIN (et sa fameuse loi plaçant la subjectivité des élèves au-dessus de l’acte d’enseignement… un renversement des principes qui n’a cessé de s’accentuer, et n’a au final pas vraiment profité à Monsieur Samuel PATY) jusqu’à BLANQUER en passant par BAYROU, FERRY, FILLON, DARCOS, CHATEL, ALLEGRE, PEILLON et VALLAUD BEL KACEM (qui restera à jamais comme « la fossoyeuse du collège » ricanant ostensiblement dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, en affichant tout son mépris pour les professeurs qui bossent dur et qui en bavent), cette volonté politique de mettre à bas l’Ecole de la République et les serviteurs de cette Ecole a fait des ravages. Est-ce par idéologie que les journalistes de Libé refusent depuis toujours d’en informer honnêtement leurs lecteurs ?

 

« En réalité, tout est fait pour casser le cœur du métier, et pour que nous n’instruisions plus les élèves, et c’est une volonté politique affirmée – mais bien sûr jamais assumée ni expliquée aux habitants de ce pays – de septennats en quinquennats. Comme on a désindustrialisé la France, on en a dés-instruit sa jeunesse. »

 

Comment masquer ce qui saute aux yeux ?
La manœuvre est simple et fait parfaitement illusion. Globalement, « ça passe crème ».
Il suffit de mettre en scène 6 « ravis de la crèche » égocentrés.
6 Narcisses naïfs, gnan-gnan et niais, en quête de reconnaissance sociale et d’un quart d’heure de célébrité warholien.
6 candides frotte-manches se regardant le nombril, des idiots-utiles tout heureux qu’on pointe des projecteurs sur leurs faces extatiques.
6 « profs » – ils ne sont pas des « professeurs » – souvent déjà bien trop présents sur les réseaux sociaux, l’un d’entre eux s’exhibant régulièrement en slip dans des postures lascives, sur la toile. (6)
Pourquoi pas ?

 

« Eviter d’expliquer pourquoi et comment on met à bas l’Ecole publique et l’ascenseur social, en France, depuis 30 ans, à coup de fausse bienveillance, d’effondrement du niveau scolaire, de management néolibéral ultra-brutal, d’appauvrissement et de précarisation sociale des enseignants, de caporalisation et de francetelecomisation à bas bruit, et de la permanence de multiples formes de #PasdeVague largement nourries et relayées par l’industrie médiatique. »

 

Mettre en avant 6 idiots utiles, utiles aux partisans, aux acteurs, aux artisans de l’abaissement du statut et de la fonction d’enseignant. Pourquoi pas ?

Ce clip vidéo, cette mise en scène quasi obscène et dégoulinante de mièvrerie, est bien utile pour masquer les réalités de notre métier, et pour travestir ce qui se passe réellement dans la plupart des salles de cours.
Bien utile pour éviter d’expliquer pourquoi et comment on met à bas l’Ecole publique et l’ascenseur social, en France, depuis 30 ans, à coup de fausse bienveillance ; d’effondrement du niveau scolaire ; de management néolibéral ultra-brutal ; d’appauvrissement et de précarisation sociale des enseignants ; de caporalisation et de francetélécomisation à bas bruit ; et de la permanence de multiples formes de #PasdeVague largement nourries et relayées par l’industrie médiatique.

Précisons que les journalistes de Libé sont contactés des centaines de fois, chaque année, par des lanceurs d’alerte.
Précisons qu’il leur est régulièrement offert sur des plateaux d’argent des informations facilement vérifiables, et toute la matière permettant de publier sans trop d’efforts des articles pertinents sur la casse de l’Ecole publique.
Précisons qu’à ce jour (7), les journalistes de Libé n’ont jamais publié d’article sérieux sur les violences subies par le personnel de l’Education nationale, violences étouffées par ceux-là mêmes qui devraient en informer le grand public.
Avec plus d’un million de salariés, et des professions essentiellement féminisées, L’Education nationale est bien sûr le seul secteur en France (et dans le monde) à être totalement épargné par les scandales d’ordre sexuel (8). C’est en tout cas ce que Libé et toute l’industrie médiatique tiennent à nous faire croire le plus longtemps possible, encore. L’addition des silences criants de #PasdeVague à ceux de #MeToo produit des Omertas innervant l’Education nationale, Omertas que des journalistes sans éthique alimentent à qui mieux-mieux : tous les paravents « magiques » sont bons à exhiber, pourvu qu’on ne parle pas, qu’on ne parle jamais, mais vraiment qu’on ne parle jamais, jamais, de ces violences. Le #ProfBashing, c’est ça, aussi. C’est en tout comme cela que les journalistes de Libé y participent, à leur manière, de leur façon bien à eux.

#PourquoiEnseignezVous ? Parce que les étoiles dans les yeux d’un seul élève, une fois par trimestre, valent bien qu’on subisse en silence ici des viols, là des brutalités managériales valant celles des grandes heures de France Télécom, ailleurs la haine et le mépris, partout mille formes de violences, toujours invisibilisées : violences sanitaires, violences salariales, violences sociales, violences verbales, violences morales, violences psychologiques, violences physiques, violences symboliques, violences sexuelles, violences des élèves, violences des parents d’élèves, violences hiérarchiques, violences administratives, violences institutionnelles, violences quotidiennes…

 

« Le #ProfBashing de Libé,

pour être insidieux et pernicieux,

n’en est pas moins efficace. »

 

Mille formes de violences, mais toujours en silence.
Seuls les « profs » « passionnés  » par leur métier ont la parole. Les zautres sont des zaigris, des gens qui n’aiment pas leur métier, des dépressifs (c’est bien connu, ils se réfugient tous dans l’Education nationale), ou de minables syndicalistes animés par de basses revendications corporatistes et qui prennent leurs élèves en otage, armes à feu sur la tempe. En sous-texte, cette petite musique n’est jamais bien loin. Bien sûr, l’Enfer est pavé de bonnes intentions et soyons certains que ces journalistes consciencieux ont « cru bien faire ». Cela pourrait être crédible s’ils abordaient ne serait-ce qu’une seule fois par siècle, sérieusement, en dehors des quelques faits divers filmés par des élèves en plein cours, l’Enfer véritable que vivent trop de salariés de l’Ecole publique et de l’Ecole privée. 
En filigrane, le #ProfBashing de Libé, pour être insidieux et pernicieux, n’en est pas moins efficace. Car derrière les « petits miracles » (parfois réels, et toujours nécessaires et salvateurs) se cachent de gros mensonges (jamais gratuits).
On rêve d’un clip produit par les mêmes fins enquêteurs de Libé : « Pourquoi je travaille en EPHAD chez Orpéa ? Pour les étoiles dans les yeux d’une mamie qui fait sous elle et dont on ne changera la couche que dans 3 jours.  » (9) 

Demain, peut-être, un sursaut et un vrai travail d’information ?
Demain un clip posant les bonnes questions : « Pourquoi n’enseignez-vous plus ? Pourquoi vous empêche-t-on d’enseigner correctement ? Pourquoi ne pouvez-vous plus enseigner ? Pourquoi ne voulez plus enseigner ? Pourquoi vous oblige-t-on à faire semblant d’enseigner ? Pourquoi détruit-on le sens et le coeur de votre métier ? ».
Demain, un clip sous-titré : « Nous avons interrogé 6 lanceurs d’alerte, avec une simple question : qui a intérêt à détruire l’Ecole publique, pourquoi et comment ? Avec la participation de REMEDIUM, Daniel ARNAUD, Jacques RISSO, René CHICHE, Jadran SVDRLIN, et un représentant national des Stylos Rouges. » C’est-à-dire 6 enseignants de terrain, des enseignants de bords politiques différents et parfois opposés, mais menant chacun, bénévolement, un puissant travail de lanceur d’alerte. Un travail que Libé n’a encore jamais fait, un travail que Libé ne fait jamais, et qu’il ne relaie jamais. Entre propagande brute et désinformation crasse, derrière les paravents des témoignages nigauds de six zozos auto-centrés, le #ProfBashing méprisant de Libé est sous-jacent, discret, faux-cul, il ne s’affiche pas comme tel. Mais on conviendra qu’il est ici palpable, concret, et bien réel.

On rêve aussi d’une variante de ce clip : « Avec la participation de professeurs-twitteurs s’exprimant sous les pseudos suivants : @Maud2Nimes @1esperluette @berenyce @REBECCA27905542 @mathsRouge @sourissotte @nathounut @nhabouzite @jsvdrlin @claire3905507 @LPendanger @ViviedeParis @Maatnefer1 @feulogis @mirouet @richtig_falsch @Jo_zephina @hirondelle64 @SMissteacher @alainchristoph4 @hipaulinen @ChPopa @Printk7 @Elinh_84  …  ».  Tant de professeurs bosseurs et consciencieux, tant de professeurs conscients de ce qui se joue dans l’Education nationale, tant de professeurs à qui jamais les journalistes de Libé ne donneront la parole.

Bref, une prochaine fois, Libé, plutôt que de faire du mal et du tort aux enseignants et aux élèves, plutôt que de conforter – sans avoir l’air d’y toucher – la casse volontaire de l’Ecole et le #ProfBashing, parlez des réalités que vous ne sauriez voir. Et donnez la parole à des professeurs. Pas à des « profs ». Merci.

Pierre-André DIONNET

Nota Bene : ce billet sera prolongé par un second article basé sur les réactions d’enseignants ayant visionné le clip produit par Libé.

 

(1) Donner la parole à des enseignants de terrain, des enseignants lambda. C’est-à-dire – pour une fois ! – ne pas la donner aux habituels planqués plus ou moins corrompus qui usurpent le titre de « dirigeants syndicaux », se déclarant « satisfaits » qu’on marche sur la tête de celles et de ceux qu’ils prétendent « représenter ».

Voir cet article du 18 janvier 2022 :

L’Ecole, enjeu politique ? (3) Grève du 13 janvier 2022 : pourquoi des dirigeants syndicaux se disent « satisfaits »… de n’avoir obtenu que des miettes ?

(2) Ci-dessous, De la grève, de l’unité syndicale et de sa pertinence, article du 16 janvier 2022, Jadran SVRDLIN, blog hébergé par le site Médiapart.

https://blogs.mediapart.fr/jadran-svrdlin/blog/150122/de-la-greve-de-lunite-syndicale-et-de-sa-pertinence

(3) https://faitestairecepetitprofbonsang.wordpress.com/2019/03/09/harcelement-hierarchique-le-grand-deni-de-leducation-nationale-13-violences-faites-aux-enseignants-et-au-personnel-de-leducation-nationale-les-taire-cest-les-cautionner/

(4) Avec la complicité et l’aval tacite de l’appareil judiciaire français. Et aussi avec l’aval de… l’industrie médiatique, dont fait partie Libé. Non, visiblement, et chacun peut en juger sur pièces, Libé n’est pas du bon côté de la barrière. Et ses journalistes ne sont pas encore prêts à changer de camp… L’Eglise française a mis des siècles pour tout décoincer, et pour aboutir au rapport SAUVE, en octobre 2021, mais les journalistes de Libé restent du mauvais côté de la barrière, encore en 2022. Encore après #PasdeVague. Encore après #MeToo. Encore le silence, les contre-feux, les paravents, les enfumages… Bien sûr, la quantité des agressions sexuelles est moindre dans l’Education nationale que ce qu’elle est dans l’Eglise, mais le nombre de faits de violences de toutes sortes est encore plus conséquent, et – surtout – et c’est ce qui est ici au coeur du sujet, les Omerta y sont tout aussi immondes et délétères : on brise des humains, et les médias se taisent… Pourquoi ces journalistes continuent-ils d’entretenir, encore et encore ces Omertas ?

(5) Cette vidéo de 5 minutes de notre collègue Clément VIKTOROVITCH revient sur « la magie-han » de la ministre. 

 

(6)

Screenshot 2022-02-03 at 21-30-09 Audrey sur Twitter46 Screenshot 2022-02-03 at 13-39-23 Robert Delord sur Twitter

 

(7) A ma connaissance, du moins, aucun article de fond évoquant de façon peu ou prou exhaustive, le sujet tabou des violences infligées aux salariés de l’Education nationale. Une question directement liée à la destruction de notre système scolaire, destruction théorisée, pensée, voulue et appliquée par les décideurs politiques depuis 30 années. 

(8)

Viols et pédophilie dans l’Education Nationale (22) « Omerta » et « réseaux » au rectorat ? Pas plus qu’autour d’Olivier DUHAMEL…

(9)

https://www.midilibre.fr/2022/02/03/scandale-orpea-si-vous-navez-pas-tout-suivi-on-vous-resume-laffaire-des-ehpad-en-10-points-10085863.php

 

 

L’Ecole, enjeu politique ? (3) Grève du 13 janvier 2022 : pourquoi des dirigeants syndicaux se disent « satisfaits »… de n’avoir obtenu que des miettes ?

 

On peut rappeler, comme je l’ai fait hier, que sous le titre « De la grève, de l’unité syndicale et de sa pertinence », le brillant enseignant Jadran SVRDLIN est revenu de façon précise sur la mobilisation du 13 janvier et sur l’incroyable incapacité de certains représentants syndicaux à freiner la casse de l’Ecole.

On peut aussi s’interroger sur la capacité de certains dirigeants syndicaux à assumer les fonctions que les « premiers de corVée » et le personnel de terrain leur délèguent.

Lisez ci-dessous un petit poème marquant le coup, et quelques réactions à chaud de professeurs, AESH, personnels administratifs ou d’entretien, recueillis sur Twitter le 13 janvier, après que les leaders de certains syndicats d’enseignants aient déclarés face caméra être « satisfaits » de n’avoir obtenu que des miettes. 

                                                                                                                           Pierre-André DIONNET

 

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Lire De la grève, de l’unité syndicale et de sa pertinence, article du 16 janvier 2022, Jadran SVRDLIN, blog hébergé par le site Médiapart.

https://blogs.mediapart.fr/jadran-svrdlin/blog/150122/de-la-greve-de-lunite-syndicale-et-de-sa-pertinence

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En vérité le 13 janvier.

 

Le 13 janvier… Le 13 janvier ?
Les astres étaient bien alignés.
Parents d’élèves et salariés
De l’Ecole se soulevaient,
Pour les élèves, en vérité.

Le 13 janvier ? Le 13 janvier ?
On avait tous bien précisé
Ce qu’on voulait, ce qu’il fallait.
Les Stylos Rouges avaient bossé
Mieux que ceux dont c’est le « métier ».

La grève de ce 13 janvier ?
Syndiqués ou non syndiqués,
On savait bien quoi demander :
Du Respect. Qui se déclinait
Concrètement, là, dans les faits.

Faire grève ce 13 janvier ?
Mille raisons de protester !
Manifester, revendiquer,
Et tout bloquer, jusqu’à gagner !
Pour les élèves et pour de vrai.

La grève donc, du 13 janvier ?
Du jamais vu, en 20 années !
Ce mouvement inespéré
Allait enfin faire changer
Les conditions de nos métiers.

En premier lieu ? « Respect… Respect… »
« Il faut vraiment nous respecter
Et cesser de nous écoeurer. »
« Nous sommes bien trop méprisés. »
« Je n’en peux plus, je vais craquer… »

« On ne veut plus être exploités ! »
« Nous méritons d’être payés
Mieux que cela, en vérité ! »
« Le point d’indice est congelé ? »
« Pourquoi ces classes surchargées ? »

« Où est le sens de nos métiers ? »
« On est broyés. Broyés. Broyés… »
« L’AESH s’est suicidée
Et quatre collègues ont craqué
Dans mon lycée. Vous comprenez ? »

Le 13 janvier, en vérité ?
Une vraie grève, un grand succès !
Alors le soir on négociait…
Ils négociaient ; on attendait,
Confiants dans les hauts délégués.

Et là, t’as vraiment déconné…
T’as déconné, Vénétitay !
On s’était tous mobilisés,
Tu n’avais plus qu’à dérouler,
Le plus dur avait été fait !

T’as déconné, Vénétitay !
Car quand on ne sait pas négocier,
Qu’on cherche la célébrité,
Qu’on est là que pour se montrer…
On ne se dit pas « satisfait » !

Le 13 janvier, t’as tout cassé.
Les astres étaient bien alignés,
Mais un désastre a découlé
De ta grosse incapacité
A négocier. Calamité !

 

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