Ce n’est pas à proprement parler du « harcèlement hiérarchique », c’est « juste » une manoeuvre d’intimidation, un coup de pression, une forme d’abus de pouvoir, comme on en pratique dans tous les rectorats, depuis toujours. Ne comptez pas sur les gros syndicats de cogestion pour y mettre un terme définitif : ils cogèrent, donc gèrent et accompagnent sans trop regimber. « Négocier la taille des chaînes », ils y sont prêts.
D’autres enseignantes ont eu moins de chance que cette collègue. Agressées sexuellement par leur chef d’établissement, on les a fait taire ; harcelées moralement par leur hiérarchie et leur administration, on les a déboutées avec un cynisme implacable et une arrogance inique ; acculées sous des prétextes dérisoires à passer devant un conseil de discipline (commission disciplinaire), on les a le plus souvent soutenues comme la corde soutient le pendu. Quoi qu’il en soit, le mouvement #PasdeVague né il y a moins de deux mois n’a pas suffi à faire revenir à la raison tous les Directeurs des Ressources Humaines des rectorats.
L’information est toute fraîche, je laisse mes lecteurs en prendre connaissance et juger par eux-mêmes.
Pierre-André DIONNET
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Ci-dessous, article de Maurice ULRICH, L’Humanité, 18 décembre 2018.
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Au rectorat de Dijon on peut croiser Big Brother
« Nous, personnels de l’Éducation Nationale, parents d’élèves, représentants syndicaux du lycée le Castel, avons appris avec consternation la convocation de l’une de nos collègues par le rectorat, suite à l’écriture d’une tribune dans une publication dijonnaise. Nous l’assurons collectivement de tout notre soutien. Dans la période de mobilisation actuelle contre les différentes réformes dans l’Éducation nationale, une telle convocation apparaît comme une volonté de faire pression sur l’enseignante et de faire taire toute expression de contestation. Un tel contre-feu ne nous empêchera pas de nous mobiliser contre les réformes en cours. Où est la « liberté d’expression » dans « l’école de la confiance »?
« 1968-2018. Le cinquantenaire du joli mois de mai. Et chacun de s’extasier benoîtement devant l’inventivité des slogans, des affiches, des modes de lutte. Même si la « commémoration » n’est pas celle du 11 novembre et que le président n’a pas fait de périple mémoriel rue Gay Lussac, il n’empêche que 68 se retrouve muséifié et que les enseignants peuvent analyser par exemple la fameuse photographie de Dany-le-Rouge face aux CRS. De même, en tant que professeur de lettres on m’encourage à faire étudier les textes les plus subversifs de l’histoire de la littérature qui, bien entendu, selon les programmes de l’éducation nationale, nous-ont-permis-de-devenir-ce-que-nous-sommes, c’est-à-dire des citoyens libres de circuler, de penser, de manifester. Je n’aurai pas l’audace de me comparer à tous ceux qui, dans le passé, ont risqué leur peau pour que vivent leurs idées. Moi, j’ai juste écrit dans mon coin un texte mal embouché, révoltée par les treize minutes d’allocution d’Emmanuel Macron et qui a été publié sur un site étiqueté libertaire et protestataire. Je l’ai signé et, audace suprême, j’ai cité ma fonction, enseignante, et le nom de mon lycée. Pour cette raison et d’autres peut-être, me voilà convoquée au rectorat de mon académie par le service des ressources humaines et je suppose que je devrais rendre des comptes à ma hiérarchie sur le « droit de réserve » aussi insaisissable que l’Arlésienne mais que j’ai apparemment bafoué. Et cela, c’est grave, plus grave que les violences policières contre nos élèves, plus qu’une réforme du lycée qui réinvente la lutte des classes, plus qu’un monde qui ressemble à une dystopie de roman d’anticipation des années 50. L’Education nationale a le sens des priorités. S’en prendre à une enseignante qui depuis 30 ans fait son travail et le fait correctement est une urgence beaucoup plus urgente que de proposer une réforme qui corrigerait les inégalités sociales et ne serait pas une machine à broyer les cerveaux et les cœurs. »
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