Cette « bienveillance » qui fait des dégâts sur les enfants… (3) Comment la « bienveillance » détruit l’apprentissage en « fabriquant » des apprentis qui ne savent pas compter jusque 20 (authentique !) et dont les entreprises ne veulent pas.

 

               Ailleurs on vous le cache et on vous leurre, tout va très bien Madame la Marquise, mais ici on vous le dit et on vous le répète : le niveau global des élèves en France est en chute libre.

Il y a un moyen de casser cette spirale, c’est de choisir d’introduire au cœur des classes un peu de rigueur et de bon sens, c’est-à-dire de mettre l’accent sur les fondamentaux (lire, écrire, compter, réfléchir, etc.), et surtout de centrer les cours sur l’exigence, l’effort, et le travail. Et je parle bien ici du travail… des élèves !

Malheureusement, la politique du Ministère de l’Education Nationale va dans le sens CONTRAIRE de cette démarche (peut-être qu’avec ce nouveau gouvernement les choses vont changer, nous verrons bien…). Pour masquer cette dégringolade du niveau, on prône une certaine « bienveillance » : en réalité une complaisance trompeuse,
voir ici :
https://faitestairecepetitprofbonsang.wordpress.com/2017/03/27/la-bienveillance-et-ses-degats-sur-les-enfants/
et là :
https://faitestairecepetitprofbonsang.wordpress.com/2017/03/28/ecole-quand-la-bienveillance-devient-complaisance-le-point-de-vue-dantoine-desjardins/
Apprendre du solide c’est passé aux oubliettes depuis longtemps, la seule chose qui compte, c’est le « bonheur permanent » de nos chères petites blondes, à qui demander le moindre petit effort revient à les violenter.

Caricatural ? Voire… S’il existe encore des établissements dans lesquels le savoir n’est pas repoussé hors les murs, la tendance générale est bien de transformer l’Ecole de la République en un service public de garderie…  Et le mouvement s’est amorcé dans les années 1970. C’est dire s’il a eu le temps de faire des dégâts…

Conséquence : des étudiants qui à 18 ans ne savent pas compter jusque 20, ne savent pas lire un document simple, et que les entreprises refusent d’accueillir en stage.

La preuve ? Des milliers de témoignages de terrain… que les médias mainstream malheureusement ne relaient guère. Voici quelques-uns de ces témoignages lus ce matin-même sur le forum neoprofs :

 par stench Aujourd’hui à 10:12

«  J’ai passé l’année avec une classe de BTS deuxième année infecte. Je ne parle pas que de ma matière, la moyenne générale de la classe était de 7/20, certains avaient 3/20, du jamais vu.
Au BTS blanc, trois seulement ont réussi sur 28.
Certaines entreprises qui ont accepté ces étudiants nous contactaient catastrophées en nous disant par exemple que « truc ne sait même pas lire un document simple », que tel autre « ne sait pas compter jusqu’à 20 ». Sur les 28 entreprises, 10 ont coché la case « je ne désire plus avoir d’apprenti l’année prochaine » sur la fiche bilan et quand on leur demandait pourquoi (c’est un peu catastrophique, on fera comment l’an prochain ??) elles nous répondaient qu’elles perdaient trop de temps à repasser derrière les apprentis qui sont parfaitement incapables de quoi que ce soit. Certes, c’est un peu humiliant parce qu’implicitement, ces gens sous-entendaient que les profs ne font pas bien leur travail mais malgré tout, c’était presque rassurant d’avoir un avis extérieur, on en venait à se demander si on était trop « sévère »…

Les résultats sont tombés hier  : tous ont réussi leur examen. On a perdu toute crédibilité. Je n’ose pas imaginer comment vont se comporter les étudiants qui passent en deuxième année en septembre quand ils auront entendu ça… »

Dernière édition par stench le Sam 1 Juil 2017 – 10:24, édité 1 fois

par Babarette Aujourd’hui à 10:22
« Vous n’avez pas perdu toute crédibilité. S’ils trouvent du travail, ils se feront rapidement renvoyer à coups de pieds dans le fessier. Et là, ils se rendront bien compte que vous n’aviez pas tort.  »

par sifi Aujourd’hui à 10:27
«  A force de bienveillance, on en arrive à leur faire croire qu’ils sont géniaux. C’est criminel, je trouve. »

par egomet Aujourd’hui à 10:43
« C’est criminel. Cette génération sera en droit de nous maudire, quand elle se rendra compte que nous lui avons menti. »

par egomet Aujourd’hui à 10:41
« C’est humiliant parce que c’est vrai.
Mais c’est surtout humiliant pour ceux qui ont organisé le désastre. Et seulement un peu, par ricochet, pour les professeurs qui lancent des alertes, mais sont bien obligés de participer à ce désastre.
Est-on complice, parce qu’on n’a pas su empêcher? Question difficile… »

par RooMcfly Aujourd’hui à 10:50 

«  stench: même chose ici, 100% de réussite avec des élèves d’un niveau affligeant et extrêmement désagréables à cause d’un manque de remise en question (problèmes en entreprise aussi, bref même profil que ton groupe). Nouveauté cette année, il y a la présence de professionnels en jury de bts et ce sont souvent eux qui se sont opposés aux rattrapages d’élèves alors que la plupart des professeurs suivaient l’IPR en charge du jury. L’un d’entre eux a dit clairement ce qu’il pensait de tout ça et j’avais envie de l’applaudir !

Cette année sur 200 dossiers, nous en avons accepté 14 seulement car ce n’est plus possible, pour nous comme pour les entreprises. Nous n’avons pas réussi à trouver plus d’entreprises. Le niveau de français pose des problèmes énormes pour toutes les autres matières, c’était notre critère principal à vrai dire. L’effet pervers étant que nous n’avons accepté aucun bac pro alors que ça devrait être leur orientation normale. »

 

par stench Aujourd’hui à 10:12
Je crois que ni moi, ni mes collègues n’avons menti à qui que ce soit. Quand on leur dit, dans nos discours ou dans nos notations, que personne n’a le niveau attendu à l’examen, nous ne mentons pas. Quand le proviseur, puis le chef des travaux, viennent expliquer l’urgence de la situation parce que personne n’a le niveau, ils n’ont pas menti. En revanche, quand les étudiants, dont celui qui a 03/20 de moyenne générale nous dit, textuellement « vous pouvez toujours parler, je vais avoir l’examen, j’ai toujours tout eu sans travailler », c’est juste qu’il est conscient de cette immense arnaque et il avait raison : il l’a eu, son examen.

Comment est-ce possible ? Les correcteurs sont des professeurs comme nous, des mêmes matières, avec les mêmes attentes, pourquoi ces différences ?

par Marcelle Duchamp Aujourd’hui à 11:11 Parce qu’il y a cette foutue bienveillance imposée à chaque examen désormais. De toute façon, ça leur retombera forcément sur le coin de la figure à un moment donné!

 

par egomet Aujourd’hui à 10:41

Il y a de nombreuses raisons.
Par exemple, on déplore le niveau global, mais comme les élèves ne sont pas totalement responsables de leur médiocrité, au moment de noter on fait preuve de tolérance. Il est pénible d’être précisément celui qui va refuser le diplôme au candidat. On va facilement se cacher derrière l’ambiance générale. Après tout, puisque la hiérarchie me le demande et que personne n’a vraiment le courage ou l’énergie pour s’opposer, je ne vais pas me sacrifier, donc je participe, un peu, en traînant les pieds, mais je participe au système.
Il y a aussi la peur d’être désavoué et d’avoir à se justifier. Je me rappelle douloureusement la question d’une IPR: « Etes-vous satisfait du niveau de vos élèves? » Question piège. Si je répondais oui, elle allait probablement me reprocher les basses notes que je leurs mettais (autour de 10/20 de moyenne de classe). J’ai répondu non, elle en a tiré argument pour dire que mes méthodes ne fonctionnaient pas.

Alors bien sûr, on peut s’en tirer en disant que c’est l’institution qui ment et pas nous. Il est clair que le dispositif est mensonger en lui-même (absence de redoublements, instruments de mesure qui sont aussi des objectifs etc.) Il y a sans doute sur néo pas mal de professeurs qui acceptent le rôle déplaisant du râleur sévère qui dit les vérités déplaisantes envers et contre tout.
Mais honnêtement, l’immense majorité d’entre nous ont au moins menti par omission, pour ne pas désespérer un élève ou pour avoir un peu la paix. On n’a pas toujours protesté, quand le conseil de classe décidait de faire passer un élève dans la classe supérieure pour s’en débarrasser plus vite, et on n’a probablement pas expliqué la véritable raison à la famille. Je l’avoue d’autant plus facilement maintenant que j’ai payé le prix pour avoir dit certaines vérités. J’ai claqué la porte de l’éducation nationale. Plus tard, j’ai écrit un livre sur le sujet. Et pour tout dire, je vais même quitter la France. Mais c’est une expérience bien trop douloureuse pour que je puisse conseiller à qui que ce soit de faire la même chose. D’ailleurs, ce n’est en rien une posture héroïque de ma part. Je n’ai pas décidé grand chose. Ca s’est trouvé comme ça. Si j’avais pu, j’aurais plutôt essayé de me faire oublier.

 

Témoignages de terrain à lire ici :  http://www.neoprofs.org/t111642p700-j-hallucine-boulot#4132008

 

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CONCLUSION

Alors, qu’est-ce qu’on fait ? On ferme les yeux et on continue, pour sauver les apparences, de sacrifier des générations entières d’élèves ?
Ou on réagit et on met en lumière cette réalité – quitte à se faire broyer par l’administration du Ministère de l’Education Nationale, au prétexte de « déloyauté » vis-à-vis de son employeur ?
Je crois bien que comme mon collègue egomet qui témoigne ce matin sur le forum neoprofs, j’ai choisi, sans l’avoir voulu. 🙂 Reste à voir si, lorsqu’il faudra juger ma haute trahison, le tribunal administratif osera pencher en faveur de l’administration en entérinant les sanctions totalement infondées prononcées à mon encontre… Mais cela, c’est une autre histoire, à suivre dans de prochains billets.

Pierre-André DIONNET

 


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